Principaux films sur la guerre d'Irlande :
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Les banshees d'Inisherin | Martin McDonagh | Irlande | 2022 |
Le vent se lève | Ken Loach | G.-B. | 2005 |
Michael Collins | Neil Jordan | U.S.A. | 1996 |
Au nom du père | Jim Sheridan | U.S.A. | 1993 |
Quand la lune se lève | John Ford | U.S.A. | 1957 |
Huit heures de sursis | Carol Reed | G.-B. | 1947 |
Révolte à Dublin | John Ford | U.S.A. | 1936 |
Le mouchard | John Ford | U.S.A. | 1935 |
La clé | Michael Curtiz | U.S.A. | 1934 |
(voir aussi : conflit nord-irlandais )
I Avant 1918
L'Irlande, domaine papal, est cédée en 1155 à Henri II d'Angleterre, qui prend le titre de seigneur d'Irlande. Cette prise de possession toute théorique ne s'accompagne d'aucune annexion territoriale, ni de présence de troupes d'occupation. Henri II profitera de l'Invasion normande de l'Irlande pour venir y affirmer la suzeraineté de la Couronne d'Angleterre, qui restera cependant symbolique pendant plusieurs siècles.
Henri VIII d'Angleterre, en conflit avec le pape au sujet de l'annulation de son mariage, décide de clarifier le statut de l'Irlande en se faisant nommer roi d'Irlande en 1509 par le Parlement d'Irlande. Par la reconquête de l'Irlande par les Tudor, il établit véritablement son autorité sur le pays. Une divergence religieuse se fait alors jour entre l'Irlande, qui reste massivement fidèle à Rome, et l'Angleterre qui devient anglicane.
L'idéal d'une Irlande unie est détruit par l'échec de la Rébellion irlandaise de 1798 et par la répression qui en résulte. La violence entre catholiques et protestants se poursuit. L'Institution d'Orange est fondée en 1795, afin de défendre la foi protestante et la loyauté à Guillaume d'Orange et à ses descendants. Cette institution existe encore aujourd'hui et reste toujours active
L'Union Act, appliqué en 1801, consacre l'union de Grande Bretagne et de l'Irlande. L'abolition du Parlement d'Irlande et l'intégration de l'Irlande dans le Royaume-Uni créent un cadre politique nouveau à l'intérieur duquel la dichotomie des communautés se poursuit. Les presbytériens, satisfaits de la suppression du Parlement irlandais discrédité, abandonnent en grand nombre leur vieil attachement à la politique radicale républicaine, et se rapprochent des anglicans, formant une communauté protestante loyaliste. L'émancipation des catholiques, obtenue en 1829 principalement grâce à Daniel O'Connell, élimine en grande partie la discrimination juridique contre les catholiques (environ 75% de la population d'Irlande), les Juifs et les dissidents. Pourtant, pour O'Connell, si l'émancipation est une étape nécessaire, le but à long terme est l'abrogation de l'Acte d'Union de 1801. Le nationalisme d'O'Connell, pacifiste et partisan de la majorité absolue, joue un rôle de plus en plus important dans la vie politique irlandaise, en demandant avec insistance le rétablissement du Parlement irlandais, et l'autonomie de l'Irlande, connue sous le nom d'Home Rule. La plupart des protestants, effrayés de devenir une minorité dans un pays dominé par les catholiques, soutiennent le maintien de l'union avec la Grande-Bretagne.
Le conflit se résume alors à une lutte entre les partisans de l'Acte d'Union, les unionistes, et ceux qui s'y opposent, les nationalistes, comme c'est encore le cas aujourd'hui. En 1849, O'Mahoney fonde l'Irish Republican Brotherhood (IRB Fraternité Républicaine Irlandaise), ancêtre de l'IRA, et première organisation moderne à lutter, y compris par la violence, en faveur de l'indépendance. En 1870 apparaît enfin le mouvement du Home Rule, en faveur de l'autonomie, bientôt dirigé par le protestant libéral Charles Stewart Parnell. En 1905, un nouveau parti politique, promis à un bel avenir, est fondé par Arthur Griffith : le Sinn Féin (SF Nous Seuls).
