La BM du seigneur
2010

Chez les Yéniches, communauté de gens du voyage, le respect des aînés et la ferveur religieuse côtoient indifféremment le vandalisme. Fred Dorkel est l'un d'entre eux : craint et estimé par les siens, il vit du vol de voitures. Une nuit, sa vie bascule : un ange lui apparait. Pour Fred, c'est le signe d'une seconde chance qu'il doit saisir. Il décide de se ranger, mais ce choix va l'opposer à sa famille...

La BM du seigneur est un documentaire de fabulation. C'est à dire que les acteurs, non professionnels, jouent leur propre rôle tout en se soumettant à un scénario que leur a proposé le réalisateur. Ce genre a été mis au point par Jean Rouch qui trouvait que l'on n'enregistrait pas la vérité avec un dispositif documentaire classique. Pour lui, celui qui est filmé joue alors un jeu et ne livre que peu de lui-même. Il le fera bien davantage, livrant son quotidien et son imaginaire, si on lui fait jouer un rôle. L'injonction du théâtre :" Mets-lui un masque pour qu'il te dise la vérité " était alors transposée au cinéma.

La BM du Seigneur répond bien à cette définition du documentaire de fabulation avec deux mini scénarios successifs, celui de la BM folle et celui du visiteur angélique. Pourtant ce n'est pas là ce qui intéresse Jean-Charles Hue. Certes, on voit un peu de la vie des gitans, leur habitat, leur foi lorsqu'ils sont réunis sous la tente du pasteur, et leurs "petites braises" pour faire griller les saucisses la journée ou le soir.

Mais ce n'est pas la vérité sociologique ou ethnologique que cherche Hue à moins de supposer que tous les gitans sont, comme ici, des voleurs de scooters (au début) de moto (au milieu) et de BM (à la fin). Hue se rangerait bien davantage du coté de Pasolini que de Rouch, cherchant la révélation, la spiritualité au sein du quotidien le plus trivial, lourd et miséreux.

La BM du seigneur peine pourtant à s'approcher de la vérité et de l'émotion de Accattone ou de Théorème. La poésie est bien trop directement cherchée dans la beauté du cadre ou de l'éclairage. Reflet dans l'eau, grand angle, contre-plongée avec caméra au ras du sol, plongé verticale sur les mains tenant le café, flou de l'arrière plan, lumière du soir ocre et rasante ou contre-jours des intérieurs ne cessent de s'accumuler. Or cette option spiritualiste de la mise en scène accentue le côté mystique de ce qui, dans la vraie vie, est arrivé à Frédéric Dorkel. La mise en scène à force d'appuyer l'aventure spirituelle à chaque plan finit par la dévitaliser de son mystère et de son étrangeté.

 

Jean-Luc Lacuve, le 03/02/2011.

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Avec : Frédéric Dorkel. 1h24.

Genre : Documentaire de fabulation poétique