1993. Jacques a trente-cinq ans et vit une relation amoureuse épisodique avec le jeune Jean-Marie qui se refuse souvent à lui. Jacques rejoint alors son immeuble où il a pour voisin du dessus, Mathieu, son ancien amant et désormais ami, qui est venu travailler chez lui pour garder Louis, le fils de Jacques, âgé de huit ans. Jacques, écrivain, se plaint de son manque d’argent mais Mathieu ne peut plus faire grand-chose pour lui après l’avoir pistonné pour un poste de journaliste dont Jacques a démissionné sans préavis. Jacques reçoit un appel de Marco, un ancien amant qui vivait avec un autre homme avant que le Sida ne le contraigne à de fréquents séjours à l’hôpital. Marco demande à Jacques de l’héberger à sa sortie de l’hôpital pour qu'il puisse mourir en paix. Mathieu et Jacques conviennent que cela ne serait pas raisonnable
Arthur a vingt-deux ans et il est étudiant à Rennes où il vit en colocation avec Pierre. Sa petite amie, Nadine, aimerait qu’il soit plus entreprenant mais Arthur trouve toujours un moyen de lui échapper. Arthur fréquente les rues réservées aux homosexuels le soir pour y faire des rencontres.
Jacques vient à Rennes pour un débat organisé suite à la représentation d'une de ses pièces au Théâtre National de Bretagne. Il est de mauvaise humeur car la chambre qu’on lui a réservée est minable. Ainsi, plutôt que de rejoindre la troupe de comédiens, il entre dans la salle de cinéma qui projette La leçon de piano. Dans la salle quasi déserte, il remarque Arthur et entame une séquence séduction dont l’humour repose sur leur différence d’âge. Elle entraine vouvoiement pour Jacques, plein d'ironie, et tutoiement pour Arthur, qui ne fait pas de manière. Jacques donne rendez-vous à Arthur à la sortie du théâtre vers 23 heures.
A 23 heures, Jacques se sépare rapidement de la troupe et attend Arthur. Les minutes passent et il est bientôt rejoint par une actrice qui le raccompagne jusqu'à son hôtel. Arthur surgit alors et suit le couple où l’actrice ne ménage pas Jacques ; atteint du sida, compliqué et souvent égoïste. Cela ne décourage aucunement Arthur qui convainc Jacques de le suivre chez lui. Mais son colocataire a organisé une fête qui les empêche de monter dans la chambre d’Arthur. Celui-ci propose à Jacques de les conduire au Mont saint Michel puis, plus prosaïquement, ils s'embrassent dans la rue. Jacques refuse qu'Arthur monte dans sa chambre puis se ravise. Les deux hommes promettent de se revoir.
A Paris, Jacques héberge Marco qui peine à se déplacer. Tous deux, dans la baignoire, évoquent leurs disputes d’autrefois dont les plaies ne se sont pas refermées en dépit de leur tendresse mutuelle.
A Rennes, Arthur pend en stop Stéphane, qui devient son amant. Jaques lui téléphone et lui fait un cours sur les types d’amants possibles qui le passionne. Du coup, Jacques prend la voiture de Mathieu pour Rennes mais en chemin, écoutant "Ceux qui doutent" d’Anne sylvestre, il renonce. Arthur, directeur enjoué et efficace d'une colonie de vacances reçoit la visite de Nadine avec laquelle il a rompu. Il lui déplait qu'elle ait révélé son homosexualité à ses parents craignant qu'ils n'en informent ses propres parents. Alors qu'il s'en va rétablir l’ordre parmi les moniteurs, Nadine lit une des cartes postales amoureuses envoyées par Jacques.
Jacques se fâche avec Marco qui prétend repartir chez son amant Thierry. Du coup il part à Amsterdam avec Jean-Marie pour un week-end de drague. Là, il apprend la mort de Marco qui, comme il se l'était promis, s’est suicidé pour finir dignement. Jacques s’effondre en larmes et Jean-Marie ne parvient pas à le consoler. De retour en paris il met Louis dans le train pour els vacances. Isabelle, la mère de Louis et son amie lui conseille de prendre des vacances. Mais Jacques est inquiet, il lui a semblé que sa santé se dégradait ce que confire els examens médicaux.
Lorsqu’Arthur vient le voir à Paris, c’est Mathieu qui l’accueille lui affirmant que Jacques est en voyage. C’est un mensonge. Jacques, qui doit subir deux transfusions par jour, ne s’estime pas le droit de la voir. Arthur, déçu, s’en va observer les gays draguer sur les quais l’ile saint Louis. C’est là que le rejoint Jacques qui lui fait part de sa détresse physique et de son amour pour lui. Le soir c'est la fête : Arthur, Jacques et Mathieu improvisent une danse. Arthur, qui a bu presque seul sa bouteille de chouchen, refuse les apitoiements sur leur enfance des homosexuels qui gémissent plus qu'ils ne jouissent de la vie.
