Charlie Bucket est le fils unique d'une famille très modeste, mais infiniment soudée et aimante. Le père, la mère, ainsi que les deux couples de grands-parents s'entassent, généralement la faim au ventre, dans la bonne humeur farceuse d'une bicoque misérable et tordue, inexplicablement préservée dans le paysage rutilant de la riche métropole qui la surplombe.
Charlie doit économiser chaque penny, et ne peut s'offrir les friandises dont raffolent les enfants de son âge. Comme tous les habitants de la ville, il est taraudé par le mystère de la chocolaterie de Wonka qui inonde le marché de ses succulents chocolats sans avoir recours au moindre ouvrier. Il rêve ainsi d'obtenir l'un des cinq tickets d'or que Wonka a caché dans les barres de chocolat de sa fabrication parmi les millions de tablettes distribuées de par le monde. Celui qui découvrira l'un des cinq tickets d'or gagnera le droit de visiter l'usine, une vie de sucreries et pour l'un des cinq un somptueux cadeau.
Quinze ans avant que le film ne commence Willy Wonka a fermé son usine en raison des imitations grossières de ses concurrents. Il y vit reclus, loin de la trivialité du monde.
La découverte des élus puis les épreuves que leur réserve Willy Wonka dans le dessein de désigner rien de moins que son successeur vont occuper l'essentiel du film .
Les rivaux du petit Charlie, qui a miraculeusement trouvé dans la rue un billet grâce auquel il achète une des tablettes gagnantes sont tous plus répugnants les uns que les autres. Augustus Gloop est un obèse aussi laid que méchant, qui enfourne les sucreries à s'en faire péter la panse ; Veruca Salt une irritante pimbêche britannique à laquelle son père, un richissime industriel, ne refuse jamais rien. Violet Beauregard est une petite obsessionnelle du trophée élevée par sa mère, dont elle est la copie conforme, dans l'esprit "made in USA" du culte du corps et de l'écrasement systématique d'autrui. Mike Teavee est la version masculine et cérébrale de la précédente, insupportable punaise taillée pour les concours.
Dès lors, la visite peut commencer. Chaque petit monstre, accompagné de ses parents (sauf Charlie, chaperonné par son grand-père facétieux), va se trouver éliminé du concours en raison même du trait dominant qui fonde sa caricature. La gourmandise pour Gloop (noyé dans le chocolat), l'orgueil pour Salt (jetée aux ordures), la stupidité pour Beauregard (transformée en myrtille géante), l'arrogance pour Mike (téléporté dans une autre dimension).
L'histoire et valeurs sont extremement caricaturales et hyperconventionnelles. L'amour de la famille y est défendue contre l'enfant roi ou les parents abusifs. Seuls les épisodes musicaux sortent un peu de l'ordinaire.
Les Oompa-Loompas sont interprétés par un seul acteur, Deep Roy, dont l'imperturbable sérieux est cloné à l'infinité d'exemplaires qui composent sa communauté de super-nains. Cette engeance dévoreuse de fèves de cacao importée du Lompaland par Willy Wonka tient dans le film le rôle stratégique du chur grec, au cours de désopilantes chorégraphies en forme de pastiche (musical et cinématographique) qui accompagnent chaque élimination d'un candidat.
Après la complexe initiation que constituait Big fish, on a la gentille illustration d'un pensum pour enfants.
Le décor est aussi assez gentils : les personnages évoluent dans un décor de confiserie fantastique : rivières de chocolat, arbres à bonbons, gazons de menthe verdoyants, bateau en sucre cristallisé, rangées d'écureuils en OS du cassage de noix, machines à moultes douceurs tarabiscotées, ou, last but not least, le petit peuple laborieux des Oompa-Loompas, omniprésente main-d'uvre qui seconde le maître chocolatier dans ses oeuvres.
On retrouve nombre de thèmes et motifs majeurs de Tim Burton :
les appareils qui se dérèglent : après l'entrée des enfants dans la chocolaterie et la fermeture des grilles, un spectacle de marionnettes articulées se met en route ( rappelant, par certains aspects, les vitrines de grands magasins au moment de Noël ) avec une joyeuse chanson ; mais pour finir en feu, ce qui semble au premier abord un problème technique est voulu par Wonka. Le rêve peut parfois partir en fumée.
Les blocages psychanalytiques : Mr Wonka n'arrive pas à prononcer le mot "parents". Il semble avoir eu une enfance difficile, avec un père dentiste qui l'empêchait de manger des friandises (d'où sa vocation de confiseur) et l'emprisonnait dans un appareil dentaire.
Les flash-back dans l'enfance, provoqués par les questions candides de Charlie.
Les mains de Wonka qu'il n'arrive pas à serrer sauf celle de Charlie quand il a gagné. Il porte des gants mauves/marrons ( peut être la couleur du chocolat), alors que son père a des gants blancs ( image du médecin / dentiste / homme de sciences ).
Jean-Luc Lacuve le 18/07/2005
Bibliographie : Jacques Mandelbaum , le Monde du 13.07.05