(1872-1944)
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Abstraction géométrique |
Comme beaucoup de pionniers de l'abstraction, l'impulsion de Mondrian fut en grande partie spirituelle. Il aspire à distiller le monde réel pour en rendre son essence pure, à représenter les dichotomies de l'univers dans leur tension éternelle.
Nature morte au pot de gingembre II | 1912 | New-York, Musée Guggenheim |
composition No VII | 1913 | New-York, Musée Guggenheim |
Composition 8 | 1914 | New-York, Musée Guggenheim |
Composition | 1916 | New-York, Musée Guggenheim |
Composition avec rouge, noir, jaune, bleu et gris | 1921 | La Haye, Haags Gemeentemuseum |
Composition avec une large zone rouge, jaune, noir, gris et bleu | 1921 | La Haye, Haags Gemeentemuseum |
Tableau 1 | 1921 | La Haye, Haags Gemeentemuseum |
Tableau 2 | 1922 | New-York, Musée Guggenheim |
Composition n°1 | 1930 | New-York, Musée Guggenheim |
Composition n°2 en rouge, bleu jaune | 1930 | New-York, MoMA |
Composition | 1939 | New-York, Musée Guggenheim |
Trafalgar Square | 1939 | New-York, MoMA |
Broadway boogie woogie | 1943 | New-York, MoMA |
Victory Boogie Woogie | 1944 | La Haye, Haags Gemeentemuseum |
Né le 7 mars 1872 à Amersfoot, il obtient à 20 ans ses diplômes de professeur de dessin et entre à la Rijksakademie d'Amsterdam. C'est grâce à cette solide formation classique qu'il subvient à ses besoins en peignait des copies des oeuvres du Rijksmuseum. En 1906, il découvre les peintures de Van Gogh. Son art s'en ressent : moulins rougis par la lumière du soleil ou féeries des "dunes" éclaboussées de couleurs et déjà abstraites. Un séjour à Paris en 1912 lui permet de découvrir les principes du cubisme qu'il assimile à une allure record. En témoigne une autre série célèbre, les "Arbres" qui, de tableau en tableau, s'épure jusqu'à l'abstraction.
La première guerre mondiale le ramène dans son pays où il rencontre Théo von Doesburg et Bart Van der Leck : c'est la naissance du groupe De Stijl, où Mondrian développe une activité de théoricien.
Comme Kandinsky et Kupka, Mondrian adhère, à partir de juillet 1909, à la société de théosophie fondée en 1875 par Elena Petrovna Blavastky. Selon cette secte, d'inspiration néoplatonicienne, l'homme est un esprit tombé de l'ordre divin dans l'ordre naturel et qui aspire à remonter à son premier état. La cohérence et la logique interne de ses solutions picturales font écho à ce grand principe conceptuel, qui est décrit avec force détails dans les vastes écrits théoriques de l'artiste.
"L'intention du cubisme était d'exprimer le volume. Ainsi était maintenu l'espace tridimensionnel, c'est à dire l'espace naturel. Le cubisme restait donc un mode d'expression fondamentalement naturaliste. Cette volonté des cubistes de représenter des volumes dans l'espace était contraire à ma conception de l'abstraction, qui est fondé sur la croyance que ledit espace doit être détruit. C'est ainsi, pour aboutir à la destruction du volume, que j'en vins à l'usage des plans."
" La rondeur naturelle, la corporalité en un mot, nous donne des objets une vision purement matérialiste, tandis que l'aspect plat nous les fait paraître beaucoup plus intérieurs.
"Supprimer la figure et la perspective. Mais la ligne de fuite n'est pas le seul moyen de suggérer la troisième dimension dans une toile, il faut aussi empêcher les chevauchements d'une surface par rapport à une autre. La couleur a aussi une valeur spatiale : les bleus paraissent aux spectateurs plus lointains que les rouges, eux mêmes plus éloignés que les jaunes qui sautent littéralement aux yeux. Le format de la toile, lorsqu'il est présenté à l'horizontale évoque inconsciemment l'étendue d'un paysage, et, dans tous les cas, tente depuis des siècles d'imiter une fenêtre. Cette illusion de creusement du mur est encore renforcée par l'encadrement traditionnel qui déborde en avant du tableau pour mieux signifier son incrustation dans la paroi qui le soutient."
Mondrian tente donc d'inverser ces tendances séculaires, par le format tout d'abord : rectangulaire, il le mettra à la verticale pour éviter le format paysage. Mais sa prédilection va le plus souvent aux formats carrés, parfois posés, pointe en bas ce qui exclut toute idée d'horizon. Le cadre ensuite, qu'il veut plus saillant, ne déborde plus en avant du tableau mais en arrière. Il sert de socle et propulse la toile vers le spectateur. La surface des plans colorés sera fonction de leur ton local : généralement plus restreinte pour le jaune que pour le bleu, la dimension variable permettant de corriger l'effet spatial des couleurs.
Tout cela est affaire de sensation, de sensibilité d'équilibre, c'est ce que confirme le témoignage de Harry Holtzman, l'ami et le collègue le plus proche de Mondrian durant ses années américaines, qui en dresse un portrait aux antipodes de la froideur calviniste dans laquelle on s'est complu à le réduire :
"chaque oeuvre était la conséquence intuitive de la précédente. Il n'y avait pas de programme, pas de symbole, pas de "géométrie" ni de système de mesure. Seule l'intuition déterminait le rythme général des relations, de façon empirique. L'espace donné de la toile, la tension donnée de ses proportions, ses dimensions étaient déterminées et modifiées tout aussi expérimentalement. Pour Mondrian, l'expérience intuitive ne pouvait être que directe, immédiate et sensuelle."
Il revient à Paris durant l'été 1919. Il s'installe au 26 rue du départ dans un atelier clair situé en haut de l'immeuble. L'endroit va devenir légendaire. C'est un intérieur néoplastique, aux murs partiellement recouverts de surfaces colorées, véritable tableau dans lequel la place des meubles, des fenêtres, de chaque objet joue un rôle déterminant. On a même signalé une fleur en plastique dont Mondrian, haïssant le vert qui lui rappelait la nature, avait repeint en blanc la tige et la feuille.
En 1938, Mondrian pressent une guerre imminente et part pour Londres en septembre. En 1940, fuyant les bombardements, il s'embarque pour New-York. Il y meurt d'une pneumonie le 1er février 1944.