Son père est mort, son amant l'a quitté, Céline se jette à l'eau. Une autre femme, Geneviève, infirmière, la sauve. Bientôt, Céline semble investie de pouvoir de guérison.
Pour son seul film clairement fantastique qui fait intervenir mort, miracle, apparition, lévitation et sainteté, Brisseau use d'un vocabulaire très simple et d'une grammaire cinématographique épurée qu'il met au service de séquences d'un lyrisme échevelé, rarement atteint au cinéma.
Brisseau utilise texte poétique, lumière, musique poses du yoga symbolique du feu, de la mort et comme habituellement de l'enfer et du paradis ainsi que de très légers travellings.
Roland l'hémiplégique, passionnée de mythologie ancienne et poète, permet de faire apparaître des images de l'antiquité égyptienne qui se rapprocheront des visions de Céline et de faire entendre des textes poétiques off qui serviront, avec la musique, d'embrayeurs aux scènes de lyrisme.
La lumière est travaillée par des clairs-obscurs à la Rembrand, des éclairages à la Vermeer, la surexposition solaire qui semble approuver la communion des deux femmes ou ses ciels chargés qui manifestent la présence divine. Celle-ci est symbolisée mieux que tout par la musique de Delerue composée au départ pour la série télévisée tours du monde, tours du ciel de Robert Pansard-Besson. Le yoga enseigné par le médecin permet aussi des poses qui préfigurent l'harmonie céleste alors que le tableau de Pierre Eychart au-dessus du lit de Geneviève symbolise aussi un passage possible entre les rives terrestres et divines.
La symbolique du feu est associé à la purification que ce soit par l'ensemble des objets du passé qui brûlent dans la voiture où par la séquence de la flamme de la bougie qui permet de faire le vide dans le cerveau pour atteindre à une concentration supérieure. Brisseau explicite la symbolique de la mort :
" L'ombre sombre dans le couloir, qui représente moins la mort elle-même que l'angoisse de la mort. Ce sont des figures que l'on retrouve partout, ne serait-ce que dans Le septième sceau, qui sont très fortes dans l'inconscient collectif. Ca me plaît de les utiliser parce qu'elles renvoient - à condition de rompre les barrières de défense- à des choses universelles. (Cahiers du cinéma n°454, avril 1992, critique de Camille Nevers et entretien avec Jean-Claude Brisseau)
L'enchaînement des miracles est finement gradué : apparition d'un monde originaire solaire, pressentiment de l'accident, miracle du bras et de la jambe soignés de l'enfant, dédoublement, puis apparition à Geneviève, guérison de Roland l'hémiplégique, lévitation puis dernière manifestation avant le départ de Céline, Lucien, le prêtre qui voit Dieu aux côtés de Céline. La séquence plus forte étant des lors celle du retour de Céline qui sauve Geneviève de la mort.
Mais la séquence dont le lyrisme pur se développe sur le plus long laps de temps, 3'15, intervient avant, quand les jeunes femmes ont fait preuve de leur refus des biens matériels et se consacrent avec patience et bonté aux malades et aux taches ménagères. La musique s'élève juste après le mot "ange" de la fin du poème de Roland entendu off sous un ciel plombé d'orage manifestant une possible présence divine. Le plan raccorde avec la chambre de Geneviève où figure le tableau qui sera repris à la fin avec son branchage courbé faisant le pont entre deux rives que l'on peut imaginer terrestre et divine. Suit le plan de Céline étendue sur le sol, intermédiaire entre l'habitat terrestre et l'univers divin, qui raccorde avec le plan de Geneviève et Céline avec cette fois le même niveau de maîtrise et, partant, d'harmonie dans leurs postures de yoga. Suivent les plans des malades soignés par Geneviève entrecoupés des plans du parcours en voiture au milieu des champs de lin pendant que Céline, éclairée à la Vermeer fait la lessive au vieux moulin. Brisseau boucle alors sa séquence musicale par un retour aux postures de yoga puis de la même enfant soignée par Geneviève qu'au début de la série des malades.
Ce point d'équilibre atteint par Céline et Geneviève dans une sainteté toute terrestre, Brisseau va la forcer par un travelling tout simple dans la séquence suivante. Agnès vient annoncer à Céline son départ pour la matinée auprès de ses malades. La caméra fixe la porte fermée axe gauche droite puis après le retournement de Geneviève et la non réponse de Céline, absorbée dans sa méditation, la caméra exécute un très léger travelling gauche droite pour cadrer Céline, de face, immobile.
Images psychédéliques d'un monde divin dominé par Osiris ou Céline est "enlevée dans un autre monde être trouvée unie, une avec l'univers et enveloppée d'un immense sentiment d'amour. Tu seras baignée dans un immense océan d'amour et de bienveillance
Lyrisme de la voix off : "le pharaon vient de mourir. On a transporté sa dépouille immortelle dans la grande pyramide. Là, il repose le dos pris vers l'ouest dans le monde des ténèbres mais regardant vers l'est prêt à renaître comme Osiris chaque matin avec le jour. Il va pouvoir, à son grès, prendre la barque du dieu du soleil et remonter vers la région des étoiles. Morceau d'or, à jamais impérissable, flamboyant dans le ciel ".
Belles, vous passez, pures toutes deux
Que vous fait ce monde ingrat et hideux !
Vous êtes deux surs, vous êtes deux vierges.
Comme sur l'hôtel, s'allument les cierges,
Vos âmes ont mis leurs flammes à vos fronts.
Belles, je voudrais voir sur vos bras ronds,
sur votre poitrine et sur votre hanche
s'entrouvrir les plis de la gaze blanche.
Belles, je voudrais voir votre sein nu,
votre pied charmant, pudique, ingénu.
Et je voudrais vois vos épaules, belles,
pour voir la place où furent les ailes.