Editeur
: Wild Side Video, janvier 2012. Master restauré. V. O. avec sous-titres
français. 10 € chacun.
Les formidables Barbe
bleue (Edgar G. Ulmer, 1944) et Marée
nocturne (Curtis Harrington, 1961) côtoient quatre films un
peu plus conventionnels.
Pluie (Lewis Milestone, 1932) est néanmoins une excellente
adaptation du roman de Somerset Maugham et Capitaine
Kidd (Rowland V. Lee, 1945) un romantique et enlevé film
de pirates, dominé par l'interprétation pateline et spirituelle
de Charles Laughton.
Pluie
de Lewis Milestone, 1932
Sur
l'île des Samoa de Pago Pago, Sadie, une prostituée, débarque en même
temps qu'un missionnaire, Alfred Davidson… Sadie s'entend à ravir avec
les soldats stationnés sur place, ce qui n'est pas du tout du goût de
Davidson. Il va donc s'efforcer de la convertir, ce qu'elle refuse,
puis faute de mieux, tenter de la renvoyer à San Francisco d'où Sadie
s'est enfuie pour de mystérieuses raisons…
Très belle adaptation de Miss Thompson de W. Somerset
Maugham au travers de la pièce de John Colton et and Clemence
Randolph montée à Brodway. Milestone y introduit des séquences
parfois presque d'avant-garde sur la boue et la pluie qui accompagnent
l'arrivée de Sadie Thompson interprétée par le
sensuelle Joan Crowford.
Song
of freedom de J. Elder Wills, 1938
Au
18ème siècle, en Afrique, l'héritière du Roi est contrainte à l'exil.
Vers 1930, à Londres, Zinga est docker, anglais, noir et doté d'une
voix de baryton si intense qu'un impresario le remarque et en fait un
ténor d'Opéra. Mais Zinga porte depuis toujours un médaillon qui un
jour lui révèle sa descendance des plus grands rois africains. Zinga
choisit de quitter gloire et fortune pour retrouver ses origines...

Barbe
bleue de Edgar G. Ulmer, 1944
Paris,
début du siècle dernier : des femmes sont retrouvées étranglées par
un mystérieux tueur en série. C'est l'œuvre de Gaston Morel (John Carradine),
un ténébreux marionnettiste dont le passe-temps préféré est la peinture.
Un art qui, petit à petit, le perd puisque celui-ci ne lui sert de support
que pour tenter de saisir puis d'immortaliser son premier amour
Gaston
Morel est représentatif de tous les héros de Ulmer, personnages
cernés par une aura fatale, êtres humains coupables, sans
doute, mais aussi victimes de pulsions qui les dépassent. Le
serial killer est victime du syndrome inversé de Dorian Gray
: le peintre tente de préserver l'idéal du portrait en
tuant la femme qui l'a inspiré. Il ne peut se détacher
de la conjonction fatale qui a lié ces deux actes quand il a
découvert que celle qui lui a inspiré le gisant de Jeanne
la pucelle n'était qu'une prostituée sans cur. Gaston
a donc renoncé à la peinture pour les mannequins miniatures
de son théâtre de marionnettes. Une manière sans
doute de dire que la sculpture tend moins vers l'idéal que la
peinture. Quand poussé par Lamarte à faire le portrait
de Francine, Gaston ne s'y résout qu'en tentant de se protéger
avec un complexe dispositif d'images renvoyées par des miroirs
dans des chicanes obstruées par des voiles de tissus.
Tourné en six jours, durant sa fructueuse collaboration avec
la Producers Releasing Corporation (P.R.C.), le film est tourné
dans des conditions extrêmes, lesquelles obligent même le
cinéaste à peindre les décors parisiens, la nuit,
pour tourner le jour.
Le film baigne dans un expressionnisme physique à la Murnau,
dont Ulmer fut l'assistant, dans un Paris couvert de bouillard et un
expressionnisme géométrique plus proche de Caligari lors
du flash-back sur la rencontre avec Jeannette où tous les plans
sont fortement débullés (verticales rendues obliques par
l'angle de prise de vue).
Le
masque de Crane Wilbur, 1944.
Cornelia van Gorder, auteur de romans policiers à succès, prend ses
quartiers d’été aux Chênes, propriété du banquier local. La vieille
bâtisse a une histoire macabre : c’est là que sévit le Masque - The
Bat - l’homme sans visage aux mains gantées de griffes, qui lâche des
chauve-souris à la morsure fatale et qui a déjà tué dans ces murs. Le
personnel au service de Cornelia, terrorisé, l’abandonne bientôt. Seuls
un chauffeur promu majordome et sa fidèle femme de chambre vont tenter
de démêler à ses côtés une intrigue qui dépasse ses propres fictions.
Dommage,
qu'après le générique, le film soit recadré
au format 1.37 au lieu du 1.85 d'origine
Capitaine
Kidd de Rowland V. Lee , 1945
1699.
Célèbre pirate le capitaine William Kidd se fait passer pour un paisible
marchand pour obtenir du roi William III qu'il le nomme protecteur d'un
navire chargé de trésors. Il a l'intention de dérober la cargaison lui-même,
ce qu'il accomplit avec l'aide de ses deux lieutenants.
Charles
Laughton domine une brillante distribution pour ce romantique et enlevé
film de pirates
Marée
nocturne de Curtis Harrington, 1961
Johnny
Drake, jeune marin en permission, débarque, solitaire, à Santa Monica,
petite ville côtière. Il est seul et mélancolique. Dans une boîte de
jazz, il tombe amoureux de l’énigmatique Mora, qui joue les femmes-sirènes
à la foire locale et vit au-dessus d’un manège. A chacune de ses permissions
du week-end, il la retrouve. Il apprend d'Ellen et de son garnd-père
qui tient le manège que les deux jeunes hommes qui frèquenterent Mora
ont tous disparu sans laisser de traces. Bientôt il apprend que Mora
croit être une vraie sirène…
Un
bijou de poésie douce et mortifère à la Allan Edgar
Poe dont Curtis Harrington était un grand admirateur. Denis Hopper
possède le charme romantique du jeune marin sans attache que
l'on retrouvera plus tard chez Jack Perrin dans Les Demoiselles de Rochefort.
Une forme de faux happy end consolateur, où l'insipide Ellen
est censée remplacer la mystérieuse Mor est contredit
par la citation tirée du poème Annabelle Lee d'Edgard
Poe.

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