John Singer Sargent |
||
(1856-1925)
|
||
Réalisme |
Les Filles d'Edward Darley Boit | 1882 | Boston |
Portrait of Madame X | 1884 | New York, Metropolitan |
Claude Monet peignant à l'orée d'un bois | 1885 | Londres, Tate britain |
Deux femmes endormies dans une barque.. | 1887 | Lisbonne, Musée Gulbenkian |
Mme Hugh Hammersley | 1892 | New York, Metropolitan museum |
Les sœurs Wyndham | 1899 | New York, Metropolitan museum |
Autoportrait | 1906 | Florence, Galerie des offices |
Le père de John Singer, Fitz William, est chirurgien ophtalmique au Wills Hospital de Philadelphie. Après la mort de sa sur aînée, âgée de deux ans, sa mère Mary, née Singer fait une dépression nerveuse et le couple décide de partir à l'étranger pour se remettre du choc. Ils restent des nomades expatriés tout au long de leur existence. Bien qu'ayant un pied-à-terre à Paris, les parents de Sargent se déplacent avec les saisons à la mer et dans les montagnes de France, d'Allemagne, d'Italie et de Suisse. Alors qu'elle est enceinte, en raison d'une épidémie de choléra, ils s'arrêtent à Florence où naît Sargent en 1856.
Un an plus tard, naît sa sur Mary. Après sa naissance,
bien qu'aspirant à revenir à sa pratique de la médecine
à Philadelphie, Fitz William démissionne de son poste à
la demande instante de sa femme qui souhaite demeurer à l'étranger.
Ils vivent modestement, d'un petit héritage et de quelques économies,
avec leurs enfants, évitant la société en général
et les autres Américains, exceptés quelques amis artistes. Quatre
autres enfants naissent, dont deux survécurent à l'enfance.
Le jeune Sargent est un enfant turbulent, plus intéressé par
les activités de plein air que par les études. Contrairement
à son père, sa mère est convaincue que voyager à
travers l'Europe, visiter musées et églises, est bon pour l'éducation
des enfants. Plusieurs tentatives de lui faire donner un enseignement classique
échouent, principalement à cause de leur vie itinérante.
Sa mère est une bonne artiste amateur. Très tôt, elle
lui donne des carnets et l'encourage à dessiner lors de leurs excursions.
Le jeune Sargent s'applique sur ses dessins, copie avec enthousiasme des images
de navires de l'Illustrated London News et fait des esquisses détaillées
de paysages. Fitz William en vient à espérer que l'intérêt
de son fils pour les navires et la mer le conduiront à une carrière
dans la marine. Il reçoit alors quelques leçons d'aquarelle
par Carl Welsch, un peintre paysagiste allemand. Sargent devient un jeune
homme lettré, cosmopolite, accompli en art, musique et littérature.
Il parle couramment le français, l'italien et l'allemand.
Sargent commence ses études à l'Académie de Florence,
puis à Paris avec le portraitiste Carolus-Duran, de 1874 à 1878,
à l'école des Beaux Arts de Paris. Il suit les cours de dessin
qui comprennent l'anatomie et la perspective et étudie également
avec Léon Bonnat. Il passe beaucoup de temps à dessiner dans
les musées et à peindre dans un atelier qu'il partage avec James
Carroll Beckwith, qui devient son ami et est son premier contact avec le monde
des artistes américains vivant à l'étranger.
Sargent devient rapidement un élève vedette. Sa maîtrise
de la langue française et son grand talent font que Sargent est à
la fois populaire et admiré. Grâce à son amitié
avec Paul Helleu, Sargent rencontre les grandes personnalités du monde
artistique de l'époque, comme Degas, Rodin, Monet et Whistler.
En 1879, âgé de 23 ans, Sargent peint le portrait de son maître
Carolus-Duran. Son exposition au Salon de Paris est un hommage à son
professeur et une vitrine qui lui assurera des commandes. Henry James écrit
à propos de cette uvre de Sargent qu'elle offre le spectacle
"un peu étrange" d'un talent qui au seuil de sa carrière
n'a déjà plus rien à apprendre. Après avoir quitté
l'atelier de Carolus-Duran, en 1879 Sargent visite l'Espagne. Il y étudie
les peintures de Vélazquez, s'imprégnant de la technique du
maître, et réunissant des idées, au cours de son voyage,
pour de nouvelles uvres. Il se passionne également pour la musique
et la danse espagnole qui réveillent son propre talent pour cet art.
L'expression visuelle de cette passion se retrouve dans son uvre El
Jaleo (1882). La musique continuera également à jouer un rôle
majeur dans sa vie sociale, en tant qu'accompagnateur de musiciens professionnels
et amateurs. Sargent se fait également l'avocat des compositeurs modernes,
en particulier de Gabriel Fauré. De voyages en Italie, il ramène
de nombreuses esquisses et idées pour différentes peintures
de scènes de rue vénitiennes qui montrent les gestes et les
postures que l'on retrouvera plus tard dans ses portraits.