II La guerre pour l'indépendance 1918-1922
Le Home Rule, c'est-à-dire l'autonomie de l'Irlande, est sur le point
d'être accordé, au cours de la seconde décade du XXe siècle,
suite à l'agitation entretenue par le « Irish Parliamentary Party
», qui, par moments, est maître de l'équilibre des pouvoirs
au Parlement de Westminster. Le projet d'autonomie est bien voté par
la Chambre des communes en 1912, mais est rejeté par la Chambre des
Lords. Les unionistes, pour la plus grande part protestants et concentrés
en Ulster, s'opposent aussi bien à l'autonomie qu'à l'indépendance
de l'Irlande, craignant pour leur avenir dans un pays majoritairement catholique.
Ayant à leur tête Edward Carson, ils signent le Covenant d'Ulster,
se promettant de résister à l'Home Rule par la force si nécessaire,
en se mobilisant par le slogan « Home Rule, Rome Rule ». À
cette fin, ils forment le groupe paramilitaire des « Ulster Volunteer
Force » (UVF Force des Volontaires d'Ulster), et importent des
armes d'Allemagne, ainsi que le feront quelques années plus tard les
insurgés de l'Insurrection de Pâques.
Les nationalistes forment les Irish Volunteers, dont le but déclaré est de s'opposer aux Ulster Volunteers, et d'assurer la promulgation du Home Rule de 1914, dans le cas d'une mauvaise volonté britannique ou unioniste. Le déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914 évite temporairement une possible guerre civile, et retarde la résolution de la question de l'indépendance irlandaise. Le Home Rule, bien que voté au Parlement britannique avec l'assentiment royal, est suspendu pour la durée de la guerre.
En 1914, près de 20.000 Irlandais, Catholiques et Protestants, s'engagent comme volontaires pour combattre durant la Première Guerre Mondiale. Entre 1914 et 1918, les régiments irlandais subissent de lourdes pertes.
Le lundi de Pâques 1916, le 24 avril, des groupes nationalistes, qui, après des ordres et des contre-ordres, n'ont finalement réuni qu'un petit millier de combattants, proclament la République irlandaise et lancent une insurrection à Dublin, les Pâques sanglantes. Victimes de l'indifférence, voire de l'hostilité de la population qui ne comprend pas leur action, souvent assimilée à une trahison puisque la guerre se poursuit sur le continent européen, écrasés par des forces britanniques supérieures en hommes et en matériels, les insurgés capitulent au bout d'une semaine (Bilan : 300 civils, 132 soldats et 76 insurgés tués).
Mais la répression maladroite qui s'ensuit va retourner l'opinion irlandaise en leur faveur. Les autorités britanniques procèdent à plus de 2 500 arrestations souvent arbitraires et prononcent 90 condamnations à mort dont celle du poète Padraig Pearse et du leader socialiste James Connolly. Ce dernier, si gravement blessé lors des combats qu'il ne peut tenir debout, est fusillé attaché sur une chaise.
Aussi aux élections de 1918, le parti séparatiste Sinn Féin obtient en Irlande 73 sièges sur 105. Éamon de Valera proclame l'indépendance de l'île en janvier 1919 contre l'avis des autorités britanniques. Le premier Dáil Éireann (le Parlement irlandais) est mis en place essentiellement pour se séparer du Royaume-Uni.
