Asako vit à Osaka. Alors qu'elle se rend dans un musée sur les bords du fleuve Yodo, des gamins lancent des pétards. Asako est très concentrée lors de sa visite de l'exposition de photos. Elle remarque notamment une photo de deux jumelles habillées à l’identique. Derrière elle, surgit alors un garçon, Baku, habillé d'un tee-shirt blanc et qui chantonne sans rien regarder de spécial. Elle le suit. Lorsque sur les bords du Yodo les gamins continuent de lancer des pétards, Baku se retourne et la voit le regardant. Il l'embrasse.
C'est ainsi que naquit leur histoire d'amour. C'est ce qu'ils racontent maintenant à Okazaki, l'ami de Baku et le propriétaire de son appartement. Mais Haruyo, l'amie d'Asako, la prévient : avec Baku, elle va au devant du drame. Baku se montre pourtant très possessif quand un autre homme s'approche d'Asako dans une boite de nuit. Un jour qu'ils ont un accident de moto et sont à terre, pas même blessés, ils en rient de concert. Pourtant Baku disparait un soir alors qu'il allait chercher du pain. Okazaki lui dit de ne pas s'inquiéter et en effet Baku revient au matin. Lorsque, inquiète, elle se jette dans ses bras, il promet que toujours, il reviendra. Pourtant, six mois plus tard, il disparait pour de bon.
Un peu plus de deux ans après, à Tokyo. Ryôhei vient d'être affecté dans l'établissement de Tokyo d'une importante entreprise de vente de saké. Alors qu'il range les cafés après une réunion, Asako vient récupérer le thermos qu'elle avait préparée pour l'entreprise. C'est un choc pour elle : Ryôhei ressemble trait pour trait à Baku. Pourtant lorsqu'elle prononce son prénom, Baku, Ryôhei, s'en tenant à la définition de l'idéogramme, croit simplement qu'elle veut parler d'un tapir.
Les initiatives de Ryôhei ne plaisent pas à son supérieur. Il se fait rabrouer pour proposer d'alphabétiser le logo pour mieux le vendre à l'international. Ryôhei est de plus en plus attentif à Asako qu'il voit nourrir un chat en bas de son entreprise. Un soir, il intervient pour qu'Asako et son amie Maya qui sont collocatrices, puissent entrer juste avant la fermeture dans une exposition de photographies; c'est la même qu'il ya trois ans à Osaka. En sortant, Ryôhei se montre charmant et séduit davantage Maya qu'Asako qui met fin brusquement à la soirée. Maya invite Ryôhei à venir prochainement avec un de ses collègues pour leur rendre visite. Ryôhei a invité Kushihashi qui insulte Maya lorsque celle-ci leur montre un extrait de téléfilm des Trois sœurs de Tchekhov dans laquelle elle joue. Asako, muette jusque là, défend l'art de son amie et Ryôhei insiste pour que son collègue s'excuse. Ce qu'il fait, reconnaissant qu'il est jaloux de l'obstination de Maya à devenir actrice.
Ryôhei déclare son amour à Asako mais celle-ci le fuit. Elle refuse ostensiblement d'aller à la même représentation de théâtre pour voir Maya. Elle lui téléphone de ne plus chercher à la revoir. Ryôhei change sa place pour voir Le canard sauvage d'Ibsen dans l'espoir de la retrouver mais Maya apprend à Ryôhei avant la représentation théâtrale qu'Asako ne viendra que le lendemain et va démissionner du café où elle travaille pour s'éloigner de lui. Un tremblement de terre met fin à la représentation. Il s'agit du séisme de 2001 qui bloque les trains et voit les gens effondrés sur les trottoirs, s'inquiétant pour leurs proches. Ryôhei retourne au bureau dans l'espoir de voir Asako. Il la croise dans la rue. Ils s'enlacent.
Cinq ans plus tard leur couple est bien établi de même que celui de Kushihashi et Maya, qui attend un enfant. Ryôhei et Asako vont dans la région du Tohoku où se trouve Fukushima, à 500 kilomètres au nord de Tokyo pour aider un village de pêcheurs et notamment Hirakawa, bon vivant plutôt machiste et généreux.
