Les Bonzini tiennent le restaurant, La Pataterie, dans une zone commerciale. Leur fils ainé, Not, est le plus vieux punk à chien d'Europe. Son frère, Jean-Pierre, est vendeur dans un magasin de literie. Quand Jean-Pierre est licencié, les deux frères se retrouvent. Le Grand Soir, c'est l'histoire d'une famille qui décide de faire la révolution... à sa manière.
Le grand soir ce sera brûler une botte de foin, écrire "We are NOT DEAD" avec des lettres d'enseignes de grands magasins et casser tous les verres de la pataterie. C'est dire si la vision politique du film se limite à de la pulsion animale matinée de blagues à quatre sous. Tout pareillement les meilleurs gags relèvent-ils de la méchanceté gratuite : insulter et cracher aux visages des clients d'un restaurant qui se croient isolés du monde derrière leur vitre sans tain ou agresser les clients de supermarché, consommateurs tristes et pauvres ou les surveillants de cameras vidéos. Ce film qui prétend en appeler au grand soir de la révolution est lui-même parfaitement anodin aussi bien sur le fond que sur la forme, succession de gags plus ou moins drôles comme en débite la télévision aux heures de grande écoute. Même relent télévisuel nauséeux avec l'emploi de guest stars (Gérard Depardieu ou Yolande Moreau) qui viennent faire leur petit tour pour pas grand chose.
Faire passer le punk à chien pour un modèle meilleur que celui que la société propose, c'est retrouver le vieux mythe réac du clochard par choix. On aurait préféré plus de gags franchement désespérés, moins convenus ou plus surréalistes tel le combat de Jean-Pierre avec l'arbre.
Parce qu'il ne prend jamais le moindre risque, enfilant les clichés de la pauvreté fière, dure et assumée, le film n'est jamais émouvant. Pourtant la psychologie des personnages est plutôt soignée. NOT et DEAD ne sont pas armés pour la crise. Ils ne trouvent un monde meilleur que dans le rêve, les délires récurrents des Wampas, et se retrouvent au réveil avec la gueule de bois dans une poubelle ou au centre d'un rond point. Le retour de la fraternité donne lieu aussi à des scènes plaisantes (marcher en s'économisant, aller tout droit). Le jeu de mot final relève aussi de la psychologie mais il est construit en laissant voir toutes les grandes enseignes de grands magasins comme s'il n'était finalement, lui aussi, que de la publicité. Une telle inconscience politique quant à la forme employée pour faire passer un message finit par déconsidérer toute l'entreprise et se demander en quoi elle est bien sincère.
Jean-Luc Lacuve le 15/07/2012