C'est alors que sous la conduite de Michael Collins est créée l'Irish Republican Army (IRA Armée Républicaine Irlandaise), fusion de l'IRB, de l'ICA et de l'IVF. La Guerre d'indépendance irlandaise meurtrière, qui suit, se déroule jusqu'en 1921, date à laquelle le gouvernement britannique propose de couper l'île en deux juridictions distinctes, l'Irlande du Sud, formée des 26 comtés du sud et de l'ouest, et l'Irlande du Nord, composée des six comtés du nord-est, majoritairement protestants et unionistes, toutes deux rattachées au Royaume-Uni. Le parlement irlandais reconstitué approuve les termes du Traité anglo-irlandais de 1921 par 64 voix contre 57, tandis que de nouvelles élections, en 1922, donnent 92 sièges aux partisans du traité contre 36 aux républicains intransigeants anti-traité. Cette partition de l'Irlande est confirmée en décembre 1922, quand le Parlement de l'Irlande du Nord exerce son droit, prévu par le Traité de 1921, de se « désengager » de l'État libre d'Irlande nouvellement établi.
III La guerre civile : 28 juin 1922 – 24 mai 1923
La guerre civile irlandaise est une guerre ayant opposé entre eux les indépendantistes irlandais divisés sur le traité de Londres ratifié de peu par le Dáil Éireann en décembre 1921. La majorité suit Arthur Griffith et Michael Collins, membres du premier gouvernement de l'État libre d'Irlande créé par le traité, et une minorité suit Éamon de Valera. La guerre éclate après la victoire des partisans du traité aux élections de 1922. Elle coûte la vie à près de 4 000 Irlandais en moins d'un an et se conclut par la victoire de l'État libre sur les partisans de Valera.
Le traité anglo-irlandais, négocié entre une délégation du Sinn Féin menée par Arthur Griffith et Michael Collins et le gouvernement britannique de David Lloyd George, clôt la guerre d'indépendance irlandaise. Il prévoit entre autres la partition de l'Irlande, la création d'un État libre d'Irlande ayant le statut de dominion dans les vingt-six comtés du sud et un serment d'allégeance à la couronne britannique par les membres du parlement irlandais, le Dáil Éireann. Il est signé le 6 décembre 1921 à Londres, il est ratifié facilement par la Chambre des communes et proclamé royalement un an plus tard. La ratification par le Dáil est moins aisée, du fait de l'opposition de deux des leaders indépendantistes de la guerre, Éamon de Valera et Cathal Brugha. Le traité est finalement ratifié de justesse, le 7 janvier 1922. En signe de protestation, de Valera quitte le Dáil et démissionne de la présidence de la république. Un gouvernement provisoire est alors formé autour d'Arthur Griffith pour assurer la création de l'État libre.
Les élections qui ont lieu peu après sont une éclatante victoire pour les partisans du traité. Ces derniers assurent qu'il n'est qu'un premier pas vers l'indépendance complète, alors que ses opposants pensent qu'il brise tout espoir d'instauration d'une république.
Bien que les partis soutenant le traité aient largement gagné les élections de 1922, de Valera ne désarme pas et tente de prendre le contrôle de l’IRA dont une grande partie des cadres lui sont favorables. L’IRA se déchire entre les opposants au traité et son créateur, Michael Collins. La partie favorable à ce dernier rejoint les rangs de la nouvelle Armée nationale irlandaise (INA), les autres s'organisant en une nouvelle IRA. En avril 1922, le palais de justice de Dublin, Four Courts, est occupé par 200 hommes de De Valera sous la direction de Rory O'Connor. Leur but est de provoquer la reprise de la guerre avec les Britanniques.
Le gouvernement de Lloyd George menace l’État libre d’une intervention si les insurgés ne sont pas délogés, tout en lui proposant de lui fournir de l'équipement militaire.
Michael Collins décide, pour sauvegarder l’autonomie de l’Irlande, d’utiliser des canons de campagne britanniques pour bombarder Four Courts le 28 juin 1922. La bataille pour le contrôle de la capitale est extrêmement violente, du fait de l’utilisation de l'artillerie par l’INA, et plus de 250 non-combattants sont tués. Dominés sur le plan militaire, les anti-traités sont battus en une semaine après avoir perdu 500 hommes, faits prisonniers par l’armée de l’État Libre. La bataille de Dublin a fait 65 morts des deux côtés parmi lesquels Cathal Brugha, ancien ministre de la Défense durant la guerre d’indépendance.
