Paris, début du XIXe siècle. On découvre quotidiennement dans la Seine des cadavres de femmes étranglées par un mystérieux tueur en série. Ce qui n'effraie pas Lucille quand elle fait la connaissance de Gaston Morel, un ténébreux marionnettiste. Il invite celle-ci à une représentation miniature de Faust et lui explique que toutes ses marionnettes ont été créées à l'image de femmes qu'il a lui-même rencontrées. Et il lui propose de poser pour une de ses marionnettes puis se ravise.
Rentré chez lui, Gaston doit calmer la jalousie de Renée. Comme elle s'inquiète de toutes les jeunes femmes qu'il a peintes et qui ont depuis disparu, il l'étrangle et jette son cadavre dans la scène. Renée jouant le rôle de Marguerite, Gaston doit renoncer à jouer Faut et envisage de représenter un ballet dont Lucille, modiste, pourrait réaliser les costumes qu'il a dessinés.
Gaston, qui a signalé la disparition de Renée est convoqué chez l'inspecteur Jacques Levefre de la sûreté générale qui trouve son indifférence suspecte quand il lui annonce la mort de sa partenaire. Rentré chez lui, Gaston reçoit la visite de Jean Lamarte, son marchand, qui lui apprend avoir vendu pour 5 000 francs l'une de ses toiles. Celle-ci est le portrait de l'une de ses dernières victimes et Gaston reproche à Lamarte de l'avoir vendu à un collectionneur qui expose ses uvres au grand public et exige que Lamarte reprenne son tableau. Celui n'en fait rien car il a vendu le tableau pour 30 000 francs et empoché la différence tout en faisant croire à Gaston que celui-ci lui est redevable pour l'appartement qu'il lui loue.
L'inspecteur Jacques Levefre est mis au courant par un de ses agents du modèle macabre du tableau exposé chez le collectionneur. Lefèvre décide de faire venir à Paris pour l'aider dans son enquête Francine Lutien, qui n'est autre que la sur de Lucille. Francine décide de tendre un piège à Lamarte pour trouver l'identité du peintre qu'il dit ignorer connaitre. L'inspecteur Renard se fait passer pour un riche argentin qui veut le portrait de sa fille, Francine, dans la journée car il doit retourner en Amérique du sud le lendemain. Lamarte, méfiant, accepte néanmoins vu la somme proposée, 100 000 francs.
Lamarte convainc Gaston malgré sa peur que la peinture ne déchaine chez lui des pulsions meurtrières. Gaston met ainsi en place un dispositif compliqué fait de jeux de miroir et de rideaux pour peindre à distance respectueuse le portrait de Francine. Lorsqu'il s'approche d'elle Francine reconnait néanmoins le marionnettiste qu'elle a vu courtiser sa sur et, terrorisée crie d'effroi poussant Gaston à l'étrangler. De son côté, Lamarte assomme Renard et s'apprête à s'enfuir quand Gaston le rattrape et l'étrangle. En investissant la maison de Lamarte, qu'ils surveillaient dans l'attente d'un signe de Renard qui ne vint que trop tard, la police et Jacques Levefre découvrent les corps sans vie de Lamarte et hélas de Francine.
Lucille découvre dans le bureau de Jacques Levefre, l'étole qui a servi à étrangler sa sur et qu'elle reconnait pour être celle qu'elle reprisa chez Gaston sans savoir qu'elle avait servie à étrangler Renée. Elle ne dit toutefois rien à Jacques Lefèvre et s'en va chez Gaston espérant, contre toute vraisemblance, qu'il est innocent.
Gaston lui raconte alors sa triste histoire. Il était autrefois un jeune étudiant des Beaux-arts plein d'ambitions. Après deux ans d'études, ses tableaux restaient hélas terriblement banals. Un soir, il croisa une femme qui défaillait de faim. Il l'a conduisit chez lui et, pendant sa convalescence se mit à la peindre. Ses yeux fiévreux lui inspirèrent un tableau du gisant de Jeanne, la pucelle d'Orléans. La jeune fille s'enfui un jour sans donner de nouvelles. Lamarte lui apprit bientôt que son tableau avait été reçu par l'académie pour être exposé au Louvre et qu'il allait recevoir la légion d'honneur. Gaston se mit alors à rechercher ardemment celle qui était à l'origine de sa gloire. Il finit par la reconnaitre sous les traits de Jeannette Lebeau, une vile courtisane de bas étage qui se moqua de lui. Il l'étrangla. Après, il ne put que sans cesse reproduire cette terrible conjonction : peindre une femme et la tuer aussitôt pour qu'elle ne corrompe pas, par sa vie, l'idéal du tableau.
Gaston s'apprête à assassiner Lucille quand sa porte est forcée par la police emmenée par Jacques Levefre. Il avait suivi la jeune femme dont il avait noté l'inquiétude à la vue de l'étole. Gaston tente de fuir par les toits mais épuisé, il tombe dans la Seine clôturant ainsi la liste des cadavres qu'il y avait engloutis.
Gaston Morel est représentatif de tous les héros de Ulmer, personnages cernés par une aura fatale, êtres humains coupables, sans doute, mais aussi victimes de pulsions qui les dépassent. Le serial killer est victime du syndrome inversé de Dorian Gray : le peintre tente de préserver l'idéal du portrait en tuant la femme qui l'a inspiré. Il ne peut se détacher de la conjonction fatale qui a lié ces deux actes quand il a découvert que celle qui lui a inspiré le gisant de Jeanne la pucelle n'était qu'une prostituée sans cur. Gaston a donc renoncé à la peinture pour les mannequins miniatures de son théâtre de marionnettes. Une manière sans doute de dire que la sculpture tend moins vers l'idéal que la peinture. Quand poussé par Lamarte à faire le portrait de Francine, Gaston ne s'y résout qu'en tentant de se protéger avec un complexe dispositif d'images renvoyées par des miroirs dans des chicanes obstruées par des voiles de tissus.
Tourné en six jours, durant sa fructueuse collaboration avec la Producers Releasing Corporation (P.R.C.), le film est tourné dans des conditions extrêmes, lesquelles obligent même le cinéaste à peindre les décors parisiens, la nuit, pour tourner le jour.
Le film baigne dans un expressionnisme physique à la Murnau, dont Ulmer fut l'assistant, dans un Paris couvert de bouillard et un expressionnisme géométrique plus proche du Cabinet du docteur Caligari lors du flash-back sur la rencontre avec Jeannette où tous les plans sont fortement débullés (verticales rendues obliques par l'angle de prise de vue).
Jean-Luc Lacuve le 12/01/2012
Editeur : Wild Side Video, janvier 2012. Master restauré. V. O. avec sous-titres français. Durée : 1h10. 10 €. |
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8e vague de la collection VINTAGE CLASSICS de Wild Side Video |