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Histoire de l'art
144 carrés d'étain,
Carl André, 1975
Une et trois chaises,
Joseph Kosuth (1965)
Spiral jetty
Robert Smithson, 1970

Les années 50 avaient marqué la prédominance du geste sur l'intention. L'art minimal veut renverser cette hiérarchie. Il va ouvrir la porte de l'art conceptuel qui va devenir l'un des trois grands mouvements de l'art moderne. Après le pop art, l'art s'oriente en effet dans trois directions selon le référent qui est introduit comme objet de la peinture. Ce peut être le réel, une idée ou l'expression de l'artiste. Trois grands mouvements naissent alors, l'art performatif, l'art conceptuel et l'art néo-expressionniste.

L'art conceptuel s'est d'abord fait minimal avant d'interroger les concepts de la peinture puis de developper dans le land art et l'art autobiographique. Le postmodernisme en tente une synthèse difficile et stimulante.

1 - L'art minimal

Le mot d'ordre le plus célèbre de l'art minimal est celui de l'architecte Wright: "Less is more". Mais là n'est peut-être pas le plus important. Dans le jeu à trois entre créateur, oeuvre et spectateur, ce sont les deux derniers qui sont privilégiés. "Il faut laisser fonctionner le matériau" clament Carl André, Dan Flavin , Donald Judd, Sol Lewitt, Robert Morris, Bruce Nauman, Tony Smith, Richard Serra, Franck Stella.

"L'emploi de la couleur est contestable parce qu'elle met l'accent sur les qualités optiques et pervertit les qualités physiques". Et "L'objet n'est plus qu'un des termes de la relation qui met en présence l'objet lui-même, l'espace dans lequel il se trouve, la lumière qui l'éclaire, et la situation du spectateur qui y est confronté."(Robert Morris)

2 - L'art conceptuel

L'art conceptuel pousse à bout certaines démarches du mouvement minimaliste. Pour les minimaliste, l'exécution est une affaire sans importance, l'idée devient la machine qui fabrique tout. Toute pratique artistique est ainsi abandonnée au profit d'une réflexion sur l'art. Par contre la structure physique du matériau à moins d'importance, et le rapport au spectateur devient purement intellectuel.

"L'artiste engagé dans l'art conceptuel a pour objectif de rendre son oeuvre mentalement intéressante pour le spectateur et c'est pourquoi il tient à ce qu'elle soit émotionnellement sèche."(Sol LeWitt).

Les expositions "quand les attitudes deviennent formes" à la Kunsthalle de Bâle "Konzeption/Conception" au Städtisch Leverkusen Museumen en 1969 et "Information" au MOMA en 1970 consacrent le mouvement qui va explorer trois tendances : ceux qui réfléchissent sur le message (Kosuth), ceux qui réfléchissent sur la capacité qu'a le matériau en lui-même de rendre possible un discours (Ryman), ceux qui réfléchissent sur l'appropriation du monde par le tableau.

a / ceux qui réfléchissent sur le message tel Kosuth avec "A chair (objet rééel ; le référent) is a chair (photo : représentation visuelle) is a chair (représentation linguistique)", 1965 ou le groupe Art Langage.

l'Art Sociologique : Fred Forrest "Le blanc envahit la ville" Sao-Polo 1973 "Archéologie du présent" Paris 1973

b/ Le discours sur le matériaux est tenu aux Etats-Unis par Joseph Kosuth, Sol LeWitt, Robert Ryman (Nashville, 1930)

"Je ne me considère pas comme quelqu'un qui fait des tableaux blancs ; je suis un peintre. La peinture blanche est un moyen d'expression. Il y a beaucoup de couleur impliquée. Ce n'est pas du rouge, ni du vert, ni du jaune mais c'est de la couleur tout de même."

