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S21, la machine de guerre kmère rouge

2003

Avec : Prakk Kahn (le tortionnaire), Vann Nath, Chum Mey (Survivants), Mak Thim (Le médecin du camp). 1h43.

Au Cambodge, sous domination khmère rouge, S21 était le principal centre de détention de Phnom Penh. 17 000 prisonniers y furent torturés puis exécutés entre 1975 et 1979. Trois d'entre eux seulement sont encore en vie. Rithy Panh tente de comprendre comment une telle politique d'élimination systématique a pu être mise en place

Depuis maintenant quatorze ans, Rithy Panh plonge inlassablement dans l'histoire récente du Cambodge, sa patrie d'origine. La sincérité du propos de son dernier film se reflète dans la distance adoptée par le réalisateur pour aborder un sujet à la fois intiment et effroyablement ressenti mais hélas universellement connu dans ses grandes lignes sans émouvoir vraiment.

En préparant son film pendant trois ans, Rithy Panh a du avoir conscience que les films sur le génocide font maintenant parti d'un genre du cinéma. Il n'est plus possible de les aborder comme si, dans des domaines certes divers, Shoah de Claude Lanzman, La série Holocauste ou La liste de Schindler n'avaient pas déjà largement sensibilisé l'opinion sur la concomitance en l'homme de la culture la plus haute et de l'inconscience la plus totale. Sans colère, sans naïveté mais avec une froide lucidité sur la fragilité de la mémoire (à laquelle le film est dédié) Rithy Panh nous entraîne des les premières images dans un dispositif complexe de réappropriation du drame cambodgien.

Le film s'ouvre sur le Phnom Penh d'aujourd'hui avec, off, le bruit des canons. Des sous-titres informatifs sur l'histoire récente du Cambodge se poursuivent sur des images d'archives plutôt souriantes montrant le bonheur de faire la guerre tel que la propagande a pu essayer de la faire croire. Le contraste entre chants révolutionnaires et les intertitres comptabilisant le nombre de morts s'achève sur l'image en gros plans d'un homme plantant du riz. Cet homme que l'on retrouve chez lui, avec sa femme et sa mère, prend dans ses bras un nouveau-né et l'on comprend qu'il s'agit d'un tortionnaire du camp S21. Sa famille l'incite à oublier le passé aux prix d'une petite cérémonie religieuse. L'homme voudrait dorénavant être toujours bon comme il l'a toujours été, affirme-t-il, avant d'être contraint à exécuter les prisonniers du camp. Lorsque l'on tente de lui rappeler ce qu'il a pu faire subir aux victimes, l'homme se plaint du mal de tête.

Le plan suivant montre un tableau de prisonniers enchaînés dans un style oscillant entre le naïf et le réalisme soviétique. Son auteur, Vann Nath, termine le tableau tout en expliquant comment il a été fait prisonnier. Ce personnage qu'il termine de peindre en blanc, c'est lui, yeux bandés, enchaîné par le cou aux autres prisonniers, conduit par un tortionnaire dans le camp S21.

Ce n'est qu'ensuite, devant l'école de Tuol Sleng, reconvertie en prison, en un " bureau de sécurité " en plein cœur de la capitale l'on assiste aux retrouvailles de deux des trois seuls survivants des victimes de ce camp. Vann Nath réconforte son compagnon d'infortune qui ne peut retenir ses larmes au souvenir des souffrances endurées. S'ouvre alors la partie centrale du film qui va faire se confronter les deux anciennes victimes et les anciens matons que Rithy Pahn a convaincu (comment ?) de revenir sur les lieux de leurs exactions passées. Nath tente de faire expliquer aux matons les raisons de leur soumission criminelle. Ceux-ci, recrutés à 14-15 ans ne s'estiment pas responsables. Reste alors à fouiller les archives des aveux extorqués à refaire jouer aux gardiens les gestes d'antan à tenter de figurer par les tableaux, l'horreur d'avant.

Comme les lieux qui on été transformés en 1980 en Musée du génocide (l'installation de photos fait évidemment penser à Christian Boltanski qui a travaillé le souvenir à partir des mêmes matériaux pauvres) Rithy Pahn semble s'être concentré sur la création d'un objet filmique unique sobre et digne avec chacun plutôt que d'essayer d'expliquer l'inexplicable. Restent toutefois quelques phrases proprement effrayantes.

" Imaginez que chacune des personnes dénoncées donnent à leur tour 50 ou 60 noms de soi disant ennemis du parti. En deux ou trois ans, c'est tout le pays qu'il faudrait enfermer. ".

" Douleurs à la poitrine, épuisement ; douleurs au ventre, épuisement ; dysenterie ; torture, épuisement ".

" Détruire, ça signifie que rien ne doit rester. Même pour un animal, on dit tuer. "

" Mieux vaut arrêter par erreur que de laisser l'ennemi nous ronger de l'intérieur. "

critique du DVD
Editeur : Les éditions Montparnasse, mai 2008. Le Cinéma de Rithy Panh de 1989 à 2002
critique du DVD

DVD1 : Site 2 et La terre des âmes errantes. DVD2 : Bophana, une tragédie cambodgienne et S 21, la machine de mort khmère rouge. 5h32. 35€

Supplément : Un livre de 52 pages La parole filmée. Pour vaincre la terreur par Rithy Panh Autour de Rithy Panh par James Burnet.

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