Au milieu d’un champ en jachère de l'Oise, Jason Dorkel, 18 ans, armé d’une carabine à plombs chasse le lapin, à cheval sur une moto-cross conduite par son cousin Moïse. Celui-ci, un peu plus âgé marié et père d'un enfant tient à ce que Jason soit baptisé mais celui-ci hésite car son frère ainé Mikael n'attend rien de bon des catholiques qui constituent la majorité de la communauté yéniche à laquelle ils appartiennent. En attendant, Jason s'en va voler pour lui de l'essence qu'il siphonne dans les réservoirs de camions d'une entreprise de récupération de ferraille. Boniface, le gardien, n'étant pas très perspicace, Jason s'en est même fait un ami.
Jason attend le retour de son demi-frère Fred qui s'était occupé de lui enfant et dont le retour après plusieurs années de prison est imminent. Mickael, impulsif et violent, redoute le retour de ce frère ainé... qui .déboule au volant d’une Clio en plein milieu des caravanes, dans un rodéo automobile qui perturbe la calme vie du camp. Fred raconte ses exploits passés de chouraveur, ramenant un camion de viande volé au camp pour nourris pets et grands. Mickael ne partage pas cette nostalgie et moins encore Joseph, le frère du père - « chouraveur » pulvérisé à 300km/h contre un barrage de police -qui signale à Fred qu’il n’est pas le bienvenu. Les trois frères Dorkel embarquent dans la voiture de Mickael ainsi que Moïse qui veut protéger Jason. Ils s'éloignent âpres avoir provoqué Joseph en tirant plusieurs coups de feu dans le méchoui.
Mickael a une surprise pour son frère. Il a conservé l'Alpina, la BMW que son frère avait du abandonné après avoir causé la mort d'un homme sans l'intention de la donner lors du vol qui l'avait conduit en prison? Un vieux mécanicien, Tintin, s'était chargé de l'entretenir. Les cinq hommes essaient la voiture et tentent de donner un surnom à Jason qui n'en avait pas. Ce sera Jack l’Éventreur comme Fred est Grosse Tête, Mickaël est Petit Coq et Moïse est Le Pirate. Le soir, ils s'en vont faire des "runs", courses entre deux bolides sur une ligne droite déserte. Jason lâche alors qu'il sait où se trouve une cargaison de cuivre qui pourrait être facilement volée. Fred frustré de ne pouvoir mener la grande vie y voit une solution à son problème et décide d'embarquer ses frères et Moïse dans une virée vers Creil afin de voler cette cargaison de ferraille.
Mais la ville et les campagne de l'Oise ont changé. Si Fred repère là où il vola autrefois, il se perd entre les ronds-points et les nouvelles signalisations routières. Cherchant vainement le café tenu par Colette qui fut pour lui une seconde mère, il n'aboutit qu'à trouver un fast-food. La serveuse n'est pas insensible au charme juvénile de Jason mais celui-ci repousse une aventure sexuelle trop facile sans avoir le temps d'engager une relation amoureuse avec la jeune fille. C'est en effet bientôt le temps de rejoindre le lieu du vol.
La BMW a toutefois besoin d'essence et c'est de nouveau Jason qui est mis à contribution pour siphonner les voitures garées devant une discothèque. La bande est bien vite repérée par les vigiles. Jason est récupéré in extremis après avoir essuyé quelques coups de feu. Fred, une fois encore, joue les durs un peu plus loin en donnant le conseil de ne pisser et déféquer qu'à portée d'un saut de la portière au cas où un "Schmidt" surgirait.
L'entreprise de ferraille est enfin trouvée mais, avec le gardien, se trouve aussi Boniface qui avait indiqué le lieu à Jason. Cette fois le chien de Boniface repère la bande et attaque Mickael au bras. Le gardien intervient et Fred bondit au secours de ses frères en enfonçant le portail avec l'Alpina renversant mortellement Boniface.
L'Alpina est prise en chasse par la police et interceptée à un barrage. Fred provoque les flics et endosse la responsabilité de l'attaque. Miraculeusement laissé en vie, il parvient ensuite à semer les motards. Au petit matin, il a repéré le café chez Colette et alors qu'il s'en va seul au volent de l'Alpina, il conseille a ses frères de s'y refugier comme il le fit autrefois. Mais les trois hommes préfèrent revenir au camp.
C'est dimanche, jour du baptême de Jason. Au milieu des chants de sa communauté, Jason est baptisé dans l'eau d'une piscine ad hoc. Même Mickael semble approuver.
L'exploration ethnographique de Jean-Charles Hue dans la communauté yéniche, se poursuit avec bonheur. Le film est truffé de "raclies", de "chouraveurs", de "prals", de "darons" et de "gadjos" et attention au "chtar" si on est pris par les "Schmidts", avec un "pouchka" sans port d'armes. La BM du Seigneur souffrait d'être un moyen-métrage allongé jusqu'au long en esthétisant les plans. Celui-ci, film noir en forme de road-movie, offre un contrepoint tragique au devenir contemporain paisible de cette communauté du voyage.
Revenu d'un passé vieux de quinze ans, Fred fait irruption dans la communauté et lui en rappelle ses origines pauvres et sauvages qu'elle souhaite oublier. Jason, adolescent en devenir, qui hésite entre la chasse au lapin et le baptême est fasciné par ce monde terrible dont il garde l'instinct avec sa capacité à voler l'essence ou être à l'affut d'une nouvelle pouvant rapporter gros. Mais plus la ballade s'enfonce dans la nuit, plus l'échec, dérisoire et terrible, se fait jour.
Le destin s'était déjà manifesté avec l'autocollant du caducée du médecin collé sur le pare-brise de la voiture et que Moïse avait identifié au diable. Tout pareillement, les frères découvriront dans le coffre de l'Alpina une mallette emplie d’yeux de verre. Elle leur rappellera que leur père, qui avait aussi un œil en verre, s'était encastré à plus de 300km/h contre un mur après un barrage de gendarmerie pour se volatiliser tant et si bien qu'"il n'y avait plus rien à mettre dans la boîte".
Le baptême final lavera Jason tout autant de ses désirs de vivre comme autrefois que de sa culpabilité pour les actes de la nuit.
Jean-Luc Lacuve le 17/09/2014