Entre les quatre murs décrépis d'un bar délabré qui lui sert de refuge, dort une jeune femme. Elle est réveillée par les cris d'un marchand de légumes à la recherche d'un petit voleur qu'il ne retrouve pas. Plus tard, la jeune femme découvre le gamin de cinq ans caché derrière les étagères de la cuisine et grignotant une courge. Elle le chasse.
Survient ensuite un homme qui lui apporte une grande bouteille d'eau qu'il a eu du mal à trouver. La jeune femme le paie de quelques billets mais l'homme en veut plus, l'embrasse et la viole. La nuit, c'est un soldat démobilisé qui vient la trouver sur les indications de l'homme qui la viola et est, en fait, son souteneur. Le soldat, très fatigué, la paie pour la nuit mais apprécie surtout le verre d'eau que la femme lui donne et en demande un second avant de s'endormir. Au matin, il demande à revenir, promettant de travailler pour trouver de l'argent.
Le soldat revient le soir ainsi que le gamin qui a volé de nouveau une courge. Le soldat la prépare et permet ainsi à tous de manger un peu. Il explique qu'il est un ancien instituteur et ne se sépare jamais de son livret d'algèbre comme un porte-bonheur évoquant les jours passés avant que ses parents ne meurent sous les bombes. L'enfant, l'homme et la femme dorment tous les trois dans la grande pièce. L’enfant ayant l'interdiction de rejoindre la pièce du fond.
Le soldat promet à nouveau de revenir un troisième soir, cette fois étant sûr de trouver un travail. Le soir pourtant, il avoue qu'il n'en est rien mais qu'il essaiera à nouveau le lendemain. Cette fois, il donne un premier cours de calcul à l'enfant puis mime une sortie au zoo en famille où ils confectionnent des boulettes de riz pour le pique-nique. Même la femme se prend au jeu. Un coup de feu soudain qui retentit au loin panique le soldat dont la figure est prise de tremblements. Au cours de la nuit, l'enfant fait un cauchemar et l'homme et la femme l'apaisent et le rassurent.
L'homme et l'enfant partent le matin à la recherche d'un travail. L'enfant revient avec deux œufs, affirmant être le fruit d'un travail mais indique aussi que le soldat n'est jamais parti travailler, restant prostré pas très loin. L'homme revient en effet sans avoir trouvé de travail. Un nouveau coup de feu au loin, en provenance du marché noir, provoque une même panique que la veille. La nuit il remercie la femme pour le sommeil qu’il lui offrit la première nuit et dont il n'avait pu gouter une telle douceur depuis des années. Il lui demande si elle fait la putain ici seulement ou dans d'autres villes par le passé. La femme lui répond sèchement qu’il devra partir le lendemain et ne plus revenir. Il demande alors à coucher avec elle ce qu'elle refuse d'autant que l'enfant est là. Mais le soldat devient méchant, la frappe et jette par la fenêtre l'enfant qui tentait de la défendre. Il se rue sur elle et la frappe à nouveau pour la violer quand il est assommé par un coup de bouteille sur la tête. C'est l'enfant qui n’a été que blessé par sa chute qui revient et lui braque un pistolet sur la tête pour le faire partir, humilié à quatre pattes.
Au matin, la femme supplie l'enfant de rester avec elle et de tenter de trouver un travail; ce que la gamin accepte avec joie. Durant quelques jours, elle s'évertue à lui confectionner une chemise à partir de vieux vêtements et lui enseigne le calcul avec le manuel d'algèbre que le soldat a laissé. Un soir pourtant l'enfant ne revient que très tard et elle se morfond dans le noir. Quand il rentre, ensanglanté, il explique que son travail consiste à ramasser les légumes que les riches voyageurs du train leur lancent en guise d'aumône mais qu'il a été racketté par plus grand que lui. La femme s'emporte le suppliant de trouver un travail moins dangereux. C’est justement ce qu'il a trouvé dit-il auprès d'un homme qui l'a protégé de ses agresseurs. La femme est néanmoins inquiète et l'est davantage encore quand l'enfant affirme que c'est lorsqu'il lui a parlé du pistolet que l'homme l'a engagé pour une semaine. Elle lui fait promettre de renoncer à ce travail. Ce que l’enfant accepta en partant le lendemain matin.