Un jour, Asako retrouve Haruyo. Celle-ci habite dorénavant Tokyo. Elle luit dit que Baku est devenu un mannequin vedette. Asako ne l'avait pas même remarqué. Haruyo rejoint les deux couples pour une soirée. En faisant la vaisselle, Ryôhei annonce à Asako qu'il aimerait être muté à Osaka et souhaite qu'elle l'accompagne. Il la demande en mariage. Asako veut lui avouer qu'elle a été frappée par sa ressemblance avec Baku dont elle fut l'amante. Ryôhei s'en dit chanceux.
Ils visitent une maison à Osaka près de la rivière qui leur plait. De retour à Tokyo, Asako et Haruyo jouent au badminton; celle-ci lui apprend que Baku est dans le parc, entouré d'une nuée de fans. Asako court à sa rencontre mais ne peut faire que de grands gestes quand la voiture de Baku s'éloigne. Les cinq amis se retrouvent au restaurant pour un repas d'adieu avant le départ pour Osaka. C'est alors que surgit Baku, de blanc vêtu, qui demande à Asako de le suivre. Celle-ci n'hésite pas et lui prend la main. Elle laisse Ryôhei et ses amis suffoqués.
Asako et Baku jettent leurs téléphones respectifs et foncent vers l'ile Hokkaido où Baku possède une maison familiale. Au petit matin, Asako se retrouve près de mer cachée par une grande digue. Elle veut maintenant rentrer à Tokyo, certaine de son amour pour Ryôhei. A Tokyo, celui-ci a déménagé, seul, sous le regard attristé de Kushihashi et Maya, qui en est probablement amoureuse et court derrière la voiture jusqu'à chuter alors qu'elle est sur le point d'accoucher.
Asako contemple la mer mais ne veut pas d'argent de Baku pour le retour. Elle emprunte à Hirakawa qui lui dit que Ryôhei ne lui pardonnera jamais. Et effectivement, quand elle revient dans la maison d'Osaka, Ryôhei lui ferme la porte au nez et lui dit qu'il a perdu le chat, symbole de leur amour. Asako le cherche vainement puis va rendre visite à Okazaki, gravement malade et soigné par Eiko, sa mère, qui interprète les battements de ses cils qui lui servent à communiquer. Eiko révèle à Asako que l'homme pour lequel elle partait à Tokyo pour prendre un simple petit déjeuner n'était pas le père d'Okazaki. Quand Asako lui révèle qu'elle a blessé Ryôhei qui ne lui pardonnera peut-être jamais; elle lui dit de ne pas s'en inquiéter : la seule chose qu'elle a à faire puisqu'elle l'aime est de prendre soin de lui.
Au retour sous la pluie, Asako cherche le chat. Elle poursuit Ryôhei qui rentrait chez lui. Il parvient le premier à la maison et lui remet le chat, qu'en fait, il avait gardé. Il n'a pas fermé la porte non plus. Asako le retrouve sur le balcon contemplant la rivière. "Elle est sale" dit-il, "Oui mais elle est belle" conclut-elle.
La figure du double, et notamment le motif de la passion amoureuse qui tente de retrouver la personne aimée dans une autre, la même ou pas, étaient au centre de Vertigo (Alfred Hitchcock, 1958), Obsession (Brian De Palma, 1976), Body Double (Brian De Palma, 1984) ou Mulholland Drive (David Lynch, 2001). Dans ces films, l'obsession amoureuse est christiquement punie. Asako 1 et 2 penche donc plus nettement du côté de L’Avventura (Michelangelo Antonioni, 1960) où en recherchant la femme aimée disparue, on apprend à en aimer une autre pour elle- même. Le chapitrage du film en trois parties (2009, 2011, 2016) correspond à cette entreprise de décillement. Le film fait se succéder des scènes très belles et très simples où les images mentales répondent à d'autres images mentales dans l'esprit d'Asako, personnage intériorisé mais sachant prendre des décisions.
