Dans le Paris des années 30, Hugo est un orphelin de douze ans qui vit dans une gare. Son passé est un mystère et son destin une énigme. De son père, il ne lui reste qu'un étrange automate dont il cherche la clé en forme de cur qui pourrait le faire fonctionner. En rencontrant Isabelle, il a peut-être trouvé la clé, mais ce n'est que le début de l'aventure...
L'échec d'Hugo Cabret est total. L'évocation des pères et mères disparus, la reconstitution de l'automate, l'amitié amoureuse des enfants, le Paris des années 30, l'hommage à Harold Lloyd, aux Lumière et à Méliès sont bien présents dans le scénario mais rendus de la façon la plus illustrative, sans risque et sans âme dans le film.
Ni amour ni transmission.
Probablement est-ce le cur du film, l'amitié amoureuse entre Hugo et Isabelle qui est le plus délaissé par Scorsese. Certes, Isabelle prend comme une aventure l'histoire malheureuse d'Hugo mais aucun signe ne vient renforcer ce qui aurai pu constituer la base de leur rapprochement, le fait d'avoir, l'un et l'autre, perdu leurs parents. Les aventures de Jules Vernes que lit Hugo en souvenir de son père ne font l'objet d'aucun flash-back et le rapport entre Robin des bois, le livre reçu, et Robin des bois, le film, n'est pas travaillé. Enfin, les quatre fois où Isabelle se saisit de la main de Hugo comme un signe d'intérêt ou la vision d'Isabelle dansant avec ses copines comme signe d'amour éprouvé par Hugo sont des moments particulièrement niais, à l'image des historiettes amoureuses entre le chef de gare et la fleuriste ou entre le gros homme et la dame au chien.
De son père, Hugo espère le message qu'il vaut la peine de réparer les machines et il semble se satisfaire de retrouver l'automate abandonné par Méliès pour construire sa caméra. L'horlogerie est pourtant bien plus valorisée que le cinéma. Ce sont bien davantage les crochetages de serrures (celle du cinéma, celle de la cage du chef de gare) qui sont mises en avant que les séances de cinéma. L'émerveillement du studio de Méliès est d'ailleurs raconté non par Hugo mais par celui qui a pu le voir au tournant du siècle, l'historien du cinéma René Tabard, alors enfant. Il semble donc que nulle transmission ne passe entre Méliès, père de substitution, et Hugo si ce n'est celle, inversée, où c'est l'enfant qui a permis à l'adulte d'être reconnu.
Un hommage de carton-pâte.
Scorsese semble s'être contenté de ce scénario poussif, sans âme ni émotion pour plaquer son hommage à Méliès et expérimenter la 3D. Scorsese se représente en photographe captant la vérité du studio de Méliès. C'est hélas moins le photographe qu'il faut voir que le réalisateur grimé et affublé d'un chapeau haut de forme. Scorsese ne retient que la belle image de Méliès et s'arrange avec les limites de son cinéma.
Dans le personnage de René Tabard, Scorsese évoque un mixte de Jean Mauclaire, J.G. Auriol et Paul Gilson. Ceux-ci contribuèrent à la redécouverte de Méliès et organisèrent le gala en son honneur, Salle Pleyel, à Paris, le 16 décembre 1929. Ce n'est toutefois pas quatre-vingt films qui furent alors retrouvés mais huit seulement et le programme dû être complété par la projection de Forfaiture de Cecil B. De Mille.
Méliès ne tomba pas dans l'oubli du fait de la première guerre mondiale comme il est dit et ce parce que la fantaisie serait passée de mode mais parce que Méliès était, d'une part, resté un artisan distancé par les trucages et les grosses productions de ses concurrents et, d'autre part, parce qu'il restait trop proche d'une esthétique de théâtre face aux innovations européennes. C'est toutefois ce que suggèrent ici les exemples du Cabinet du docteur Caligari, La fille de l'eau et La boite de Pandore ou américains, L'attaque du grand rapide, Intolérance, Robin des bois. Il eut été toutefois plus honnête de rappeler que c'est dès 1913 que Méliès fait faillite.
L'idée de la 3D était a priori excellente puisque renforçant l'effet d'irréalité du cinéma et son aspect spectaculaire chers à Méliès. Il eut été cependant à notre avis plus efficace de la garder pour les seuls épisodes dans le studio de Méliès. Le film échoue lui à être un rêve continue de deux heures et n'intéressera petits et grands que par son académisme imposant ou ses effets de 3D bêtes comme choux : têtes de chef de gare ou de Méliès qui sortent de l'écran, neige ou feux d'artifice qui tombent sur le spectateur, caméra virtuose qui virevolte entre les passants qui (ouf !, ouahou !) l'évitent juste à temps.
Jean-Luc Lacuve le 28/12/2011