C'est Georgio Vasari, dans "Les vies" (1550 puis 1568) qui propose le terme rinascita, renaissance, pour qualifier le renouvellement artistique. Il distingue trois époques, en analogie avec les âges de la vie : l'enfance (XIII et XIVe), avec Cimabue et Giotto, l'adolescence (XVe) avec Brunelleschi, Donatello, Masaccio et Botticelli et la maturité, l'homme universel (XVIe) avec Leonard de Vinci, Raphaël et Michel Ange. Encore aujourd'hui on distingue habituellement la pré-renaissance avec Sienne comme capitale artistique, la première renaissance où Florence domine, et l'apogée de la renaissance où Rome et Venise jouent les rôles majeurs.
Mais bien avant Georgio Vasari, les artistes et humanistes ont conscience de vivre une nouvelle époque. C'est déjà le cas dans l'enfance de la renaissance avec Pétrarque (1304-1374), auteur du Canzoniere et premier et plus grand des poètes lyriques de la Renaissance. Dante et Boccace sont les contemporains toscans de Cimabue et Giotto. Dans La Divine Comédie (1307-1321), Dante soutient que Cimabue a longtemps eu le "cri" en peinture mais que c'est maintenant Giotto qui l'a. Boccace (1313-1375), auteur du Décaméron et maître de la satire fait l'éloge de Giotto, vantant son talent d'imitation qui l'éloigne de la beauté figée des grecs.
En 1447, Lorenzo Ghiberti dans "I Commentari" définit le nouvel âge comme s'opposant au moyen-âge avec un retour à la nature pour la peinture, un retour à l'antiquité classique pour l'architecture et une forme médiane pour la sculpture. Mais c'est surtout Leon Battista Alberti qui consacre les trois maîtres de l'adolescence de la renaissance dans "De pictura", son traité de la peinture paru en version latine 1435 puis italienne en 1436. Il est alors dédicacé à Brunelleschi. Sont mis en avant, outre l'architecte, trois sculpteurs dont Donatello et Ghiberti et un seul peintre Masaccio. La perspective y est décrite comme l'apport majeur de Brunelleschi. Elle est l'ensemble des règles pour retranscrire sur une surface binaire des objets en trois dimensions.
La Pré-Renaissance désigne l'art du Trecento
(XIVe siècle) qui rompt avec le gothique international prédominant de Sienne.
Principaux artistes : Cimabue (1240-1302), Giotto (1267-1337), Pietro Lorenzetti(1280-1348), Ambrogio Lorenzetti (1290-1348).
C'est d'abord par l'architecture que l'oligarchie, qui va prendre le pouvoir à Sienne comme à Florence, s'affirme. En 1250, débute la construction du Duomo de Sienne. La ville gagne contre Florence en 1260. En, 1265 Nicola Pisano sculpte l'escalier et la chaire de Sienne. En 1270, défaite des siennois et occupation de la ville par les troupes de Charles Ier dAnjou. En 1308, Duccio peint La Maesta pour la cathédrale de Sienne. En 1315, Simone Martini réalise à fresque La Maesta du Palazzo Publico de Sienne, imité par Lippo Memmi à San Gimignano en 1317
En 1279, construction de Santa Maria Novella à Florence dont la façade sera achevée par Alberti en 1458. En 1284, naissance de la seigneurie et consécration dun pouvoir oligarchique, fondé sur les associations professionnelles à Florence. Arnolfo di Cambio construit léglise Santa Croce à Florence en 1295. En 1296, débute la construction du Duomo de Florence et du palais de la Seigneurie daprès les plans dArnolfo di Cambio. En 1297, c'est l'édification du Palazzo Publico de Sienne.
Les artistes de l'époque opèrent une transition entre l'art primitif byzantin et un style naturel que l'on associait alors à la Rome antique. Giotto est considéré comme celui qui initia cette transition. Son oeuvre la mieux préservée, Les fresques de la chapelle des Scrovegni (1303-1306) à Padoue, en est une illustration exemplaire. La façon dont il traite l'expression des visages et les attitudes des personnages leur confère une remarquable puissance psychologique. . En 1320, Giotto décore la chapelle des Bardi, dans Santa Croce. Giotto avait ainsi trouvé des solutions empiriques pour figurer la profondeur avec des lignes de fuite. Pietro Lorenzetti avec La naissance de la vierge (1342) et Ambrogio Lorenzetti avec L'annonciation (1344) sont les auteurs des premières perspectives monofocales.
En 1337-1339 : Ambrogio Lorenzetti décore Palazzo Publico de Sienne avec la Fresque du bon et du mauvais gouvernement.
En 1348, la grande peste noire ravage Florence qui passe de 100 000 à 50 000 habitants.