Le conflit est désormais inévitable entre les républicains, menés par Liam Lynch, nommé chef d’état-major de l’IRA, et les soldats de l’INA de Michael Collins. Les forces républicaines sont plus nombreuses au début de la guerre mais manquent de matériel (en particulier d'artillerie) et d'encadrement efficace.
L’INA au contraire dispose de matériel (fusils, blindés, canons) fourni par les Britanniques et du soutien de la majorité de la population et de l’Église qui souhaitent la paix. Elle ne cesse de recruter durant la guerre jusqu’à largement dépasser les forces républicaines. Les officiers de l’armée de l'État libre sont souvent des combattants aguerris de la Première Guerre mondiale, voire d’anciens officiers britanniques, ce que les anti-traités soulignent dans leur propagande ; les autres recrues en revanche sont souvent jeunes et sans expérience.
Dans un premier temps, les forces républicaines tiennent une partie du territoire plus importante, mais leur infériorité matérielle les force à éviter la confrontation directe. Durant le mois d’août 1922, l’INA s’attaque donc en priorité aux villes de l'ouest et du sud tenues par les républicains. L’offensive est un succès complet, toutes les grandes villes irlandaises passent sous le contrôle de l’État Libre. L’IRA doit alors disperser ses forces et est condamnée à ne mener que des actions de guérilla qui ne seront pas décisives.
L’État libre perd cependant son chef de gouvernement, Arthur Griffith, qui meurt d'une attaque cérébrale le 12 août et le commandant en chef de son armée, Michael Collins, qui tombe lors d'une embuscade républicaine le 22. C’est William T. Cosgrave et Richard Mulcahy qui se chargent de continuer la guerre aux postes respectifs de Griffith et Collins.
Les embuscades républicaines exaspèrent l’INA qui procède à une campagne d’exécutions de prisonniers républicains en novembre 1922, à laquelle répondent en décembre les attentats des anti-traités contre des membres du Dáil Éireann et les propriétaires terriens, souvent protestants, protégés par l’État Libre. Le cycle de la violence continue avec l'exécution des leaders anti-traités fait prisonniers par l’INA, parmi lesquels Rory O'Connor. Le manque de succès de l’IRA et l'hostilité croissante de la population conduit finalement Éamon de Valera et les républicains à ordonner le cessez-le-feu le 30 avril 1923, suivi d’un ordre de déposer les armes le 24 mai.
La guerre civile a coûté la vie à près de 4 000 Irlandais, et 12 000 républicains resteront internés pour la plupart jusqu'en 1924. Ce bilan reste cependant relativement peu élevé comparé aux autres guerres civiles du xxe siècle. De plus, l'Irlande du Nord a été épargnée, évitant un conflit bien plus destructeur, non plus entre anciens frères d'armes mais entre deux communautés ayant un contentieux bien plus important et plus ancien.
En 1925, après avoir tenté, en vain, de rassembler le Sinn Féin autour de lui pour faire évoluer l'État Libre vers une république, Éamon de Valera fonde le Fianna Fáil, qui sera amené à dominer la vie politique irlandaise jusqu'à nos jours. Le Fine Gael, fondé en 1933 par les anciens partisans du traité, reste encore aujourd'hui l'autre grand parti politique de la République d'Irlande.
L'État libre d'Irlande abolira le serment d'allégeance à la Couronne britannique en 1933 et quittera le Commonwealth en 1949. L'Ulster sera dirigée par un gouverneur imposé par le gouvernement britannique jusqu'en 1972 avant de bénéficier d'une administration directe (Assemblée d'Irlande du Nord) sous la tutelle d'un secrétaire d'État.