À son retour, Sargent reçoit rapidement plusieurs commandes
de portraits. Sa carrière est lancée. Il se montre immédiatement
concentré et endurant ce qui lui permettra de peindre avec acharnement
pendant les vingt-cinq prochaines années. Il comble les vides entre
ses différentes commandes en réalisant de nombreux portraits
d'amis et de collègues. Au début des années 1880, Sargent
expose régulièrement au Salon de Paris, en particulier des portraits
de femmes en pied, comme Madame Edouard Pailleron en 1880 et Madame Ramón
Subercaseaux en 1881 qui sont toujours bien accueillis par la critique.
Les meilleurs portraits de Sargent révèlent l'individu et la
personnalité de ses clients ; ses plus ardents admirateurs pensent
qu'il ne peut être comparé qu'à Velazquez, qui l'influença
grandement. Le maître espagnol transparaît dans Les
Filles d'Edward Darley Boit, de 1882, par un intérieur qui fait
écho à celui de Velazquez dans Les
Menines. Son uvre la plus appréciée des années
1880 est sans doute The Lady with the Rose (1882), un portrait de Charlotte
Burckhardt, un amie proche.Son uvre la plus controversée, Portrait
de Madame X (Madame Pierre Gautreau), réalisée en 1884,
est aujourd'hui considérée comme son meilleur portrait et elle
était la préférée de Sargent. Présenté
à Paris au Salon des Beaux-Arts de 1884, il déclenche une réaction
si négative que Sargent part s'installer à Londres.
Sargent avait envisagé de s'installer dans la capitale anglaise, dès 1882, à la demande pressante de son ami Henry James. Il avait aussi envoyé des toiles afin qu'elles puissent être exposées à la Royal Academy, dont Le portrait du Dr. Pozzi (1881), un essai flamboyant en rouge, son premier portrait masculin en pied et son plus traditionnel Mrs. Henry White (1883). Les commandes de portraits qui s'ensuivent, encouragent Sargent à partir pour Londres en 1886.
La critique anglaise n'est tout d'abord pas emballée, accablant Sargent
pour sa manière de peindre à la française. L'un des chroniqueurs,
à propos du portrait de Mrs. Henry White, décrit sa technique
comme "dure et presque métallique, sans goût dans l'expression,
l'air, ou la pose". Cependant, grâce au concours de Madame White
elle-même, Sargent emporte bientôt l'admiration des clients et
des critiques anglais. Henry James également donne un important coup
de pouce à la carrière de l'artiste en Grande-Bretagne.
Sargent passe beaucoup de temps à arpenter et à peindre la campagne
anglaise, lorsqu'il ne travaille pas dans son atelier. Dans les années
1880, il participe à des expositions impressionnistes et commence à
peindre en plein-air après sa visite à Monet. Il achète,
à cette époque, pour sa collection personnelle, quatre toiles
de Monet. Suivant la même inspiration, il avait réalisé
un portrait de son ami Paul Helleu, peignant également en extérieur
avec sa femme à ses côtés. Une photographie très
similaire à sa peinture suggère que Sargent utilisa à
l'occasion la photographie pour ses compositions. Grâce à Helleu,
Sargent rencontre et fait une peinture du fameux sculpteur français
Auguste Rodin en 1884, un portrait plutôt sombre, rappelant l'uvre
de Thomas Eakins.
Lors d'une visite chez Claude Monet à Giverny en 1885, Sargent peint
l'un de ses portraits les plus impressionnistes, Claude
Monet peignant à l'orée d'un bois, en compagnie de sa nouvelle épouse.
Sargent n'est cependant pas considéré comme un peintre impressionniste,
mais il en utilise parfois les techniques, avec talent, et son Deux
femmes endormies dans une barque (1887) est sans doute sa vision personnelle
de ce style. Bien que les critiques britanniques classent Sargent parmi les
impressionnistes, les impressionnistes français pensent tout autrement,
comme Monet le dira plus tard, « Il n'est pas un impressionniste au
sens ou nous l'entendons, il est beaucoup trop influencé par Carolus-Duran.
». En 1885, il succéde à Giovanni Boldini dans son atelier
du 41 Boulevard Berthier à Paris 17e arrondissement.
Sargent peignit également une scène domestique fascinante, où
l'on voit Besnard debout dans une élégante salle à manger
aux murs rouges, décorés avec des objets orientaux. Devant lui,
éclairés par la lumière que laisse filtrer un abat-jour
oriental bleu et blanc, sa femme et son fils sont attablés, celle-ci
est occupée à découper le gâteau danniversaire
de lenfant. Ce tableau connu sous le nom de Fête familiale, se
distingue par sa composition tronquée, ses cadrages audacieux et son
rendu non conventionnel des visages : les traits de Besnard sont à
peine ébauchés et ils disparaissent presque dans lombre
de la pièce. Les études expérimentales de Sargent de
ce type avaient fréquemment pour sujet des amis artistes ou des gens
aux goûts progressistes et furent souvent donnés en cadeau.