La Première Renaissance
désigne l'art toscan entre 1400 et 1500 (Quattrocento - XVe siècle).
Les recherches dans les domaines de la perspective et des proportions, la conception nouvelle du portrait comme représentation de l'individu et les débuts du paysage sont les grandes innovations de cette période. Il y avait déjà de la perspective avant Brunelleschi, qui retranscrit des vues de ville sur des panneaux, mais les règles n'avaient pas été découvertes. Pour Daniel Arasse (2), les raisons du triomphe de la perspective, au-delà de sa découverte technique comme système de représentation monofocale, sont au nombre de trois.
Il y a tout d'abord le rôle de Leon Battista Alberti et de son livre De pictura, qui légitime la construction en perspective et qui a un certain prestige dans le monde de la culture et pas seulement auprès des artistes.
Ensuite il y a les commanditaires, et en particulier Côme de Médicis, dit Côme l'Ancien, qui rentre à Florence en 1434 et y règne, un an avant qu'Alberti n'écrive son livre, et qui va choisir une peinture non pas du gothique international, luxueuse et princière mais, pour des raisons parfaitement idéologiques, une peinture "toscane", c'est à dire économique, sobre et rigoureuse et la perspective s'applique à ça. Au début du Quattrocento, la renaissance proprement dite se développe surtout à Florence alors qu'à Milan, centre économique et politique le plus important d'Italie, perdure un magnifique gothique international hérité du Moyen-âge jusqu' au XVe siècle.
La troisième raison est l'opération intellectuelle fondamentale qui va demeurer valable pour la position qu'elle donne au sujet, à l'homme dans le monde, pendant des siècles jusqu'aux impressionnistes qui la conserveront. Du point de vue artistique, la voie entreprise est celle du "naturel", d'une représentation destinée à la profonde "compréhension de la nature".
Principaux artistes de la première renaissance : Donatello (1386-1466), Paolo Uccello (1397-1475), Fra Angelico (1400-1455), Masaccio (1401-1428), Fra Filippo Lippi (1406-1469), Piero della Francesca (1420-1492), Andrea Mantegna (1431-1506), Andrea del Verrocchio (1435-1488), Sandro Botticelli (1445-1510), Domenico Ghirlandaio (1449-1494), Le Pérugin (1450-1523), Luca Signorelli (1450-1524).
Après le retour des papes d'Avignon (1376) et le schisme qui s'en suivit (1378-1417), Rome joue tout d'abord un rôle négligeable. Par sa situation géographique, la Lombardie est davantage liée aux pays d'Europe du Nord qu'avec le centre de l'Italie. Les Sforza y sont les commanditaires les plus importants. Quant à la République de Venise, qui est en fait une souveraineté féodale, elle subit une forte influence byzantine en raison de son ouverture économique.
Depuis le XIIe siècle, Florence est en revanche gouvernée par les citoyens de la ville. C'est l'administration municipale qui passe les commandes de grande envergure. Ainsi contrairement à ce qui se passe dans le Nord de l'Italie, la culture florentine est marquée par la bourgeoisie. En revanche, pour la noblesse et le clergé, la tradition est toujours un gage de légitimité et elles entendent la perpétuer ; la préservation des formes héritées est donc pour elles un propos naturel.
Ainsi, la Première Renaissance est un mouvement porté essentiellement par la bourgeoisie. Ce mouvement va mener l'art d'une conception théocentrique du monde, qui prend donc le divin pour référence, à une image anthropocentrique du monde, où c'est l'homme qui est pensé comme mesure.
Chronologiquement, ce sont tout d'abord des sculpteurs (Ghiberti, Donatello) qui substituent à la statue habillée, la figure en pied de l'époque moderne et qui créent un type de relief permettant la représentation naturelle d'un très grand nombre de figures composant des scènes d'une spatialité jusqu'alors inconnues. Les emprunts à l'Antiquité sont évidents dans les trois disciplines artistiques; ainsi, les statues de Donatello font revivre la statue en pied qui distingue le côté de la jambe d'appui, tendue et le côté de la jambe libre détendue. Le concours pour la deuxième porte en bronze du baptistère de Florence, Le sacrifice d'Isaac, en 1401 remporté par Ghiberti est considéré comme l'acte fondateur de la Renaissance artistique.
Vers 1420, Brunelleschi entreprend la construction de la coupole de la cathédrale de Florence. Il remplace l'architecture gothique par des concepts qui d'une part ramènent les oeuvres à des dimensions plus humainement compréhensibles et qui reprennent d'autre part les différents éléments de l'architecture antique de Rome.
