Sur le Pride of Paducah qui descend le Mississippi, le Nouveau Moïse prêche contre l'alcoolisme et attribue le ruban de la conversion à Efe, vieil alcoolique invétéré.
Celui-ci s'en va alors écouter le docteur John Pearly qui vend pour un dollar la bouteille la potion de Pocahontas sensée remettre de la fatigue surtout qu'il est contre-indiqué de travailler pendant le traitement. En appréciant le goût manifestement alcoolisé, Efe en achète deux et débarque encore un peu ivre. Il suit John Pearly qui vient d'acheter le Claremore Queen, un steamer en piteux état, pour naviguer sur le Mississippi. Mais le pourra-t-il ? Il vient par défi de parier avec le capitaine Eli que son bateau battra le Pride of Paducah lors de la course annuelle de Bâton-Rouge, l'enjeu étant le bateau de l'autre. John Pearly rejoint son steamer désaffecté qui sert de refuge aux poules et nomme le vieil Efe chef mécanicien, lui confiant le balai pour commencer.
Ils attendent Duke, le neveu de John, qui sera le pilote du navire. Mais, lorsque celui-ci débarque, il est accompagné de Fleety-Belle, une fille des marais dont il est tombé amoureux et qu'il a arrachée à sa famille de violents dégénérés. Pire encore, il avoue avoir tué un homme qui voulait violer Fleety-Belle sur le bateau qui le ramenait vers son oncle. Atterré, John finit par comprendre que son neveu a agit en état de légitime défense et qu'il a un témoin de bonne foi en la personne du Nouveau Moïse qui a assisté à la scène. Il lui conseille de se rendre. Fleety-Belle n'est pas d'accord et en vient à menacer oncle John avec un couteau pour qu'il laisse fuir Duke. Celui-ci se range néanmoins à l'avis de son oncle et lui confie Fleety-Belle.
John et Duke s'en vont donc dans la nuit chez le shérif qui leur lance les clés de la prison pour que Duke s'enferme tout seul. Oncle John et Fleety-Belle apprennent à s'apprécier surtout lorsque débarque la famille de celle-ci que chasse oncle John aidé du couteau que lui subrepticement donné Fleety-Belle. Il lui donne alors la robe de sa sur décédée, la mère de Duke, pour assister au procès de celui-ci.
Hélas le juge condamne Duke à la pendaison. John reproche à l'avocat de n'avoir pas su attendre que l'on retrouve le Nouveau Moïse et mal défendu son neveu, préoccupé qu'il était par ses litiges personnels avec le juge. Il décide d'aller à Bâton Rouge chercher un avocat pour le procès en appel.
Il découvre heureusement le musée du professeur Marvel que celui-ci, chassé par la colère des habitants du coin, a abandonné. Oncle John décide de transformer les personnages historiques du musée qui risque d'attirer les foudres des spectateurs (le général Lee) ou leur incompréhension (George III d'Angleterre) en personnages de la légende du Sud, George Washington ou le général Lee. En transférant le musée sur son bateau, il pourra gagner l'argent nécessaire au procès. Le succès est effectivement au rendez-vous grâce au personnage de Jesse James qui effraye des puritains qui n'avaient pas compris la valeur "pédagogique" du musée et l'avaient pris pour un spectacle de music-hall auquel ils auraient bien mis le feu.
Hélas, au retour du voyage, Fleety-Belle et John apprennent que l'appel a été rejeté et que Duke doit rejoindre une prison à Bâton-Rouge en attendant d'être pendu. Fleety-Belle et Duke se marient en prison. Avant de prendre le train, Fleety-Belle puis John essaient de ceinturer le shérif Rufe pour que Duke puisse s'enfuir. Mais celui-ci refuse, ne voulant causer d'ennuis à personne.
La dernière chance pour le sauver consiste à retrouver le Nouveau Moise. Hélas, il ne reste que deux jours avant la pendaison et pas de trace du prêcheur. John décide d'aller à Bâton-Rouge tenter de convaincre le gouverneur. Il ne peut aller jusqu'à la ville qu'en participant à la course de steamers.
La course s'engage et Le Claremore Queen et le Pride of Praducah se détachent rapidement des autres concurrents. Mieux même, sur la rive, Fleety-Belle repère le Nouveau Moïse que John attrape au lasso et tire sur le bateau. Mais le Claremore Queen n'a pas eu le temps de charger du bois et c'est celui du bateau qui est mis à contribution. Pendant la nuit, John a même l'idée de s'accrocher à son concurrent. Au matin, il décide de brûler le musée de cire. Hélas cela se révèle insuffisant.
