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2029, sur la station orbitale Oberon. De nombreuses études scientifiques sont menées par une équipe de chercheurs pour établir la capacité qu'ont les singes de piloter des capsules spatiales. A cet effet, les primates sont génétiquement modifiés et pris en charge par des pilotes expérimentés. Le capitaine Leo Davidson est chargé d'encadrer le chimpanzé Périclès, malgré ses réserves quant au réel intérêt des recherches.
Son animal est cependant désigné pour aller étudier des tempêtes électromagnétiques en capsule. Malgré la préparation et toutes les précautions prises, le chimpanzé se perd dans les orages et disparaît des écrans de contrôle. Bien décidé à prouver à ses supérieurs qu'un vrai pilote était bien plus qualifié pour cette tâche, Davidson part à la recherche du singe. Mais il est également aspiré par plusieurs vagues d'orages et perd le contrôle de son vaisseau. Il finit par s'écraser sur une planète inconnue voisine, dans une épaisse forêt.
Il se retrouve très vite au milieu d'une vraie chasse à l'homme où un groupe d'humains en haillons est poursuivi par une horde de primates, vêtus d'armures et munis d'armes en tout genre. Finalement mis en cage avec ses congénères, Davidson découvre qu'il a atterri dans un monde où les singes, doués de la parole, dominent les hommes devenus leurs esclaves
Burton a longtemps été réticent à l'idée de revisiter un tel classique de la science-fiction. Il considérait (et considère toujours) la pratique comme une hérésie. Mais sa version de La Planète des Singes n'a rien à voir avec la version de Schaffner en 1968. Elle part bien évidemment de l'illustre idée de base de Pierre Boule, l'auteur du film qui a inspiré la saga au grand écran : un astronaute échoue sur une planète inconnue où les singes, doués de raison et de la parole, dominent les être humains réduits à l'esclavage. Mais les similitudes s'arrêtent là : une toute nouvelle histoire, des nouveaux personnages et surtout une nouvelle fin, tel est le pari du film.
La séquence d'ouverture se situe en 2029, sur une station orbitale, l'Oberon. On ne peut s'empêcher de noter l'hommage à 2001, l'odyssée de l'espace de Kubrick et ce, que ce soit visuellement (la blancheur étincelante de l'environnement) ou thématiquement : l'homme est devenu une simple machine, au service d'un grand projet dont il ne sait rien et dont il n'est même plus l'acteur (ici, le singe, génétiquement modifié, remplace HAL, le superordinateur du film de Kubrick). Ces séquences sont donc peuplées d'automates dont fait partie Leo Davidson, le " héros du film ". Celui-ci se distancie vite des autres par son esprit rebelle : il refuse sa situation de pantin, qui réduit son ego (et aussi sa fierté). Voilà pourquoi, lorsque son singe Périclès (les noms des personnages ne sont pas innocents) se perd dans l'orage électromagnétique, il n'hésite pas à partir à son secours, bien que ses supérieurs le lui aient interdit formellement. Par amour pour son singe ? Peut-être. Pour prouver sa bravoure et ses capacités à ses supérieurs ? Sans doute. Ses motivations sont floues et le seront jusqu'à la fin du film. Leo est un américain moderne : individualiste et égoïste, ne réfléchissant pas vraiment à la portée de ses actes. Il se dégage de sa personne une antipathie profonde qui rend difficile l'identification au personnage qui devrait pourtant être notre guide.
Son arrivée sur cette nouvelle planète, après s'être perdu à son tour dans les tempêtes électromagnétiques, va signifier pour lui comme une nouvelle naissance ; son vaisseau ressemble à un oeuf dont il s'extirpe , il s'extrait ensuite de l'eau (le liquide amniotique), enfin, il se défait de sa veste telle une mue. Mais sa transformation n'a pas déjà eu lieu pour autant (il en faudrait plus pour le déstabiliser).
