Au XIXe siècle, dans un petit village d'Europe de l'est, Victor, un jeune homme, découvre le monde de l'au-delà après avoir épousé, sans le vouloir, le cadavre d'une mystérieuse mariée. Pendant son voyage, sa promise, Victoria l'attend désespérément dans le monde des vivants. Bien que la vie au Royaume des Morts s'avère beaucoup plus colorée et joyeuse que sa véritable existence, Victor apprend que rien au monde, pas même la mort, ne pourra briser son amour pour sa femme.
Le papillon que Victor laisse échapper de sa cloche de verre vers la fenêtre rappelle l'oiseau que laissait s'envoler Crane au début de Sleepy Hollow, la pancarte big fish de sa poissonnière de mère rappelle évidemment le film du même nom et les faces simiesques des habitants de la ville ne sont pas sans faire penser à La planète des singes.
Mais il faudra attendre l'arrivée d'Emily pour qu'apparaisse la référence la plus manifeste. Emily à la main osseuse est la version charmante et bouleversante d'Edward aux mains d'argent. Personnage naïf, aimant, maîtrisant ses pulsions de violence elle comprend que le monde des vivants et de ses succès n'est pas pour elle. Elle rejoint le clan des irréductibles perdants de Tim Burton, ces enfants qui aiment jouer sans capitaliser. En se sacrifiant, elle laissera échapper sur le monde non pas comme Edward des flocons de neige mais les papillons en lesquels elle se désintègre.
Il n'est guère étonnant que le titre complet du film soit Les noces funèbres de Tim Burton. Car bien que le film soit cosigné par Michael Johnson ce sont tous les thèmes et motifs de Burton se retrouvent ici que ce soit la forêt et les arbres comme lieu de passage vers un autre monde, la main qui exprime la finition et la perfection de l'être humain avec, ici la scène particulièrement émouvante du morceau de musique à quatre mains ou l'une d'elle se détache par enthousiasme ; la fascination pour les têtes coupées avec le barman, animateur du royaume des morts.
Avec son royaume des morts, Les noces funèbres pourraient être la première comédie musicale expressionniste. Les décors verticaux et les teintes font parfois penser au Cabinet de docteur Caligari. Mais aux pulsions lourdes de ce mouvement, Burton privilégie un baroque joyeux (les chansons de bienvenue au royaume des morts, chanson du costume et mise à mort finale du méchant), un monde décentré ou le centre, qu'il soit centre-ville ou cathédrale est le lieu de tous les dangers avec ses fanatiques religieux ou moraux. Le bonheur est dans l'envol dans la fragilité : papillon, fleur, mais surtout de l'apparition de la larme et de la douleur ("Je suis morte mais la douleur est pourtant bien réelle").
Jean-Luc Lacuve le 27/10/2005