Le tapir et le chat
Il n'aura échappé à personne le rôle du chat dans cette histoire d'intimité du couple. Ryôhei voit Asako nourrir un chat roux près du café où elle travaille puis c'est leur chat blanc qui vient souligner toute la plénitude de leur rapport : lors de la déclaration d'amour pendant la vaisselle, alors qu'elle lui masse les pieds. Il devient ensuite l'element symbolique de leur réconcilation. Le perdre dans la nature en aurait marqué la fin, le retrouver en abs de l'escaleir menat au balcon en indique la pourusite. Le chat est ainsi assimilé à l'amour chaleureux, attentionné et quotidien entre Asako et Ryôhei.
Baku qui s'écrit avec l'idéogramme désignant le blé signifie aussi tapir et en cela l'animal mangeur de rêves que l'on retrouve dans les mythes japonais. Il a protégé Asako d'une vie terne et sa disparition est difficile à assumer.
Baku n'a que vingt minutes du film pour incarner l'amour idéal et il accumule les scènes romantiques. Il apparait en tee-shirt blanc derrière Asako au visage de porcelaine. Il l'embrasse ensuite après leur premier échange de regards au bruit des pétards qui tintent autour d'eux. La musique de la boite de nuit où Baku a repoussé un rival présomptueux, se prolonge avec la balade en moto au bord de la mer. C'est enfin l'accident de moto dont ils sortent indemnes qui les fait rire et se prendre la main.
Ryôhei bénéfice de scènes tout aussi belles bien que plus prosaïques : mise à la hauteur sur les escaliers de Ryôhei, sa douleur de voir d'Asako le fuir, la journée dans le village de pêcheurs; la demande en mariage les mains dans la vaisselle. C'est le chat qui servira à médiatiser la réconciliation sa recherche sous la pluie puis l'arrivée du soleil au travers les nuages. Le roman étant écrit à la première personne, le cinéaste déclare se refuser à ajouter beaucoup de dialogues et essaie de faire comprendre l'histoire du point de vue d'Asako, à partir de son regard. Néanmoins Ryôhei s'avérant l'élément moteur de la formation du couple c'est lui qui, dans la seconde partie, devient le personnage principal. Sa fragilité s'exprime par le fait que durant deux ans, il n'a pas cherché à dissiper le mensonge par omission d'Asako, comme s'il avait peur de la perdre.
Des images nouvelles pour effacer les anciennes
Loin de vouloir assimiler Ryôhei à Baku, Asako prend d'abord conscience que Ryôhei n'est pas Baku. Il est insupportable pour elle de retrouver Ryôhei, comme l'autre, derrière elle à l'exposition de photos. Lors de la visite de Ryôhei et Kushihashi chez elle et Maya, Asako reste éloignée au fond de la cuisine. Il faudra le séisme de mars 2011 pour qu'ils se rencontrent, seuls perdus au milieu de la foule et s'étreignent. Cette scène lyrique répond alors à celle de la rencontre coup de foudre entre Asako et Baku avec pétards, musique romantique off et ralenti. Comme il se doit dans la confrontation entre ces deux hommes celle-ci est plus sociale, jouée dans un événement qui va traumatiser le Japon. Elle est surtout différente dans la subtile mise en scène du mouvement des pieds permettant la rencontre. Avec Baku, ce sont les pieds de celui-ci qui se dirigent vers Asako avant le baiser. Ava Ryôhei, ce sont les pieds d'Asako qui se portent vers lui avant l'étreinte
Une fois être partie avec Baku, Asako comprend qu'il n'est pas Ryôhei. Petite phrase toute simple qui marque la rupture mais dite sur une plage désertée où l'on ne voit pas même la mer. D'une certaine manière c'est Ryôhei qui gronde derrière la digue. En effet ce rêve désolé du petit matin renvoie aux soirées passées avec les pécheurs si conviviales et chaleureuses.
Lors du retour vers Ryôhei, le film accumule les belles séquences : la recherche du chat sous la pluie, la course poursuite avec le soleil qui pointe sous les nuages et les rejoint. Le chat offert et la scène finale sur le balcon ne scellent pas une réconciliation lourdingue à la manière de La femme du boulanger mais une prise de conscience d'une reconfiguration de leur couple. Le désir de prendre soin de l'autre est plus beau que le pardon : la rivière du printemps est sale ; mais c'est beau.
Jean-Luc lacuve, le 19 janvier 2019.