En 1424, Masaccio commence le cycle à fresque de la
chapelle des Brancacci. Ces oeuvres montreront la voie à tout le XVe siècle
par leur représentation de l'espace et des corps. Alors qu'au XIVe siècle,
le traitement de l'espace et du corps s'appuie avant tout sur des valeurs
empiriques, à partir de 1420 on explore les lois qui les régissent (perspective,
proportions) et de nombreux traités donnent des outils théoriques à la pratique.
Ainsi, Alberti présente la théorie la plus approfondie de la perspective renaissante
dans son traité De Pictura (De la peinture, 1425).
En 1432, Florence s'affirme contre Sienne en gagnant la bataille de San Romano
et en 1434, Cosme de Médicis devient le maître de la ville.
Lorsqu'à la fin des années 1430, Piero della Francesca arrive de sa province natale pour travailler à Florence, il est confronté à une diversité déroutante de courants artistiques : certains comme Fra Angelico s'attachent à doter la peinture sacrée d'une valeur humaniste, d'autres comme Uccello construisent des univers de fantasmes logiques; d'autres encore préfèrent explorer en profondeur les capacités mimétiques de l'art : c'est le cas de Masaccio dont les fresques avaient provoqué un véritable choc culturel. Il se mit alors en quête d'un système de peinture universel, synthétique, susceptible d'unifier les oppositions formelles et de proposer un modèle reproductible. La foi qu'il avait dans les capacités des mathématiques à rationaliser la perception du monde se retrouve dans la Flagellation du Christ (1444-1450), l'un des exemples les plus éclatants de l'emploi d'un théorème dans la peinture.
A la mort de Cosme, en 1464, le pouvoir des Médicis devenu héréditaire passe entre les mains de son fils, Pierre le Gouteux puis dans celles de Laurent de Médicis en 1469, brievement interrompu par la Conjuration des Pazzi en 1478.
Après le milieu du siècle, on assiste à des transformations stylistiques dans tous les genres artistiques, transformations qui sont marquées par les signes nombreux d'une "regothisation" : le grand "jaillissement" qui caractérise les premières décennies du siècle (représentation convaincante du corps, de l'espace et du paysage dans leur manifestation globale) est suivi de la minutieuse élaboration du détail dans le domaine du rendu exact des corps, de l'environnement architectural et du paysage. Le moyen approprié est la ligne et non le modelé des grandes formes. Cette voie s'annonce dans l'oeuvre de Botticelli (1484 Naissance de Vénus), Filippino Lippi et Luca Signorelli. Avec l'accroissement de ses richesses et de son pouvoir, la bourgeoisie a soif de briller du même éclat que les cours princières. La décoration de la chapelle du Palazzo Médici par Gozzoli est l'oeuvre la plus significative de ce revirement. Après la mort de Laurent le Magnifique en 1492, le moine Savonarole instaure une république théocratique en 1494. Il est supplicié sur la place de la Seigneurie quatre ans plus tard.
L'apogée de la Renaissance fait référence aux arts de la Rome papale, de Florence et de la République de Venise entre 1500 et 1520 et à l'art flamand de la même époque.
Principaux artistes : Giovanni Bellini, Léonard de Vinci , Michel-Ange, Giorgione, Raphaël, Lorenzo Lotto, Titien
La transformation de l'image du monde par les sciences naturelles et les grandes découvertes, les tensions religieuses et politiques ainsi que les troubles sociaux se reflètent dans la peinture. Le réel et l'idéal, le profane et le sacré, le mouvement et le repos, l'espace et la surface, la ligne et la couleur se réconcilient dans une bienfaisante harmonie. C'est Léonard de Vinci qui franchit le pas décisif en abolissant l'équilibre entre la ligne et la couleur au profit de la modulation chromatique des contours. La Cène du réfectoire de Santa Maria delle Grazie comporte différents systèmes de perspective, elle est pensée jusqu'aux moindres détails. Léonard remplace de plus en plus la ligne de contour et de démarcation, c'est à dire le dessin, par la modulation chromatique. Les transitions entre les figures et les objets se font fluides. L'espace n'est plus actualisé principalement par l'emploi de la perspective mathématique, mais par l'éclaircissement des couleurs et la dissolution progressive des contours. Raphaël et Michel-Ange suivent ses traces et créent des formes artistiques qui seront des modèles pour toute l'Europe.
Pendant le XVe siècle, c'est Florence qui fut le centre incontesté du renouvellement des arts en Italie. Vers 1500, le centre de gravité de l'art italien se déplace vers Rome et Venise. Les raisons décisives sont politiques et sociales. La chute des Médicis en 1494 et le gouvernement du moine dominicain aux visions apocalyptiques, Savonarole (1452-1498), mirent un terme brutal à l'épanouissement culturel qui avait trouvé son apogée sous Laurent le Magnifique (1449-1492). Après l'exécution de Savonarole en 1498, Florence devint l'enjeu de puissances rivales jusqu'au retour des Médicis en 1512. C'est très exactement dans les deux décennies qui virent naître les oeuvres maîtresses de l'art classique que les inspirateurs et les mécènes manquèrent à Florence.