Heureusement, le nouveau Moïse, atterré de voir que le viel Efe s'est remis à l'alcool, jette sa potion de Pocahontas dans la chaudière dégageant ainsi un feu d'enfer qui propulse le bateau à toute vitesse. Les 400 bouteilles permettent au Claremore Queen, totalement démembré et cheminées en feu, de gagner la course et de sauver Duke.
Sur le Pride of Paducah qui leur appartient désormais, Duke et Fleety-Belle sont aux commandes pendant, qu'à l'arrière, oncle John écoute le fleuve chanter et sonner la sirène comme il en rêvait.
Comme bon nombre de films de Ford, celui-ci fait l'apologie de la bienveillance et de la justice se moquant au passage de la grandiloquence et de l'hypocrisie. Bien qu'un homme y soit condamné à mort, le ton du film n'est jamais mélodramatique ou tragique tout juste mélancolique. Il traite en effet avant tout de l'effacement du personnage principal, oncle John, qui aura transmis néanmoins auparavant au jeune couple qu'il a protégé les valeurs de réconciliation et d'apaisement qu'il n'a pas connu.
Le titre du film n'a pas été traduit. Cet avertissement, lancé par Fleety-Belle peu après avoir pris la barre du Claremore Queen signifie simplement "navire à bâbord". Oncle John approuve ce terme marin de la part de celle qu'il considérait encore jusque là comme une fille des marais ("Laisse ce bacon, tu ne sais faire que du poisson-chat") et qu'il peut désormais admettre au sein de la famille des gens du fleuve.
Cette réconciliation résonne avec celle des hommes et des femmes, chère aux gens du Sud et qui voit Duke se mettre à genoux devant Fleety-Belle pour la déchausser alors que la muflerie des nordistes est moquée par Oncle John lorsqu'il constate que la Victoire s'en va à pied alors que le général yankee est à cheval. C'est aussi la réconciliation du Nord et du Sud puisqu'il suffit d'enlever son cigare à Grant et de le changer de costume pour qu'il se transforme en général Lee.
L'ampleur de la réconciliation est à la mesure du fleuve. La brutalité de l'ancien testament est systématiquement désamorcée. Le nouveau Moïse devra boire la tasse dans le fleuve avant d'être sauvé des eaux et de sauver involontairement tout le monde en jetant les bouteilles de la potion de Pocahontas dans la chaudière. Ses interjections "Dans les flammes de l'enfer ! lorsqu'il met les mannequins de cire dans la chaudière ou "Ah bas le démon rhum !" lorsqu'il met les bouteilles de potion au feu ont de quoi réjouir par leur excès, délesté qu'elles sont de toute malveillance. Désamorcée aussi la référence à Jonas. Celui-ci, noir, sort de la baleine. Nommé "David engendra Salomon", rebaptisé George Lincoln Washington, John propose d'en revenir à la bible et de le nommer Jonas.
Chez Ford, les valeurs majeurs s'incarnent toujours dans le mineur. Il est ainsi probable que la transformation la plus émouvante soit celle de la jeune sauvageonne en femme grâce à la robe qu'oncle John exhume de sa malle aux souvenirs.
Le film est aussi parfait par l'attention portée aux détails notamment par
la précision dans l'utilisation des accessoires : Efe s'étant retourné pour
voir si quelqu'un d'autre n'était pas le moins que rien désigné par le Nouveau
Moise, il jure de ne plus boire avec, dans la main droite, … une bouteille
de rhum. On notera aussi le couteau mis dans la main de John par Fleety-Belle
et la bouteille de térébenthine prise à la place de la potion de Pocahontas.
La volonté de ne traduire aucun conflit autrement que par celui de
l'incarnation du majeur dans le mineur est probablment à l'origine
de l'ellipse totale du procès qui condamne Duke à la pendaison.
Un travelling avant sur le tribunal vide et un panoramique sur la gauche découvrant
John et Fleety-Belle seuls suffisent avant que ne soit abordée la vraie
raison de la condamnation : une querelle entre el juge et l'avocat pour une
affaire de terrain.
En contrepartie, le genre picaresque est partout : depuis Rufe qui tient à
jour le registre des mariages des pendus du lendemain. (Duke est le 13eme
) jusqu'à la course de bateau, absolument ahurissante.
Jean-Luc Lacuve, le 08/03/2007
Editeur : Opening, janvier 2007. Langue : anglais. Sous-titres: français. Son : mono. Format : 1,37. |
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Coffret 3 films : Steamboat round the bend (1935), Quatre hommes et une prière (1938), What price glory (1953) Suppléments : Présentation des 3 films par Noel Simsolo, Interview de Jean- Pierre Mocky : Docteur Ford et Mister Mocky (34min), Documentaire : L'autre John Ford par Jean Collet (54min) |