Le premier succès majeur de Sargent à la Royal Academy, a
lieu en 1887, avec Lily et Rose, une grande composition peinte en extérieur,
représentant deux fillettes allumant des lanternes dans un jardin anglais.
La peinture est immédiatement acquise par la Tate Gallery.
Son premier voyage professionnel à New York puis à Boston a
lieu en 1887-88, période pendant laquelle il peint plus de vingt commandes,
dont les portraits d'Isabella Stewart Gardner, une mécène des
arts à Boston et Madame Adrian Iselin, femme d'un riche homme d'affaires
de New York. À Boston, il participe à sa première exposition
personnelle, présentant vingt-deux de ses uvres.
De retour à Londres, Sargent est à nouveau très occupé.
Sa méthode de travail est alors bien rodée, comme celle de nombreux
maîtres du portait avant lui. Après avoir obtenu une commande,
suite à des négociations qu'il mène en personne, Sargent
rend visite à son client pour voir où la peinture sera accrochée
puis il fait un tour de la garde robe de son client pour lui choisir une tenue
adéquate. Certain portraits sont réalisés dans la demeure
du client, mais le plus souvent à son atelier, bien aménagé
en meubles et matériel de fond qu'il choisit pour rendre le meilleur
effet. Il requiert de son client de huit ou dix séances de poses. Il
entretient habituellement son client de quelque agréable conversation
et s'interrompt parfois pour jouer un morceau de piano. Sargent ne fait que
rarement usage de croquis, il préfère en général
commencer à peindre directement à l'huile.
Sargent n'a pas d'assistant, il prépare lui-même ses toiles et
vernit ses peintures, s'occupant de la photographie, des expéditions
et de collecter la documentation. Il demande environ cinq mille dollars par
portrait, soit l'équivalent de cent trente mille dollars actuels. Certains
de ses clients américains font même le déplacement à
Londres pour qu'il peigne leur portrait.
Vers 1890, Sargent peint deux portraits, non commandés, l'un de l'actrice
Ellen Terry en Lady MacBeth et l'autre de la danseuse espagnole La Carmecita.
Sargent est élu membre associé de la Royal Academy, puis devient
membre ordinaire trois ans plus tard. Dans les années 1890, il réalise
en moyenne quatorze commande de portraits par an, dont le très réussi
Lady Agnew of Lochnaw, en 1892. Son portrait de madame Hugh Hammersley reçoit
également une critique élogieuse pour sa représentation
très vivante d'une des hôtesse londonienne des plus notables.
En tant que portraitiste, le succès de Sargent est inégalé;
ses sujets sont à la fois anoblis et comme dotés d'une énergie
particulière (Mme. Hugh Hammersley, 1892). On dit fréquemment
alors que Sargent est « le Van Dyck de notre époque »
Sargent peint une série de trois portraits de Robert Louis Stevenson.
Le second, Portrait of Robert Louis Stevenson and his Wife (1885), est l'un
de ses plus célèbres. Il se rend fréquemment aux États-Unis,
surtout pour répondre aux commandes de ses clients d'Outre-Atlantique
et nombre de ses uvres les plus importantes font partie des collections
de musées américains. Il réalise d'ailleurs le portraits
de deux présidents des États-Unis, Theodore Roosevelt et Woodrow
Wilson.
Asher Wertheimer, un négociant en art vivant à Londres, commande
à Sargent une série d'une douzaine de portraits de sa famille,
il s'agit là de sa plus importante commande de la part d'un même
client. Les peintures révèlent une familiarité plaisante
entre l'artiste et ses sujets. Wertheimer lèguera la plupart des portraits
à la National Gallery.
Vers 1900, Sargent est à l'apogée de sa renommée. Le dessinateur Max Beerbohm a fait dix-sept caricatures de lui, rendant familière au public son apparence physique rondouillarde. Sargent se met à voyager davantage et consacre relativement moins de temps aux portraits. Son An Interior in Venice (1900), un portrait de quatre membres de la famille Curtis dans leur élégant palace vénitien, est cependant critiqué par Whistler qui parlant du jeu du pinceau de Sargent, le résume par « des bavures partout ». L'un des derniers portraits de Sargent dans son style de virtuose est celui de Lord Ribblesdale, en 1902, élégamment vêtu d'une tenue de chasse. Entre 1900 et 1907, Sargent continue de produire à un rythme élevé, en plus de douzaines de portraits peints à l'huile, il réalise des centaines de portraits simplement dessinés qu'il vend chacun aux alentours de quatre cents dollars.