Arthur est revenu à Paris pour dire adieu à ses amis. Il va monter à Paris. Il appelle Jacques depuis une cabine téléphonique pour lui annoncer la bonne nouvelle. Celui-ci entend son message sur le répondeur mais ne décrochera pas. Il a décidé de se suicider le lendemain. Il laisse à Mathieu le soin de publier son journal posthume où il fait part de sa rancœur pour le monde qui l’a abandonné. Il descend chez lui. La porte de l’ascenseur se ferme. Arthur, assis près de la cabine téléphonique, attend toujours ; le ciel étoilé au-dessus de sa tête.
Le film énervera ceux qui pensent qu'il y a autre chose à faire dans la vie que plaire, aimer et courir vite avant la mort ; ceux pour qui l’intime n’est pas l’essentiel de l’être. Cette intimité se révèle dans des séquences assez longues et très écrites. Elles sont parcourues de grands moments de lyrisme, humoristiques et sensuels, cinématographiques, picturaux et littéraires.
L'intimité du verbe
Le film se compose de longues séquences où les personnages prennent le temps d'exprimer leurs sentiments : les discussions entre Jacques et Mathieu, la montée ratée vers l’ouest, dans la baignoire avec Marco, sur le pont l’été entre Jacques et Arthur, la dernière fête chez Jacques, la fête d’adieu dans le parc de Rennes
Cette importance du discours s'incarne par exemple dans ces passages :
Je suis un garçon qui a beaucoup marché la nuit, un garçon qui n'est pas aimé par ses parents, ni son frère, ni sa sœur. Et puis je ne suis plus un garçon, je suis un homme qui se prend encore pour un garçon. Un homme donc qui a survécu à une pneumocystose et qui, quand il dit avoir peur des fibroscopies, sait de quoi il parle. Un homme qui a dans la tête l'idée qu'il reviendra après la guerre, qu'il aura droit à une autre vie après celle-ci où il ne sera le même, mais avec plus de charme et où il marchera, la nuit, avec plus d'assurance.
"Car la vraie seule cruauté de cette heure du crépuscule où nous nous tenons tous les deux n’est pas qu’un homme blesse l’autre, ou que le mutile, ou le torture, ou lui arrache les membres et la tête, ou même le fasse pleurer ; la seule vraie et terrible cruauté est celle de l’homme ou de l’animal qui rend l’ homme ou l’animal inachevé, qui l’interrompt comme des points de suspension au milieu d’une phrase, qui se détourne de lui après l’avoir regardé, qui fait, de l’animal ou de l’homme, une erreur du regard, une erreur du jugement, une erreur, comme une lettre qu’on a commencé et qu’on froisse brutalement juste après avoir écrit la date. (Koltès Dans la solitude des champs de coton. Paris: Les Editions de Minuit, 1986, page 31)
C'est parfois un repli mortifère. Jacques donne ainsi les armes pour se faire battre s'offusquant qu’Arthur aille voir les militants d'act-up dont il pense qu'ils vont casser le jeune homme. Il s’attire d’ailleurs, pour une unique fois, les foudres de Mathieu qui lui recommande de sortir de son isolement égoïste.
Accélérateurs de lyrisme
La séquence au Père Lachaise, où Arthur s'est emparé de l'appareil photo destiné à Louis exacerbe la tristesse vis à vis de ceux qui sont mort du Sida (Bernard-Marie Koltès, mort en 1989) mais aussi vis à vis des ainés partis trop vite (François Truffaut, mort en 1984). Hommages aussi est rendu à Andy Warhol (mort en 1987) et Fassbinder (mort en 1982) au travers de l'affiche réalisée pour Querelle (1982).
Cette présence fantomatique des grands ainés rejaillit de manière quasi fantastique avec la soudaine présence d'Arthur, immédiatement présent devant le téléphone de Jacques à Paris alors qu'il est physiquement présent à Rennes. Apparition cette fois mortifère de corps de Marco dans la baignoire alors que Jacques se souvient de son suicide et de celui qui l'attend pour lui-même.
Cette poignante tristesse est équilibrée par le lyrisme amoureux qui se déploit avec le texte écrit à l'écran de la carte postale de Jacques ou des moments enchanteurs : drôle avec la sortie du théâtre à Rennes ou le goût des plaisirs furtifs de drague, de nuit, par Arthur, ou sortie de boite pour Jacques. La confrontation d'Arthur avec le tableau de Picasso Le peintre Salvado en arlequin, va au-dela d'une possible ressemblance physique entre Arthur et le sujet. L’inachèvement feint de la toile met en perspective l'avenir d'Arthur, sa possibilité d'évoluer ; ce que confirme le dernier plan sous les étoiles.
Jean-Luc Lacuve, le 13 mai 2018.