En refusant la charge expressive des couleurs pour s'en tenir depuis plus de 20 ans à l'emploi exclusif du blanc, Ryman oblige paradoxalement le spectateur à regarder la peinture : les nuances du pigment qui passent subtilement du chaud au froid et du mat au brillant ou le mode d'application de ce pigment, les effets de matières, la toile de lin qui sert de support et les attachent qui soutiennent le tableau sont autant d'éléments qui constituent le fait pictural. Le choix du format carré ressort du même processus de réduction qui cherche à restreindre les constituants du tableau pour mieux les analyser, d'autant que le carré est la seule forme qui par son géométrisme est susceptible d'évacuer les problèmes traditionnels de composition. Ryman explore aujourd'hui les tailles de pinceaux, le blanc de la toile et le blanc des cimaises. Encore et toujours il veut montrer tout le visible mais seulement le visible.

L' insistance mise sur l'objet en tant que point de départ de la réflexion amène à s'interroger et à s'inquiéter de ce point de départ ; à mettre en évidence l'environnement du tableau qui lui échappait comme point de départ... C'est ce que certains théoriciens ont appelé le rapport différentiel de l'oeœuvre d'art au réel.

Ainsi le "shaped canvas" de Frank Stella a pris en compte ce rapport différentiel. A un moment donné Frank Stella a pris la décision de prélever du tableau ce qu'on aurait auparavant assimilé à un fond. La forme extérieure du tableau ne devait plus être le résultat d'une convention étrangère à l'intention de l'artiste, mais elle devait être issue du contenu même du tableau. Stella a donc découpé son châssis de manière à évacuer du tableau ce qu'il considérait ne pas lui appartenir en propre, mais en faisant cela, il a fait intervenir ce que le tableau et son cadre traditionnel masquaient ou ignoraient, le mur.

BMPT : Daniel Buren, Olivier Mosset (44), Michel Parmentier(38), Niele Toroni. Ce groupe, créé en 1967, se désagrège en 1971. Ses quatre membres se tiennent à un vocabulaire de base extrêmement réduit : des bandes verticales de 87mm de large pour Buren, un cercle pour Mosset, des bandes horizontales pour Parmentier et une marque de pinceau pour Toroni. Ils se rattachent directement au mouvement conceptuel, ils proposent une peinture qui produit sa propre limite et l'expose. Ils cherchent à échapper à toute lecture interprétative. Daniel Buren évoluera ensuite vers le post-modernisme.

Support-Surface : Claude Viallat, Louis Cane, Daniel Dezeuze, Bernard Pagès, Tony Grand, Patrick Seytour, Marc Devade. Mouvement conceptuel français, fondé par Vincent Bouliès lors d'une exposition au Musée d'art Moderne de la Ville de Paris en 1970. liès au groupe littéraire Tel Quel (Marcelin Pleynet).

c/ réappropriation du monde

L'art minimal, devenu conceptuel, domine la scène internationale des années 70. La disparition de l'objet art et les multiples questionnements provoquent angoisses et replis. L'art a du mal à se légitimer et essaie de prouver sa validité, quitte parfois à la chercher en dehors de lui-même (reférence à l'histoire, à la sociologie...). Ceux qui n'acceptent pas l'apologie plus ou mois ironique du social sont ammenés à faire disparaitre l'objet peinture. Celui-ci devient une simple composante (et parfois un pretexte) dans la discussion entre le spectateur et le monde de l'art rejoignant en cela l'art minimal ou conceptuel.

3-Land art

Spiral jetty
Robert Smithson, 1970
Broken circle
Robert Smithson, 1971

Principaux artistes : Robert Smithson, Richard Long, Robert Morris, Nancy Holt, Dennis Oppenheim, Walter De Maria, Christo, Michael Heizer.

Le land art est une tendance de l'art contemporain utilisant le cadre et les matériaux de la nature (bois, terre, pierres, sable, rocher, etc.). Le plus souvent, les œuvres sont à l'extérieur, exposées aux éléments, et soumises à l'érosion naturelle ; ainsi, certaines œuvres ont disparu et il ne reste que leur souvenir photographique et des vidéos.

Les premières œuvres ont été réalisées dans les paysages désertiques de l'Ouest américain à la fin des années 1960. Les œuvres les plus imposantes, réalisées avec des équipements de construction, portent le nom d'Earthworks (littéralement terrassements).               