C'est surtout la papauté qui entendait à présent restaurer Rome dans sa position de centre culturel de l'Occident. Avec la nomination de Bramante à la direction des travaux de construction de la nouvelle église Saint-Pierre en 1504, avec celle de Michel-Ange pour la réalisation du tombeau de Jules II en 1505 et avec l'installation de Raphaël à Rome en 1509, la prédominance de Rome dans l'art italien est momentanément assurée.
Les oeuvres maîtresses de la Renaissance en Italie, La Cène de Léonard de Vinci, l'Ecole d'Athènes de Raphaël, La Vénus endormie de Giorgone communiquent un sentiment d'évidence et d'aboutissement qui ne permet plus aucune évolution et aucun développement. Raphaël, dont l'oeuvre est considérée comme l'incarnation la plus pure de tous les idéaux de la Renaissance, atteint et fixe une fois pour toutes l'apogée de la haute Renaissance dans les fresques de la chambre de la Signature (1509-1511).
Venise invente une expression lumineuse et colorée, plus sensuelle que celle de Florence, plus intime que celle de Rome. Giovanni Bellini fonde cette lignée de peintres vénitiens. L'art de Titien achève la synthèse du naturalisme, de la culture classique dominée par la pensée néo-platonicienne et des aspirations nouvelles vers une manière somptueuse et luministe, aux vastes effets spatiaux.
L'oeuvre la plus difficile à classer dans les normes idéales de la Renaissance est celle de Michel-Ange, exception faite des sculptures qu'il réalise à 30 ans à peine (par exemple, son David, 1501-1504). Dès l'époque de la décoration de la chapelle Sixtine (1508-1512), il fait éclater le cadre de la Renaissance : chaque partie du gigantesque cycle a son propre système de perspective, les contrastes d'échelle (par exemple, entre les sibylles et les prophètes, les adolescents et les figures de la Genèse) effacent toute impression d'avoir affaire à un ordre achevé. Dans les figures d'adolescents, les "ignudi", Michel-Ange déborde complètement les cadres formel et sémantique de la tradition iconographique. Dans ses dernières oeuvres, l'ainé de la triade de la Renaissance italienne, Léonard de Vinci, franchira lui aussi la frontière entre Renaissance et Maniérisme en mettant ses figures et ses objets comme derrière un voile en dissolvant les contours au profit de transitions.
Après la mort de Léonard, de Raphaël et de Michel-Ange, la peinture italienne évolue vers le maniérisme.
Dans la partie des Pays-Bas qui correspond à la Belgique actuelle, Jan van Eyck (1390-1441) est aussi à la recherche d'une représentation de la réalité. Mais avec une technique bien différente. Les artistes florentins ont élaboré toute une méthode pour rendre la nature avec une précision quasi scientifique. Après avoir établi une armature de lignes perspectives, ils y édifiaient le corps humain, soutenus en cette entreprise par leur connaissance de l'anatomie et des lois du raccourci. Van Eyck suit une méthode opposée. Il obtient l'illusion de la réalité en ajoutant patiemment détail sur détail jusqu'à ce que la somme de son tableau soit devenue comme le miroir du monde visible. Ce contraste entre l'art italien et l'art septentrional va se poursuivre tout au long de la renaissance. Toute oeuvre qui excelle dans le rendu des belles matières, des fleurs, des bijoux ou des tissus est le fait d'un artiste du nord. Tandis qu'une peinture aux contours audacieux, à la perspective nette, exprimant la beauté du corps humain avec maîtrise est l'œuvre d'un Italien.
La renaissance initiée au XVe par Jan van Eyck (1390-1441) et Rogier Van der Weyden (1399-1464) se poursuit avec Hans Memling (1435-1494) et Hieronymus Bosch (1450-1516) alors que Bruegel (1530-1569) appartient déjà au courant maniériste.
En Allemagne, la Renaissance intervient presque un siècle plus tard avec Albrecht Dürer (1471-1528), Lucas Cranach (1472-1553), Matthias Grünewald (1475-1528), Jan Mabuse (1478-1532) et Holbein (1497-1543). La différence se marque entre, d'une part, l'âme du Sud, classique organique, calme et reposée et, de l'autre, l'âme du Nord, expressionniste, inorganique, inquiète et angoissée.
La France ne reconnait l'influence de l'art italien qu'avec François 1er qui, pour décorer Fontainebleau, fait appel à des artistes maniéristes.
Bibliographie :