Editeur : Montparnasse, mars 2008. Langue : français. Master restauré par la cinémathèque de Bologne. 1h26.

Supplément :

  • Un été + 50, un film de Florence Dauman 2011 - 72 min -

Tout dans ce film est nouveau. A commencer par les premières images inquiétantes, sur fond sonore de sirène, de la banlieue parisienne au petit matin avant le générique, en passant par la célèbre phrase qui lui succède : "Ce film n'a pas été joué par des acteurs mais vécu par des hommes et des femmes qui ont donné des moments de leur existence à une expérience nouvelle de cinéma vérité", jusqu'à la nouvelle technique d'enregistrement du son synchrone. Il peut donc, à juste titre, être considéré, si ce n'est comme le film fondateur du cinéma-vérité, du moins comme un de ses jalons essentiels ainsi qu'un film annonciateur de la nouvelle vague et, surtout, un témoignage profondément humaniste des aspirations politiques et intellectuelles des années 60.

Un projet construit par Edgar Morin

Fin 1959, Edgar Morin connait le cinéma de Lionel Rogosin dont il vient de voir Come back, Africa. Il dit à son ami Jean Rouch qu'il serait temps qu'il tourne un film sur les blancs. Il suggère un film sur l'amour. Deux mois plus tard, il pense qu'il sera trop difficile de faire un film sans fiction sur un sujet aussi intime. Il propose alors à Jean Rouch le simple thème : "Comment vis-tu ? Comment tu te débrouilles avec la vie ?, question que nous poserions à des personnages de différents milieux sociaux et qui serait en fin de compte une question posée au spectateur." Edgar Morin obtient immédiatement l'adhésion du producteur Anatole Dauman qui répondit aussitôt laconiquement "J'achète " ! Le film commence fin mai 1960, alors que Rouch termine La pyramide humaine.

Rouch utilise une caméra légère 16mm, la Coutant-Mathot reliée à un enregistreur Nagra ainsi. D'autre part la lourde caméra 35mm que j'appellerais la "Coutard" car la musculature de ce dernier lui permit de filmer de très loin, sans pied, les belles séquences chez Renault sans que les gens se sachent filmés.

La séquence sur la guerre d'Algérie ne dure que trois minutes. Jean-Marc ne trouve la désertion valide que si elle est soutenue par un large mouvement d'opinion. Ceux qui refusent la guerre doivent se faire le plus objectivement possible les témoins de ce refus. Il reproche à Régis de manifester de la discrétion dans le refus. Celui-ci ne dément pas. Il ressent avant tout du dégoût pour son époque sa veulerie dans la bêtise et l'inconscience. Au travers de titres de journaux qui font état des évènements d'Algérie puis de ceux du Congo belge, Rouch impose ensuite sa discussion sur les rapports Nord-Sud puis sur les camps d'extermination dont Marceline est une survivante.

Face à la détermination politique d'Edgar Morin, Rouch apparait surtout préoccupé de mixité des cultures et des lieux. C'est notamment lui qui impose le déplacement à Saint-Tropez où "Landry devient l'explorateur noir de la France en vacances."

Au début, il n'y a qu'une enquête sociologique. Mais peu à peu se dévoile ce qui travaille chacun en profondeur : le film se montre ainsi éminemment moderne, bien loin encore de ce que deviendront les engagements politiques de 68 et plus en phase avec notre monde contemporain : le désespoir politique, la solitude, et une permanente forme d'inquiétude sur le devenir de soi-même et du monde.

 

Un été + 50, un film de Florence Dauman 2011 - 72 min -

Les matériaux, image et son, non utilisés dans la version définitive de Chronique d'un été ont été inventoriés et numérisés en 2008.

Le documentaire repose sur ces images inédites enrichies d'entretiens avec les intervenants du film, Edgar Morin, Régis Debray, Jean-Pierre Sergent, Marceline Loridan-Ivens, Nadine Ballot. Leurs propos recueillis en 2010, cinquante ans après le tournage de Chronique d'un été, éclairent certaines zones d'ombre du film : la faible part accordée à la guerre d'Algérie (3') et certains aspects de la vie personnelle des protagonistes : Jacques Rivette est le mystérieux amant de Marie-Lou, la scène de rupture entre Marcelline et Jean-Pierre n'est pas montée.

Edgar Morin parle de sa relation privilégiée avec Anatole Dauman qui donne un accord immédiat à son projet.

Rouch ne veut pas d'un titre Un été pourri. Edgar Morin connait Lionel Rogosin dont il a vu Come back, Africa (1959). Il ne veut pas d'interview en face à face mais chez quelqu'un autour d'une table afin que cela soit convivial.

Après quelques essais dans la rue, c'est Jacques Beauté, P2 chez Renault, appartenant au groupe Socialisme et barbarie qui met en garde contre l'aliénation dans le travail, qui lui fait connaitre des ouvriers.

La discussion avec Moineau, l'électricien est coupée. Régis Debray analyse très finement la situation. Jean-Pierre Sergent appartenait au réseau Jeanson du FLN et se savait menacé. Le passage où Régis Debray appelait à la désertion n'a pas été retrouvé dans les chutes. Il est probable que la caméra se soit arrêtée à ce moment-là faute de pellicule. L'arrêt est constaté sur un discours de Debray et, lorsque la caméra reprend, Jean-Marc relève le propos sur la désertion que vient de tenir son camarade (Céline affirmera aussi un peu plus tard qu'ils ont proposé de déserter). Jean-Marc ne trouve la désertion valide que si elle est soutenue par un large mouvement d'opinion. Ceux qui refusent la guerre doivent se faire le plus objectivement possible les témoins de ce refus. Il reproche à Régis de manifester de la discrétion dans le refus. Celui-ci ne dément pas. Il ressent avant tout du dégout pour son époque sa veulerie dans la bêtise et l'inconscience.

Face à la discussion sur le Congo voulue par Rouch. Jean-Pierre avoue qu'il n'y connaissait rien. Une discussion révèle aussi à quel point les étudiants parlent du prolétariat mais ne le connaissent pas

C'est Rouch qui embarque tout le monde vers saint Tropez car il trouve que le film devient pesant. Il garde la séquence avec Nicole Berger mais pas la rupture entre Jean-Pierre et Marceline

Marie-Lou a rencontré Jacques Rivette aux Cahiers du cinéma.

La conclusion au Musée de l'homme est que le film a échoué dans sa tentative d'augmenter la compréhension des uns par les autres car certains trouvent qu'il y a trop de jeu, trop de narcissisme. Sa réussite, affirme Edgar Morin, est de mettre justement en évidence cette difficulté de la compréhension des uns par les autres.

 

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Chronique d'un été de Jean Rouch