L'histoire du land art débute en octobre 1968 avec l'exposition intitulée Earth Works, à la Dwan Gallery à New York. Avec la publication de son essai The Sedimentation of the Mind: Earth Projects en 1968, Robert Smithson s'impose comme le théoricien du land art et devient la figure emblématique de cette tendance artistique, aux côtés de Robert Morris, Nancy Holt, Dennis Oppenheim, Walter De Maria, Christo et Michael Heizer. En février 1969, une autre exposition, Earth Art, organisée par Willoughby Sharp au Andrew Dickson White Museum of Art (Ithaca, New York), confirme l'importance du land art sur la scène de l'art. Deux mois plus tard, le 15 avril 1969, le vidéaste Gerry Schum organise sur la chaîne Sender Freies Berlin (SFB) de la télévision allemande une exposition télévisuelle intitulée Land Art, réunissant cette fois Richard Long, Barry Flanagan, Dennis Oppenheim, Robert Smithson, Marinus Boezem, Jan Dibbets, Walter De Maria et Michael Heizer (ce dernier, en désaccord avec Schum, se désistera finalement).

Les motivations premières du land art étaient de se débarrasser de l'art de chevalet et des grands principes du Modernisme prônés par le critique d'art Clement Greenberg. Comme la plupart des mouvements nés dans les années 1960, le land art cherchait à lier l'art et la vie, à arrêter de produire des œuvres destinées à être seulement admirées dans des musées. Si les Earthworks sont des altérations durables du paysage, la plupart des œuvres du land art relèvent plutôt de l'art éphémère, vouées à plus ou moins longue échéance à la disparition sous l'effet des éléments naturels.

Cette tradition s'est perpétuée chez plusieurs artistes contemporains qui travaillent directement dans la nature. Les œuvres sont souvent éphémères et ne deviennent durables que via la photographie : feuilles, fleurs, neige, glace par Andy Goldsworthy ou Nils-Udo ainsi que la plupart des œuvres de Richard Long.      


Avec les artistes du land art, la nature n'est plus simplement représentée : c'est au cœur d'elle-même (in situ) que les créateurs travaillent. Ils veulent quitter les musées et les galeries avec leurs tickets d'entrée et heures d'ouverture afin de véritablement « sortir des sentiers battus ». L'œuvre doit être non plus une valeur marchande vouée à une élite mais une véritable expérience liée au monde réel. Les œuvres sont souvent gigantesques, comme Double Negative de Michael Heizer, où 240 000 tonnes de roches sont déplacées dans le désert du Nevada. Spiral Jetty de Robert Smithson (1970) était une longue jetée de 457 m de long et de cinq mètres de large environ au bord du Grand Lac Salé. Elle fut engloutie par une brusque montée des eaux en 1972. Outre les productions des artistes américains, qui forment le cœur du mouvement, il convient de citer la peinture des montagnes du Tibesti par Jean Verame.

Les artistes utilisent les matériaux de la nature (bois, terre, pierres, sable, rocher, etc.) et creusent, déplacent, transportent, accumulent, griffent, tracent, plantent… Ils introduisent aussi des produits manufacturés : 400 poteaux en acier inoxydable dans le désert du Nouveau-Mexique (Walter De Maria, The Lightning Field), 2 700 parasols jaunes ou bleus simultanément sur la côte californienne et au Japon (Christo et Jeanne-Claude, The Umbrellas), ou de gigantesques nénuphars de tissu rose autour des îles de Floride (Christo et Jeanne-Claude, Surrounded Islands).

Les artistes travaillent souvent dans des lieux éloignés des centres urbains et l'usage de la photographie leur permet de faire connaitre leurs œuvres. Des croquis, reportages et vidéos sont présentés au public et permettent à l'artiste de vivre et de réaliser d'autres œuvres. C'est ainsi que dans les années 1970, certaines œuvres réintègrent les musées et expositions, d'abord par l'image puis par des installations dans les espaces intérieurs, comme Ligne d'ardoises de Richard Long au Centre d'arts plastiques contemporains de Bordeaux (CAPC). Ainsi cette aventure renouvelle-t-elle la longue tradition du paysage.