Lorsque son souteneur revient lui apporter une bouteille d'eau, il la trouve prostrée devant la glace. En effet, durant la nuit, elle s'est gratté la lèvre dont une partie s'est désagrégée, signe des premiers effets des radiations de la bombe larguée sur Hiroshima. C'est ainsi, cachée derrière la porte de la dernière pièce, la chambre qu'elle partageait avec son mari et qu'elle a gardée telle qu'à son départ, espérant toujours son retour, qu'elle hurle ses instructions à l'enfant quand il revient le soir. Elle ne veut plus le revoir; elle est atteinte d'une maladie contagieuse et en a marre de lui qu'elle n'a jamais aimé. L’enfant, désarçonné, prend le revolver et s'en va.
C'est après avoir pissé contre un mur que l'enfant s'apprête à suivre celui qui l'a recruté pour une semaine. L’homme est coiffé d'un chignon de samouraï et se montre particulièrement habile à voler des épis de maïs ou à pêcher des poissons à mains nues. L’enfant et l'homme errent ainsi dans la campagne déserte; le samouraï réconforte au passage un fou que sa mère nourrit derrière des barreaux. Le but du voyage est de parvenir dans la maison d'un ancien officier qui semble terroriser le samouraï lorsqu'il l'aperçoit. Il demande à l'enfant de le faire venir dans la forêt. L’ancien officier s'approche sans crainte du samouraï qui a servi sous ses ordres. Mais celui-ci se saisit du revolver de l’enfant et lui tire trois balles dans chacune des jambes et dans un bras pour l'avoir forcé à tuer des prisonniers et son meilleur ami qui refusait d'obéir à ses ordres. Cet assassinat lave son honneur dit-il avant de chasser l'enfant avec de l'argent pour le train du retour. Le samouraï clame que la guerre est maintenant finie.
L'enfant revient dans maison de la femme qui lui demande de la pardonner pour les insultes de la semaine précédente et le remercie pour la brève période où elle a de nouveau été heureuse avec lui et le soldat. L'enfant pose le revolver dans la boite et s'en va tenter de trouver du travail au marché noir. Il s'obstine à laver les plats du marchand de légumes qu’il vola autrefois. Le marchand, qui vend cher ses légumes préparés, rudoie l'enfant plusieurs fois alors que l'enfant s'obstine à revenir à la vaisselle. Mais le marchand comprend que l'enfant peut lui être utile et le laisse faire, lui donne à manger puis le paie pour sa journée. Le soir, l'enfant se rend au quartier des irradiés qui se sont regroupés dans un tunnel pour mourir. Il reconnaît le soldat-instituteur et lui dépose son carnet porte-bonheur. Il demande si son argent suffira à acheter le médicament qui pourra sauver le soldat mais c'est largement insuffisant. L’enfant se rabat alors sur une robe pour la femme. Un coup de feu au loin lui fait comprendre que la femme s'est suicidée. Le son du train au loin est alors un appel pour l'enfant à partir.
Le chantre du cyberpunk japonais poursuit son exploration de la violence, la montrant cette fois sur son versant réaliste, optant pour une esthétique radicalement minimaliste. Découpé en deux parties, L’Ombre du feu débute entre les quatre murs décrépis où se terre la jeune veuve, avant de s’ouvrir vers l’extérieur, épousant alors la forme d’un road movie horrifique.
Ébranlés par la sauvagerie du conflit, les trois héros survivants cherchent du réconfort là où ils peuvent, mais les traumas s’avèrent parfois insurmontables. Shinya Tsukamoto rejoint par son sujet les films travaillés par le thème de l’après-guerre au Japon et de l’impossible deuil Le tombeau des lucioles (Isao Takahata, 1988), Pluie noire (Shôhei Imamura, 1989), Le soldat Dieu (Koji Wakamatsu, 2010),
Fil conducteur de ce récit bouleversant, le petit orphelin va devoir affronter de multiples épreuves pour survivre et trouver sa place dans ce monde à reconstruire de toutes pièces. Lueur d’espoir de ce film brut et excessif, il symbolise à lui seul la nouvelle génération, garante de la survie de l’humanité.