Chapitre 1. Durant l'occupation allemande en France, en 1941, le colonel nazi Hans Landa rend visite au fermier Perrier LaPadite qu'il contraint, à force de déductions, à lui indiquer qu'il cache des juifs sous son plancher. Hans Landa fait exécuter toute la famille juive mais laisse s'échapper Shosanna Dreyfus.
Chapitre 2. Ailleurs en Europe, le Lieutenant Aldo Raine forme un groupe de soldats juifs américains ayant pour but de mener des actions punitives particulièrement sanglantes contre les nazis. Ils se nommeront " Les bâtards ", et leurs ennemis redouteront plus que tout leur sauvagerie. Hitler lui-même craint ce terrible ours juif et se fait raconter leurs terribles exploits par un survivant... qui ne dira pas toute la vérité.
Il a été épargné après avoir vu se faire massacrer et scalper toute son escouade et notamment son sergent dont le crâne a été défoncé à coup de batte de base-ball par le soldat Donowitz, dit l'ours juif. Ceci venant après le récit des exploits de Stiglitz, le tueur de nazis, que les bâtards ont délivré et qui s'est joint à eux pour une extermination plus professionnelle des nazis. Le survivant a donc donné les positions des troupes allemandes pour sauver sa peau. A Hitler, il affirme seulement ne devoir la vie qu'au souhait des bâtards d'effrayer les nazis en leur gravant sur le front une croix gammée qui les marquera à jamais même après la fin de la guerre
Chapitre 3 "quatre ans plus tard". 1945. Shosanna s'est reconstruit à Paris une nouvelle identité. Elle est Emmanuelle Mimieux, propriétaire d'une salle de cinéma. Elle est parfois contrainte de passer un certain nombre de productions allemandes dont L'enfer blanc du Piz-Palu mais préfère programmer des films français comme Le corbeau ou une rétrospective Max Linder. C'est ce qui attire Frederick Zoller, jeune militaire allemand cinéphile qui tente vainement de lui faire la cour.
Frederick revient souvent à la charge et Shosanna découvre bientôt qu'il est la coqueluche des occupants. C'est un héros de guerre, un sniper qui, parachuté sur un clocher, a sauvé sa vie en tuant 300 américains. Un jour, elle est conduite de force par Dieter Hellstrom, Major de la Gestapo, à un dîner avec Joseph Goebbels. Celui-ci a voulu connaître la jeune française dont s'est amourachée Frederick qui l'a presque convaincu de projeter le film dont il est le héros, La fierté de la patrie dans son cinéma. Shosanna manque de défaillir en reconnaissant à table le colonel Hans Landa. Celui-ci, durant la dégustation d'un strudel, l'interroge pour ne finalement lui imposer que d'assurer elle-même la projection du film à la place de son projectionniste, Marcel, un noir. Lors de la visite de Goebbels dans son cinéma, Emmanuelle fait part de son intention à Marcel de faire brûler son cinéma le jour de la projection afin de tuer tous les dignitaires nazis.
Chapitre 4 : Opération Kino. Le lieutenant britannique, Archie Hicox, critique de cinéma spécialiste de l'expressionnisme allemand, est convoqué par Churchill pour une mission spécial, l'opération Kino. Aidé des bâtards et d'un agent double, l'actrice allemande Bridget von Hammersmark, ils devront assister à la projection à Paris de La fierté de la patrie et tuer tous les dignitaires nazis qui s'y trouvent.
Dans la petite ville de Nadine, à l'est de Paris, les bâtards et Archie Hicox attendent la venue de Bridget von Hammersmark. Ils détestent le lieu du rendez-vous, une cave au-dessous d'une taverne. Trois d'entre eux, qui parlent couramment l'allemand, Hicox, Wilhelm Wicki et Stiglitz, se déguisent en officiers allemands et accèdent à la taverne pour recueillir les confidences de Bridget von Hammersmark.