4 - Synthèse post-moderne

Les premières manifestations punk apparaissent en 1977, les démarches analytiques s'essoufflent. L'effondrement des idéologies devient en phase avec la crise de la peinture. La perte des certitudes favorise la remonté du subjectif, le retour du sensible. Ainsi, si les années 70 avaient été celles du doute et de la disparition de l'objet, les années 80 voient le retour en force de l'objet, de la matière ainsi que l'emmergence d'un désir de maîtrise technique. Le passé est systématiquement utilisé de manière positive; c'est le post-modernisme.

Le terme, forgé par l'architecte Charles Jenks lors d'une conférence à Eindhoven en 1975, est utilisé pour clore symboliquement l'ère de l'architecture moderne. Il est repris par le philosophe français Jean-François Lyotard qui publie, en 1979, La condition post-moderne. Avec Jean Baudrillard et l'américain Hal Foster, il défend une conception exigeante de cette notion. Sont admis comme artistes post-modernes au sens strict Daniel Buren ou Ricardo Bofill, au sens large et... inexact, tous ceux qui utilisent dans leur oeuvre une référence au passé.

Pour certain est post-moderne une structure, ou une oeuvre, qui permet de lire aujourd'hui, le réel d'hier. Face à l'exigence de pureté, de table rase, de progrès de l'art moderne, le post modernisme revendique l'impureté, la séduction avouée et le plaisir. Le danger est de tomber dans un néo-conservatisme qui ne consiste plus qu'à citer et citer encore, sans modifier le passé par une lecture contemporaine. On aboutit alors au pastiche à l'éclectisme, à la citation gratuite ou trop lourde.

De manière plus complexe, le post-modernisme se définit à partir du modernisme. Ce dernier aurait pour but, selon Lyotard, de présenter l'imprésentable : faire voir qu'il y a quelque chose qu'on ne peut pas voir. Mais le modernisme permet à l'imprésentable de n'être allégué que comme un contenu absent, alors que la forme continue à offrir au spectateur matière à consolation et à plaisir, grâce à sa consistance reconnaissable. Le post-modernisme serait ce qui, dans le moderne, allègue l'imprésentable dans la présentation elle-même. Assez curieusement le post-modernisme de Lytotard et de Baudrillard est a-historique; c'est le mélange des temps qui permet la forme instable.

Les mots d'ordre du modernisme : abstraction et pureté sont en perte de vitesse. Il fut un temps où la volonté de pureté était subversive : elle rendait l'art critique et l'artiste autonome. Aujourd'hui, elle fait figure d'incitation à la division du travail à l'intérieur de la culture. Même la technique est devenue abstraite et échappe à l'homme. Le retour de l'abondance et la fin de la crise (pour certains), sont propices au post-modernisme. Le retour en arrière est une prise de distance avec l'immédiat. A l'inverse d'une modernisation aveuglément tendue vers le futur, le temps présent requiert et autorise mémoire (ordinateurs), généalogie, conscience d'une continuité mais établie sur la base de la perpétuelle remise en cause moderne.

Le post-modernisme est une notion valable pour quelques millions d'occidentaux pour qui la vie est rapide, rationnelle, efficace, propre, désenchantée et magique; pour qui la modernité est assumée et existentielle (Rimbaud : "il faut être absolument moderne", Baudelaire : "saisir l'éternel dans le transitoire") et non vécu sur le mode de l'imposition d'un quotidien technique et instrumental. La prolifération des post, néo, high tech révèle ce sentiment d'une modernité assumée et vécue au second degré. Est post-moderne ce qui permet le retour du passé sur le mode de l'instable, du changement et du progrès propre au modernisme. Le retour du passé n'est pas le retour au passé.

Les principaux artistes post-modernes sont Daniel Buren, Ricardo Bofill, Raoul Ruiz, A. R. Penck, Jeff Koons, Christian Marclay, Gérard Garouste Jean-Michel Albérola, Jean-Charles Blais, Sigmar Polke, Jean-Pierre Raynaud.

 

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