En 1907, âgé de cinquante-et-un ans, Sargent ferme officiellement
son atelier. Soulagé, il dit, « Peindre un portrait pourrait
être amusant, si l'on était contraint de faire la conversation
en travaillant
C'est accablant d'entretenir le client et de paraître
heureux alors qu'on se sent malheureux ». Cette même année,
il peint son propre portrait, sérieux et modeste, son dernier, pour
la fameuse collection d'autoportraits de la Galerie des Offices de Florence.
La renommée de Sargent est alors considérable et les musées
se disputent ses uvres. Il décline le titre de chevalier, préférant
rester citoyen américain. Dès 1907, Sargent abandonne la réalisation
de portraits et se concentre alors sur les paysages. Il se rend fréquemment
aux États-Unis lors de la dernière décennie de son existence,
dont un séjour de deux ans entre 1915 et 1917.
À l'époque où Sargent termine le portrait de John D.
Rockefeller, en 1917, la plupart des critiques le considèrent comme
un maître du passé, « un brillant ambassadeur entre ses
clients et la postérité ». Les Modernistes le traitent
plus durement, le considérant comme totalement déconnecté
des réalités de la vie américaine et des tendances artistiques
émergentes comme le Cubisme et le Futurisme60. Sargent accepte calmement
la critique mais refuse de changer son opinion négative concernant
l'Art moderne. Il réplique, « Ingres, Raphaël et El Greco
ont maintenant toute mon admiration, ils sont ce que j'aime ». En 1925,
peu avant sa mort, Sargent peint son dernier portrait, une toile représentant
Grace Curzon. La peinture sera achetée en 1936 par le Currier Museum
of Art de Manchester dans le New Hampshire.
De son vivant, son uvre engendra quelques remarques critiques de la
part de ses pairs : Camille Pissarro écrivit « il n'est pas un
passionné, mais plutôt d'un habile interprète »,
puis Walter Sickert publia une satire, intitulée Sargentolatry. Au
moment de sa mort, il fut rejeté comme un anachronisme, une relique
du Gilded Age, exclu des tendances artistiques de l'après-guerre en
Europe. Prettejohn suggère que le déclin de la réputation
de Sargent serait due, en partie, à la montée de l'antisémitisme,
et de l'intolérance résultant de la « célébration
de la prospérité juive ». On suggéra que l'exotisme
de son uvre avait un attrait particulier pour les clients juifs qu'il
peignit dès les années 1890.
Cela est manifeste dans son portrait d'Almina, Daughter of Asher Wertheimer
(1908), dans lequel, le sujet est vêtu d'un costume persan, un turban
incrusté de perles, et jouant d'un sarod indien, tous accessoires destinés
à transmettre sensualité et mystère. Si Sargent utilisa
ce portrait pour explorer les questions d'identité et de sexualité,
il semble par contre qu'il emporta la ferveur du père du sujet, Asher
Wertheimer, un riche marchand d'art juif.
Parmi les plus grands détracteurs de Sargent, on compte l'influent
critique d'art anglais, Roger Fry, du Bloomsbury Group, qui lors de la rétrospective
Sargent, en 1926, à Londres, discrédite son uvre pour
manque d'esthétisme, « Merveilleux en effet, mais le plus merveilleux
de cette merveilleuse performance ne devrait jamais être confondu avec
celle d'un artiste. » Dans les années 1930, Lewis Mumford conduit
un cur de ses plus sévères critiques, « Sargent
n'est finalement qu'un dessinateur
une habile main-d'uvre, un
effet des plus fringant pour les yeux, ne peuvent dissimuler le vide d'esprit
de Sargent, ou le mépris cynique et la superficialité d'une
certaine partie de son travail. » La dévaluation de Sargent est
aussi en partie attribuée à sa vie d'expatrié qui le
fait paraître moins américain à une époque où
l'« authentique » art socialement-conscient américain,
illustré par le Stieglitz circle et l'Ashcan School, est en pleine
ascension.
Malgré une longue période de critiques défavorables,
la popularité de Sargent reprit dans les années 1950. Dans les
années 1960, une renaissance de l'art victorien et de nouvelles études
sur Sargent confortèrent sa réputation. Sargent fit l'objet
d'expositions dans les plus grands musées, dont une rétrospective
au Whitney Museum of American Art en 1986, et, en 1999, une exposition itinérante
qui fut présentée au musée des beaux-arts de Boston,
à la National Gallery of Art de Washington D.C. et à la National
Gallery de Londres.
En 1986, Andy Warhol dit que Sargent "rendait chacun séduisant.
Plus grand. Plus mince. Mais tous avaient du caractère, chacun d'entre
eux avait un caractère différent."
Source : Wikipedia.