Celle-ci joue avec des soldats allemands à découvrir le nom d'un personnage connu marqué sur la carte placée sur son front qu'a écrit, sans lui montrer, son voisin de droite. Les trois faux officiers tentent de faire cesser ce jeu mais Wilhelm, le sergent allemand qui fête la naissance de son fils, Max, s’entête à les déranger et fait remarquer le drôle d’accent de l’officier allemand joué par Hicox. Hicox parvient à faire preuve d'autorité en menaçant d'arrêter ce soldat insolent. C'est alors que surgit le Major Dieter Hellstrom qui ne reconnaît ni l'accent de Hicox, ni le pourquoi de leur présence ici, ni même leur identité d'officiers. Après un long jeu de chat et de souris, la séquence se termine par un massacre dont personne ne réchappe sauf Bridget von Hammersmark, gravement blessée à la jambe.
Chapitre 5 : Vengeance en gros plan. Bridget von Hammersmark fait entrer Aldo Raine, Donnie Donowitz et Omar Ulmer dans le cinéma de Shosanna mais ils sont vite repérés par Hans Landa qui tue l'espionne et fait prisonnier Aldo Raine et Utivich. Lors de la projection, Frederick est écuré par les images du massacre qu'il a commis et rejoint la cabine de projection pour être avec Shosanna. Celle-ci, qui s'apprête à lancer le film de sa vengeance, le repousse mais il entre de force. Shosanna lui tire alors plusieurs balles du revolver, caché dans son sac. Blessé à mort, Frederick parvient à la tuer à son tour. Sa vengeance s'accomplit néanmoins et tous les dignitaires nazis périssent dans les flammes de l’incendie allumé par Marcel ou tués par Donnie Donowitz et Omar Ulmer qui avaient caché des mitraillettes dans le cinéma. Ceux-ci tuent également Hitler et Goebbels dans leur loge.
Hans Landa, qui n'est pas intervenu pour empêcher l'attentat, a proposé
un marché à Aldo Raine. Il demande la protection des Etats Unis,
sa liberté contre leurs vies et la fin de la guerre permise par l'attentat.
Ses exigences sont satisfaites par l'état-major. Mais Aldo, "quitte
à se faire engueuler", lui gravera sur le front l'ineffaçable
marque des nazis.
Après trois premiers films relevant du cinéma de genre, les trois suivants, Kill Bill, Le boulevard de la mort et celui-ci sont plus directement des hommages aux films de genres, unifiés par le thème de la vengeance. Une sorte de preuve que l'imaginaire peut sans cesse inventer face aux canons de l'histoire réelle ou de l'histoire du cinéma. C'est dans les déformations apportées à ces carcans que se trouve la jouissance du cinéma de Tarantino, les bifurcations du film de genre s'enroulant autour de la ligne droite de la vengeance.
Film sur la seconde guerre mondiale, film de commando type Les douze salopards, western spaghetti et comédie sophistiquée, autant de genres travaillés ici par Tarantino dans un des grands films maniéristes de ces dernières années.
Cinéma et peinture exaltés
Du western spaghetti, Tarantino retient l'étirement en longueur de certaines séquences (la lente arrivée de la moto de Landa) avec profondeur de champ associé aux gros plans (LaPadite se débarbouillant), l'utilisation pastiche des accessoires (les pipes) comme de la musique d'Ennio Morricone. Le genre western resurgit dans le surnom du lieutenant Raine, surnommé "l'Apache" et qui scalpe ses prisonniers, ou du premier héros à trouver sur les cartes dans la taverne, Wannitou, chef des apaches, dans le maquillage de Shosanna avant sa vengeance ou dans l'apparition de Enzo G. Castellari, le réalisateur de Keoma (1976) et de Quel maledetto treno blindato (1978) sorti aux USA sous le titre The Inglorious Bastards. Tarantino reprend le titre en le modifiant de deux fautes d'orthographes. Il transforme "glorious" en "glourious" et "bastards" en "basterds" revendiquant probablement l'aspect ronflant et assez péquenot de ses héros mal élevés.