Le voilà donc jeté dans un monde duquel il ne pensera d'abord qu'à fuir au plus tôt. Peu importe qu'il y sème le trouble, que ses " semblables " le considèrent comme le messie ou qu'il soit l'ennemi juré des autres ! Dans des scènes du tournage, on peut entendre Whalberg répondre " Don't know. Don't care. " (Je ne sais pas. Je m'en fous). Cela résume bien les ambitions de son personnage.
La planète des singes est conforme à celle imaginée par Pierre Boule. A l'instar de notre monde, cette planète est cosmopolite et complexe : divisée en deux races, les humains et les singes, eux-mêmes scindés en différents groupes ethniques et sociaux. Politiquement instable, elle permet au groupe minoritaire, les singes, de vivre dans la richesse, laissant les humains le choix entre la vie sauvage ou l'esclavage. La religion et les mythes y tiennent un rôle important : les humains se languissent de leur messie qui viendra les délivrer (et qu'ils voient en Leo) et les singes ont basé leur civilisation autour de Semos, le premier des singes selon la fable. Toute innovation intellectuelle est considérée comme un danger et celui qui l'emporte est celui qui crie le plus fort ou qui emploie la force avec le plus de violence.
Dans cette société, on trouve : un chimpanzé tyran, Thade, assoiffé de gloire et de pouvoir, une guenon humaniste, Ari, à l'esprit rebelle (mais bien différent de Léo : elle se révolte pour son prochain, là où Léo se révolte pour lui-même), une jeune femme fougueuse, Daena ou encore un orang-outang, Limbo dont les seules questions sont d'ordre financier, etc.
Leo découvre finalement qu'il est le créateur de son cauchemar. Si cette planète et ce monde existe, c'est par sa faute : son équipage s'est à son tour engouffré dans les orages pour tenter de le sauver, après avoir perdu sa trace. Arrivée des centaines d'années plus tôt que leur pilote dans cet environnement hostile, l'équipe a, peu à peu, perdu sa suprématie sur les singes, génétiquement modifiés, qui se sont établis comme nouveaux maîtres
Pour la première fois du film, Leo est pensif. Il semble enfin comprendre que ses actes ont une portée : il est l'unique cause de sa perte. A ses côtés, Ari lui souffle alors ces mots : " nous sommes vivants grâce à toi ". Une réplique digne de Daniel Waters (scénariste de Batman le défi) et qui va résonner dans la tête de Leo. Ce dernier s'isole de la foule qui l'oppresse, refusant encore une fois son rôle de sauveur ; mais désormais, il doute. Son arrogance, son ton hautain ont disparus et ont cédés la place à l'introspection. Il n'est plus cette machine, enchaînant les actions sans chercher à en savoir plus ; le voilà devenu humain. Ari est donc la seule à pouvoir l'approcher et à le comprendre. Mais voilà maintenant que c'est Leo qui fait preuve d'optimisme, refusant de céder à la tyrannie de Thade. Il endosse enfin son habit de messie et décide de lutter pour la libération des hommes.
Thade enfermé dans sa cage (symbole d'une violence que l'on croit sous contrôle, voire révolue - raison pour laquelle le jeu de Tim Roth est si peu nuancé : Thade, c'est la violence brute et sanglante qui se tapit en chacun de nous et que l'on arrive à refouler, du moins relativement), Leo pense avoir mené à bien son intervention sur cette planète qui lui a appris à aimer (ses sourires et la tendresse destinés à Ari) et se décide donc à retourner auprès de sa patrie, y retrouver la chaleur de son foyer et ses points de repères. Mais, à son retour, c'est une autre Amérique qui accueille Leo
Il s'agit bien de la même planète Terre, identique à celle qu'il a connu et que nous connaissons. Rien à changer. Sauf Leo lui-même : son humanisation lui a ouvert les yeux. Il peut désormais voir à l'intérieur de ses compatriotes et les découvre tels qu'ils sont : des animaux, des descendants de Thade.
Thade justement, qui remplace Lincoln, emblème national du " Grand Homme " aux Etats-Unis pour nous montrer la face intrinsèquement barbare de l'Amérique (et de l'Occident aussi). Leo à beau ne plus comprendre ce monde qui l'entoure, il devra vivre avec. Comme nous tous.
critique sur Tim-burton.net