Macário raconte à une inconnue qui voyage à ses côtés dans le train pour l'Algarve les tribulations de sa vie amoureuse. Tout juste embauché comme comptable dans l'entreprise de son oncle Francisco à Lisbonne, il tombe éperdument amoureux d'une jeune fille blonde, qui vit dans la maison de l'autre côté de la rue. Il fait sa connaissance et décide sur le champ de l'épouser.
De façon inattendue, l'oncle Francisco s'y oppose catégoriquement et le chasse de chez lui. Macario réussit à faire fortune au Cap-Vert et finit par obtenir l'accord de son oncle pour le mariage.
C'est alors qu'il découvre une singularité du
caractère de sa fiancée : elle est pickpocket.
Un début qui prend le temps d'un long générique pendant lequel le contrôleur vérifie les billets de tous les passagers du wagon, une série de trois flashes-back puis une autre de quatre et une fin abrupte. Oliveira joue au maître des lieux, décidant souverainement du temps des séquences et du temps du film.
La discrète transposition du Lisbonne de 1874 vers celui de 2009 (train moderne, rues impeccables, Luis Miguel Cintra en personne) accentue l'impresssion d'une narration vu d'un point de vue hors du temps. Les plans de Lisbonne de jour et de nuit, filmés dans un cadre identique à la manière du Paris dans Belle toujours disent aussi la position surplombante qu'adopte Oliveira : celle de Dieu observant sa création.
Le Dieu Oliveira crée un Adam comptable...
Oliveira s'avère fort différent de son personnage principal qui se précipite dans une histoire amoureuse dès qu'il a vu la jeune fille blonde d'en face dans le cadre de sa fenêtre, qui se précipite plein d'allant dans le mariage et tout aussi plein d'allant dans les affaires et une escroquerie qui suivra. Si l'amour transfigure Macario, Oliveira prend bien soin de le montrer toujours du côté du commerce, de son oncle qui tient la boutique et les cordons de la bourse, du coté des affaires possibles, au Cap-vert ou ailleurs.
Macário n'occupe durant l'espace du film que la maison de son oncle et une triste chambre d'hôtel. Il ne peut rien connaître du monde de Luisa et de sa mère, celui de la culture et de la poésie. Ce monde atteint parfois à l'universel minéral qu'Oliveira figure dans ses vues de Lisbonne. Sans soute est-ce le sens du poème lu par Luis Miguel Cintra : l'histoire de l'homme, tellement en accord avec la nature qu'il se trouve au-dessus des passions humaines, fussent-elles les plus nobles comme la compassion envers la souffrance humaine. Qu'Oliveira abandonne Luis Miguel Cintra dans la profondeur de champ pour suivre Luisa entraînant Macário à la table de jeu, dit sans doute que la culture de la famille Vilaça n'est pas dépourvue du goût de l'argent.
Le poème, Le Gardeur de troupeaux, est présenté par Luis Miguel Cintra comme étant d'Alberto Caeiro, hétéronyme de Pessoa. En littérature, un hétéronyme est un pseudonyme utilisé par un écrivain pour incarner un auteur fictif, possédant une vie propre imaginaire et un style littéraire particulier. Ici c'est aussi Luis Miguel Cintra qui en hétéronyme de Oliveira désigne l'aveuglement de Macario..
Macário, aveuglé par son amour, ne verra pas même qu'on lui vole son argent. Naïvement sans doute croit-il qu'il lui suffira de gagner assez d'argent pour subvenir au naturel goût du luxe qu'il a perçu chez sa fiancée dans son goût pour le luxueux éventail ou les raffinée écharpes de soie.
...et une bague en guise de pomme révélatrice
Ce n'est que dans la bijouterie que se révélera la profondeur du désir de luxe de Luisa. Les deux amants en seront profondément blessés : Luisa s'effondrant jambes écartées, tête basse dans son salon ; Macario devenu silencieux dans un train qui oblique soudainement vers la droite pour laisser assez longuement un paisible lac dans la profondeur de champ ainsi dégagée.
Cette fin, aussi abrupte que le début fut lent marque l'ironie d'Oliveira : Il faut peu de temps pour être chassé du paradis terrestre des amours enfantines (la naïveté de Macario et le gentil pied levé de Luisa au moment du baiser). Du moins quand Dieu et Oliveira ne font qu'un.
Jean- Luc Lacuve le 07/09/2009
Bibliographie : Le prix de l'amour, article de Charles Tesson dans Les Cahiers du cinéma du n°648, septembre 2009.