Le film de commando est pastiché dans le recrutement de huit volontaires qui n'ont rien de bien vaillants, scalpant sur commande et défonçant à coup de batte de base-ball un sergent nazi. Leur seule action d'éclat est la libération de Stiglitz, filmée avec explosion et ralentis comme dans un film de John Woo.
Le film sur la seconde guerre est lui dynamité par sa fin, fort éloignée de la vérité historique, avec mort d'Hitler et Goebbels dans un attentat à Paris en 1945.
L'introduction de la comédie n'était pas l'élément le plus facile à mettre en place. C'est pourtant bien de ce genre que relèvent les deux séquences parlées dans la maison de LaPadite comme dans la taverne de la bourgade de Nadine ou encore la séquence en italien dans le cinéma. Dans ce jeu de massacre, le langage est une arme et ne renvoie à aucune valeur. Le mensonge est permanent et Wilhelm, le jeune père, se fera tuer pour s'être laissé prendre à la fausse gentillesse de Bridget.
Deux des séquences les plus obsessionnelles du film, étirées jusqu'à l'invraisemblable, la fuite de Shosanna et sa rêverie avant la vengeance semblent bien aussi recycler les images de deux peintres réalistes les plus marquants de la culture américaine.
La fuite de Shosanna avec la maison en arrière plan rappelle le célèbre Christina's world (1948) de Andrew Wyeth. La rêverie de Shosanna est un mixte de Cinéma à New York (Edward Hopper, 1939) pour la pose et de Nighthawks (Edward Hopper, 1942) pour la coiffure et la robe.
Pour une mise en scène qui revendique sa totale liberté
Face à ces circonvolutions autour du cinéma de genre et de la peinture, la trajectoire de la vengeance est rectiligne. Shosanna ne dévie pas d'un pouce de l'objectif fixé, depuis l'intimidation d'un collabo pour faire développer son film jusqu'à l'inoubliable projection de son visage en gros plan, exultant d'un rire sardonique, sur l'écran de fumée de l'incendie. Shosanna, personnage sacrifié, est une déclinaison de Danièle Darrieux dont elle pastiche la toilette comme le lui fait remarquer Marcel.
Cette exubérance culturelle autour d'un axe dramatique patiemment construit s'oppose à la projection de La fierté de la nation empli des seules exécutions, filmées sous tous les angles de soldats américains sous les balles de Frederick. Le jeune homme en est malade alors qu'Hitler prouve finalement par là qu'il n'est qu'un dangereux maniaque.
Avec Tarantino le cinéma peut tout : écrire l'histoire comme la réécrire ; être un instrument d'amour (la cinéphilie de Shosanna, Frederick et Hicox) comme de vengeance (la pellicule est à l'origine de l'incendie mortel) ; résonner de multiples références (en plus des genres pastichés et de Danièle Darrieux seront cités Linder, Chaplin, Pabst et Clouzot), comme de blancs narratifs inexplicables (pourquoi Landa laisse-t-il fuir Shosanna ? Que fait le major Dieter Hellstrom dans la taverne de Nadine ?) ; se parer de costumes réalistes (reconstitution impeccable) et incruster des éléments graphiques burlesques (pour présenter Stiglitz ou les dignitaires nazis présents dans la salle de cinéma).
Tarantino valide la sauvagerie à faire preuve envers les nazis allemands jusqu'à les marquer d’une croix gammée sur le front. Face aux crimes des allemands, il rappelle ceux des américains qui donnèrent refuge aux nazis après la guerre s'ils pouvaient servir leurs intérêts industrialo-militaires. Mais c'est un cinéma qui ne cherche ni à résoudre ni à réconcilier, ni à donner des leçons, ni à répartir bons et mauvais points entre camp du bien et camp du mal. Un cinéma où tout est toujours possible, surtout de désobéir.
Jean-Luc Lacuve le 26/08/2009 (merci à Christophe
Cormier pour les références à la peinture)