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Le samouraï

1967

Voir : Photogrammes

Avec : Alain Delon (Jeff Costello), Nathalie Delon (Jeanne Lagrange), François Périer (Le commissaire), Cathy Rosier (Valérie), Jacques Leroy (Le tueur), Jean-Pierre Posier (Olivier Rey), Michel Boisrond (Wiener). 1h44.

Jef Costello, tueur professionnel, est chargé de liquider un patron de boîte de nuit, le "Mathey's". Il prépare soigneusement son coup : sa maîtresse, Jane, sait qu'il est resté avec elle de 7 heures du soir à 2 heures moins le quart ; il a prévenu qu'il serait au cercle de jeu à 2 heures juste. Personne ne le voit entrer au "Mathey's" : seule, la pianiste, Valérie, le croise alors qu'il s'en va et comprend.

Lorsqu'il est arrêté pour vérification d'identité et confronté à de nombreux témoins, personne ne le trahit, mais le commissaire est sûr qu'il est bien l'homme recherché. Alors que Jef va toucher son argent, sur la passerelle du chemin de fer d'Ivry, il est blessé par l'homme censé le payer. Jef comprend que sa longue garde à vue à inquiété son commanditaire qui a décidé de le liquider. Il décide alors de le retrouver et interroge Valérie dont le faux témoignage indique certainement ses accointances avec celui-ci. Pendant ce temps, le commissaire tente en vain de faire fléchir Jane sur l'alibi qu'elle fournit à Jef.

Jef est attendu chez lui par le tueur de la passerelle qui, cette fois, est venu pour repartir sur des "bases saines" : il lui règle le solde des deux millions pour le premier contrat et lui en propose un autre. Mais Jef le tabasse et lui arrache l'identité de son employeur : Olivier Rey. Jef réussit à abattre ce dernier, puis retourne au "Mathey's" : il a été payé pour tuer Valérie, la pianiste, qui en sait trop. La police l'y attend. Quand il sort son arme, il est abattu. Le commissaire ramasse son arme et constate qu'elle était vide...

Film totémique, Le samouraï condense à lui seul toutes les caractéristiques de ce style melvillien dont se réclament ou s'inspirent aujourd'hui plusieurs cinéastes internationaux comme Quentin Tarantino, Joel Coen, Michael Mann ou encore John Woo et Johnnie To, qui en reprennent les motifs tout en recourant à des principes de mise en scène radicalement opposés. John Woo se souviendra ainsi dans A toute épreuve de l'oiseau craintif comme révélateur d'une visite de l'appartement en l'absence de Jeff par les plumes qu'il laisse tomber en se cognant aux parois de sa cage.

Le style de Melville atteint ici à un sens de l'épure qui peut faire songer aux estampes japonaises : une sécheresse de trait, une forme d'acuité pour l'essentiel uniquement, et un sens de la dramaturgie qui ne s'embarrasse d'aucune forme de superflu. Les scènes d'action sont par exemple le plus souvent vidées de tout contenu spectaculaire : seule "l'exécution" l'intéresse, c'est à dire la façon dont les professionnels s'y prennent, la précision des gestes, la droiture des âmes et la solitude qui accompagne l'excellence acquise dans tel ou tel domaine. C'est pourquoi chez Melville, toute action s'accompagne d'une certaine ritualisation, d'une solennité qui confine à l'ascèse.

L'ouverture du Samouraï est à ce titre exemplaire de cet art du geste. Chaque plan sert d'écrin aux seuls gestes et déplacements du personnage saisi dans une visée strictement comportementaliste (...) Lors des quinze premières minutes du film, Melville ne montre rien qu'un personnage qui entre et qui sort du champ, qui traverse le cadre selon toutes les possibilités qui lui sont offertes, et qui s'emploie simplement à faire ce qu'il a à faire. On ne sait rien de Costello et l'on n'en saura pas beaucoup plus par la suite. Dès l'ouverture, le mouvement accède ainsi à une quasi autonomie et possède en lui-même sa propre fin. De même le geste prévaut sur ce qui le motive ; le geste est le motif et l'emporte désormais sur la geste du polar dans son ensemble.(...)

Delon est inoubliable dans ce rôle, mais son personnage en fin de compte est un pauvre type, qui vit dans un taudis, fait un boulot ignoble, et n'a d'autre issue que de se suicider sous les balles de la police.

Auteur : Youri Deschamp, L'oeuvre au noir dans Jean-Pierre Melville, de solitude et de nuit, Eclipses-revue de cinéma n°44, février 2009.

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