Prologue : Deux personnages discutent sur un banc dans un parc. Le plus jeune, Francis, raconte le drame qu'il vient de vivre…
Acte 1. Une fête foraine s'installe dans la petite ville d'Holstenwall. Le Dr Caligari, de passage dans celle-ci, obtient, après quelques difficultés, l'autorisation du désagréable Secrétaire de Mairie d'installer un stand afin d'y présenter un somnambule.
Acte 2. La nuit suivante, le Secrétaire de Mairie est assassiné. Le lendemain, Francis et son ami Alan vont à la fête foraine. Ils assistent au spectacle du Dr Caligari, qui présente Cesare le somnambule. Celui-ci prédit à Alan qu'il mourra avant l'aube. De retour de la fête foraine, en marchant dans les rues désertes, Francis et Alan rencontrent Jane, qu'ils aiment tous deux secrètement. Alan est assassiné chez lui dans la nuit.
Acte 3. Alors que Francis soupçonne le Dr Caligari et Cesare d'être les auteurs du crime, une femme manque d'être assassinée la nuit suivante et l'homme à l'intention meurtrière, un vagabond, est arrêté pendant qu'il tentait de fuir.
Acte 4. Intriguée par les soupçons de Francis, Jane rend visite au Dr Caligari et à Cesare dans leur stand de la fête foraine. Elle s'enfuit précipitamment, terrifiée par les deux hommes. Interrogé par la police, le vagabond reconnaît son intention de tuer la femme, mais en aucun cas les meurtres du Secrétaire de Mairie ni d'Alan. Peu après, Cesare tente d'assassiner Jane alors qu'elle dort chez elle, mais échoue. Puis il essaye de l'enlever, mais, pris en chasse par les villageois, l'abandonne. Caligari s'enfuit lui aussi, poursuivi par Francis. Il se réfugie dans un asile psychiatrique, dont il s'avère être le Directeur !
Acte 5. L'étau se resserre autour de Caligari, des documents trouvés dans son bureau attestent qu'il a manipulé Cesare le somnambule pour le conduire à commettre des meurtres sous son contrôle. Il voulait prendre la place du vrai Caligari, un autre mystique qui lui aussi manipulait un somnambule, cela afin de découvrir le secret de son contrôle.
Acte 6. Démasqué, Caligari achève de sombrer dans la folie, il est interné avec une camisole de force dans son propre asile psychiatrique.
Épilogue. Fin du flashback (et renversement de situation). Francis achève le récit de son aventure. Il quitte le parc pour pénétrer dans la salle principale de l'asile psychiatrique, qui est remplie de malades mentaux. Il y croise Cesare, et Jane qui tient des propos incohérents… Derrière lui, un homme descend les escaliers. Il s'agit du directeur de l'asile, qui a les traits de Caligari. Francis l'aperçoit et, pris de démence, tente de l'empoigner. Mais il est immédiatement maîtrisé par des infirmiers et conduit dans une cellule d'isolement. Le directeur l'examine et s'exclame : "'ai enfin compris sa démence, il me prend pour le mystique Caligari ! Je connais maintenant le moyen de le guérir !".
Pour Jacques Lourcelles : "Récit de la divagation d'un fou située dans un espace intérieur, intime, obsessionnel impliquant la disparition de toute distance réaliste entre les objets ainsi que la disparition de toute image réaliste de la nature dont les éléments (arbres, routes, etc ) sont représentés par des décors fabriqués de toutes pièces comme sur une scène de théâtre. L'espace du film devient alors cauchemardesque et morbide, non seulement parce que nous sommes à l'intérieur du cerveau d'un fou, mais aussi parce qu'il a été entièrement façonné par l'esprit et la main de l'homme. Le scénario recèle deux surprises de taille : la découverte, à l'intérieur du récit du fou que Caligari est non seulement bateleur, assassin mais aussi psychiatre et son pendant, la découverte, après la fin du récit du fou, que Caligari est le psychiatre personnellement attaché à soigner le narrateur.
La totale cohérence de ce cauchemar ouvre aussi d'étonnants horizons sur la folie du narrateur et sur la folie en général. Elle est pour une part - la part qui s'exprime sur le plan plastique dans le film- déformatrice, délirante, hallucinée. Elle est pour une autre part - celle qui s'exprime sur le plan dramatique - hyper-logique, convaincante et fascinante.
C'est la collusion à l'intérieur du film entre une vision plastique cauchemardesque et fantasmatique de la folie et une appréhension dramatique parfaitement et implacablement architecturée de cette folie qui fait le mérite de Caligari.
L'interprétation n'est pas le point fort du film. Elle préserve cependant la subtilité de chaque rôle. Le narrateur fou est naturellement le personnage le plus normal, le plus banal. C'est ainsi qu'il se voit. Caligari a au moins deux apparences et deux identités (bateleur, psychiatre). Aux dernières secondes le récit lui en rajoute uen troisième, la plus surprenante de toutes. Cesare a lui aussi plusieurs identités et plusieurs rôles. C'est, à l'intérieur du récit, un assassin et une victime (puisqu'il agit malgré lui). C'est, postérieurement au récit du fou, un malade, et peut-être encore une victime.
Car, bien que la narration soit dominée par le "je" du fou et donc non objective, son contenu impressionne le spectateur jusqu'à devenir à ses yeux, raisonnable. Le dénouement survient si tard et est si bref qu'il ajoute à notre perplexité au lieu de dissiper nos doutes, et cela d'autant plus que les derniers plans du film (ceux qui sont postérieurs au récit du fou) sont encore stylistiquement expressionnistes. Le fou (la folie) a peut-être raison. C'est là l'ultime message d'un film dont l'inquiétude et le doute constituent la substance principale.
uvre moderne, surprenante, percutante et quasi inattaquable, Le cabinet du Dr Caligari est une création collective. Il y eut à l'origine un scénario de Carl Meyer et Hans Janowitz basé sur un fait divers et destiné à critiquer, à travers la figure du psychiatre-hyptnotiseur-bateleur-assassin par procuration, les excès de l'autoritarisme dans tous les domaines, administratif (le secrétaire), social politique aussi bien que psychiatriques.
Le producteur Erich Pommer -ou son représentant le réalisateur Rudolf Meinert- confia l'aspect plastique du film aux trois décorateurs Hermann Warm, Walter Reimann, Walter Rohrig. Parmi eux, Warm eut un rôle prépondérant. Celui-ci estimait que l'image cinématographique devait être une sorte d'idéogramme et s'opposait à toute solution de continuité entre le caractère graphique de l'image et celui des intertitres. L'emploi systématique du studio, des toiles peintes, les déformations les plus audacieuses du décor, tous procédés où le producteur trouva, en ce qui le concerne, une source non négligeable d'économie, visent à couper le film du réel immédiat. Le film cesse d'être un miroir de la réalité sensible pour ne plus entretenir avec elle qu'un rapport conceptuel et intellectuel.
La mise en scène du film fut alors proposée à Fritz
Lang qui la refusa mais intervint de manière capitale dans son élaboration.
Il proposa de justifier l'irréalisme des décors en faisant du
narrateur du récit l'un des pensionnaires de l'hôpital de Caligari.
Quand Robert Wiene fur chargé de la réalisation, le film possédait
ainsi déjà une cohérence parfaite.
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