(Sonar Kella). Avec : Soumitra Chatterjee (Prodosh Mitra dit Feluda), Siddhartha Chatterjee (Tapesh-Topshe), Santosh Dutta (Lalmohan Ganguly dit Jatayu), Kushal Chakraborty (Mukul Dhar), Shailen Mukherjee (Dr. Hemanga Hajra). 2h16.
Mukul, un jeune garçon silencieux vivant à Calcutta, est hanté par les souvenirs de sa vie antérieure. L’enfant attire l’attention des médias ainsi que celle du docteur Hajra, un parapsychologue intéressé par le phénomène. En découvrant quelques dessins de Mukul qui représentent des scènes du passé, le Dr Hajra pense que la forteresse dorée, entouré de paons, de chameaux et de pierres précieuses, pourrait se trouver au Rajasthan. Le Dr Hajra décide d'emmener Mukul en voyage au Rajasthan dans l'espoir que cela pourrait être le guérir.
L'enfant attire aussi l’attention de deux margoulins, intéressés moins par la forteressque par les bijoux qu’il y aurait dedans. Ces deux là font une tentative avortée d’enlever l’enfant et c’est ce qui intéresse au cas Mukul le détective Feluda épaulé par son jeune cousin Topshe. Tout ce petit monde va se lancer à la poursuite du professeur Hajra et de l’enfant au Rajasthan.
Satyajit Ray, artiste aux talents multiples, est l'auteur des romans policiers à succès de la série "Feluda", du nom du détective qui résout les énigmes. Le premier roman d'une série de 35 est sorti en 1965. La forteresse d’or, le cinquième sort en 1970 est ainsi porté à l’écran quatre ans plus tard. C’est surtout un jalon dans la saga car celui où est introduit le savoureux personnage de Jatayu.
Ray est un grand admirateur de Conan Doyle et de Sherlock Holmes et c’est véritablement ce qui a en premier lieu inspiré le personnage. Feluda a une connaissance encyclopédique d’à peu près tout ainsi que des capacités déductives hors du commun. Il est de surcroît secondé par un partenaire qui s’émerveille de son talent et qui nous narre ses histoires : non pas Watson mais son cousin – un adolescent de 14 ans – Topshe. Toutefois à l'écran, le film se distingue du livre dans la mesure où l’histoire est présentée telle qu’elle et ne nous est pas contée par Watson / Topshe. De plus on sait dès le départ qui sont les méchants et on suit les efforts de Feluda pour en arriver au même point. Dans une interview accordée au magazine Cineaste, Ray a décrit Chiriyakhana (1971) comme son film le plus insatisfaisant : "Chiriyakhana est un polar, et les polars ne font tout simplement pas de bons films. Je préfère la forme thriller où l'on connaît plus ou moins le méchant depuis le début. Le polar a toujours cette scène finale rituelle où le détective raconte comment tout s'est passé et comment il a trouvé les indices qui l'ont conduit au criminel. C’est une forme qui ne m’intéresse pas beaucoup". Le film n’est ainsi pas un whodunnit ou, si l'on veut, plus Alfred Hitchcock qu' Agatha Christie.
Soumitra Chatterjee, l'ater ego de Ray (14 collaborations sur 30 longs-métrages de fiction), interprète Feluda. Celui-ci progresse par déduction (la marque de la montre de Jatayu dans le wagon qui montre qu’il a été au soleil , la couleur des bols -jaune doré- qui oriente la troupe vers l’endroit où est situé la forteresse). Il affronte sur le mode humouristique Jatayu, de son vrai nom Lalmohan Ganguly, un auteur de romans policiers un peu fat mais sympathique et très drôle. Il écrit des romans superficiels, assez racoleurs aux titres bourrés d’allitérations stupides (des choses comme Barouf à Bali ou Délire à Delhi), qui expose un exotisme de pacotille qui impressionne des gens comme Topshe mais fait ricaner Feluda qui sait trop bien qu’il n’y connaît rien du tout. Mais cette fatuité qui pourait irriter est complètement désarmée par une naïveté confondante doublée d’un enthousiasme à toute épreuve surtout lorsque ce pseudo-écrivain trouve l’occasion d’être plongé dans un vrai roman policier et d’écrire pour une fois en connaissance de cause. C’est une sorte de mélange entre le capitaine Haddock pour les expressions savoureuses (en bengali, elles échappent assez largement au sous-titrage) et les Dupond et Dupont (pour les gaffes qu’il commet pendant l’enquête). Et l’analogie avec Hergé et tout sauf gratuite : Ray est un fin connaisseur ainsi qu’un amateur de son œuvre, Topshe lit d’ailleurs Au pays de l’or noir dans une scène du film. Au total le film ressemble finalement plus à une aventure de Tintin qu’à une de Sherlock Holmes et donc davantage un film d'aventures qu'un film de détective.
Certains plans sont fascinants comme par exemple la scène de l’hypnose, celle où Jatayu fait ses étirements au crépuscule où la spectaculaire scène où les cavaliers sur chameaux vont arrêter le train tourné avec une seule caméra (« Kurosawa en aurait utilisé neuf » disait Ray sur le ton de la plaisanterie). Lla couleur jaune, importante car c’est la couleur de la forteresse, est autant que possible évitée dans les vêtements, les peintures sur les murs jusqu’à l’arrivée à Jaisalmer (où se trouve la citadelle) où elle apparaît en majesté.
Source : Ecran noir London