Dans un quartier déshérité de Portland (Oregon), un jeune Blanc, propriétaire d'une petite épicerie, tombe amoureux de Johnny, un immigré clandestin mexicains d'à peine dix-huit ans. Celui-ci le repousse, le traitant de sale pédale.
Avec son amie strip-teaseuse Betty, Walt finit par convaincre Johnny de venir manger chez lui. Il y consent mais emmène un ami puis Roberto, un autre ami avec lequel il partage un appartement. A la fin de la soirée, Walt doit se décider à offrir 15 dollars à Johnny pour qu'il couche avec lui. Mais Johnny refuse et claque derrière lui la porte de son hôtel miteux défendu par un garde chiourme énergique. Il laisse sous la pluie Walt et Roberto. Le premier propose au second de venir dormir chez lui. Walt se glisse dans le lit de Roberto mais, plus tard dans la nuit, c'est Roberto qui viole durement Walt et lui dérobe 10 dollars.
Le lendemain, Walt a vraiment l'impression d'avoir passé une mala noche. Quelques jours et quelques rebuffades après, Walt emmène Roberto et Johnny en ballade en voiture car il sait ce dernier amateur de conduite. Ceux-ci s'amusent avec lui, faisant semblant de lui dérober la voiture.
De retour en ville, Johnny fait de rares apparitions dans la boutique de Walt tout en essayant d'échapper aux contrôles de police. Un jour il disparaît. Eploré, Walt est ensuite appelé au chevet de Roberto qui est victime d'une vilaine fièvre. Il le soigne et tous les deux finissent par vivre ensemble, faute de mieux. Un soir la police est appelée pour traquer un clodo violent. Roberto s'affole, prend le revolver caché par Johnny et se fait descendre.
Plus tard, Johnny revient, il avait été reconduit à la frontière mais est revenu, il voulait revoir son ami Ricardo dont il ignorait la mort. Il s'enfuit quand Walt la lui annonce. Betty s'en va gagner sa vie ailleurs. En la conduisant, Walt croise Johnny et croit encore qu'ils pourront s'aimer.
Assumant mal les rapports de domination entre américains et immigrés, Walt croit offrir un amour plus sincère à Johnny sans se rendre compte que celui-ci le tolère sans l'aimer ni le respecter. Masochiste, aveugle, Walt promène sa mauvaise conscience et ne peut que se faire berner par la rage de vivre de Johnny et Ricardo. Que l'un soit finalement abattu et l'autre condamné à subir des avances qui le dégoûte ne font qu'ajouter à la pitoyable tragédie sentimentale et sexuelle de Walt.
L'éclairage violent des lampadaires et des ampoules de cuisine qui laisse dans l'ombre la partie basse du plan, le noir et blanc granuleux, la caméra qui bouge, les contre-plongées obliques rendent compte de cette confusion des sentiments et des rapports sociaux qu'éclairent parfois une ballade en voiture ou des facéties, enfin amicales, filmées en couleur.
Le film est resté inédit en France jusqu'en octobre 2006 où la reconnaissance internationale à permis la diffusion de ce film qui s'inscrit dans la lignée de la contre-culture américaine. Il s'agit en effet de l'adaptation de l'unique roman-autobiographie (1977) du poète Walt Curtis, né en 1941, et figure mythique de Portland.
Si le noir et blanc et l'aventure adolescente peuvent faire penser à Rusty James (Coppola, 1982) ou à Stranger than paradise (Jarmusch, 1984), Mala noche ne possède pas le caractère de voyage initiatique de ces deux films. Il préfigure davantage le sur-place intérieur des futurs films de Gus van Sant où réel (ici social et muet) et virtuel (ici amoureux et bavard) s'entremêlent.
Produit et tourné par le réalisateur en noir et blanc 16 millimètres en 1985 avec un budget de 22.500 $, il contient de nombreux plans tournés sans autorisation. Le film est récompensé en 1987 dans la catégorie du meilleur film indépendant par le Los Angeles Film Critics.
Jean-Luc Lacuve le 13/10/2006