Dans une salle de concert, Husson reconnaît soudain le visage de d'une femme qu'il connaît à quelques fauteuils de distance. Celle-ci le fuit et Husson ne peut que l'apercevoir s'engouffrant dans une voiture. Marchant dans la nuit, il a quelques temps plus tard, la chance de l'apercevoir quittant le bar du Vendôme.
Le barman lui communique l'adresse de la dame, l'hôtel Regina des Tuileries. A peine y pénètre-t-il le lendemain matin que la belle s'est enfuie. Il retourne au bar et confie son histoire au barman : il y a près de quarante ans, il connaissait cette femme, Séverine Serizy, qui, masochiste, devait tromper son mari pour l'aimer vraiment.
Ce n'est que bien plus tard que Husson rencontre par hasard Séverine devant une boutique d'antiquaire. Elle veut fuir à nouveau mais il la retient quelque temps.
Dans un salon privé, Husson attend Séverine qui a promis de venir. Elle arrive en retard alors que les bougies sont presque éteintes et déclare vouloir se retirer dans un couvent, morfondue par ses turpitudes passées qu'elle n'a pas le pouvoir de changer. Elle n'est venue que pour que Husson lui révèle si, oui ou non, celui-ci avait révélé ses infidélités à son mari. Elle saurait ainsi le sens de la larme qui coula des yeux de son mari infirme lorsqu'il mourut. Husson lui dit qu'il répondra par oui ou par non à sa question mais qu'elle ne pourra jamais savoir s'il a menti ou non.
Excédée par cette posture cynique, Séverine s'enfuit laissant Husson seul avec les serveurs et un coq de passage. Husson n'a plus qu'à rire de cette situation pendant que les serveurs débarrassent en trouvant que, décidément, "c'est un drôle de type".
Belle toujours est une sorte de prolongement du Belle de jour de Bunuel quelques 40 ans après.
Oliveira propose une explication à la perversité de Séverine bien plus romanesque que celle de Bunuel. Celui-ci l'attribuait classiquement à un traumatisme dû à des attouchements subis pendant l'enfance. Séverine comme elle l'affirmait elle-même à Husson était, d'une part amoureuse de son mari et, d'autre part, masochiste. Cela n'avait "rien à voir" disait-elle. Ici Oliveira en fait une infidèle par masochisme amoureux : masochiste, son amour pour son mari, la conduisit à le tromper en secret pour jouir de cet amour.
Pour développer la recherche par Husson, toujours curieux du mystère féminin, du devenir de Séverine, Oliveira déploie la grande forme romanesque : concert de musique classique, plan aérien de Paris de jour puis de nuit. La rencontre aura lieu lorsque, comme leurs vies, les bougies seront presque consumées et la vérité à la merci d'un mensonge de Husson restera, comme à la fin de leur repas, dans le noir.
L'impression mystérieuse et symbolique est renforcée par le choix de lieux. Ceux-ci, intemporels, sont des lieux de passage : salle de concert, bar, hôtel, salon privatif. Le symbolisme des pictogrammes de la signalisation piétonnière aux feux tricolores ou les mannequins dans la vitrine renforcent aussi l'impression d'être hors du temps.
La question de Séverine et la quête de Husson resteront donc sans réponse ou décevante. L'un et l'autre ont changé : l'une cherchant le repos dans la religion, l'autre noyant sa vieillesse dans l'alcool.
Ce désarroi, Husson en avait eu le pressentiment lorsque, après la fuite de Séverine de son hôtel, observant la statue de Jeanne d'Arc, symbole ici de l'inaltérable secret féminin, il n'avait vu que l'il du cheval le regardant. Le plan suivant sur le haut de la tour Eiffel avec son laser symbolisait alors peut-être pour le spectateur cette même façon non pas de voir et de dominer comme les plans larges de Paris précédant mais le fait d'être vu par Paris. Nous croyons pouvoir connaître mais c'est le mystère, l'incongru, le coq qui nous regarde.
Jean-Luc Lacuve, le 14/04/2007
Editeur : Les films du paradoxe. Février 2008. 1h08. |
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Supplément : Livret d'entretien. |