C'est l'aventure intérieure d'un groupe formé par quelques jeunes gens qui tentent d'appliquer à leur propre vie, en cet été parisien de 1967, les méthodes théoriques et pratiques au nom desquelles Mao Tsé-Toung a rompu avec "l'embourgeoisement" des dirigeants de l'URSS et des principaux PC occidentaux.
Ces jeunes gens sont au nombre de cinq. Ils représentent comme autrefois les personnages des Bas-fonds de Gorki, cinq niveaux particuliers de la société. Ils habitent momentanément dans un appartement prêté à l'un d'eux par une copine dont les parents sont en voyage pour plusieurs mois. Ils vivent là de façon simple et sévère, partageant les ressources et les idées, un peu à la manière de "Robinsons" du marxisme léninisme.
La première partie du film consiste dans l'approche des personnages d'une part, en tant que groupe vivant et pensant ensemble.
La deuxième partie sera moins purement didactique et plus dramatique.
Lors d'un rapport hebdomadaire, Véronique propose l'assassinat d'une
haute personnalité politique du monde universitaire et culturel français.
Elle sera approuvée par tous, sauf par Henri qui défend la théorie
de la coexistence pacifique avec la bourgeoisie. Henri sera exclu pour révisionnisme.
De son côté Kirilov, hanté par la mort, se suicidera,
confondant Dieu et le marxisme léninisme (reprise du célèbre
syllogisme dostoïevskien) après avoir en vain demandé qu'on
lui laisse accomplir le meurtre proposé par véronique.
Henri exclu, Kirilov suicidé, Véronique commettra l'assassinat, premier d'une future série d'actes terroristes destinés dans son esprit à provoquer la peur et la fermeture provisoire des universités ; alors seulement les bases d'un nouvel enseignement pourront être posées.
Dans un train de banlieue, Véronique rencontre par hasard Francis Jeanson. Par la conversation qui roulent sur les thèmes : humanisme et terreur, on devine que Véronique hésite à passer à l'action. Elle accomplit son meurtre et même un deuxième par maladresse.
Les autres personnages semblent avoir accompli leur destin : Guillaume fait du théâtre porte à porte. Yvonne vend 'l'humanité nouvelle tandis qu'à quelques pas Henri vend sans la regarder l'humanité dimanche. Véronique seule dans l'appartement qu'elle doit quitter comprend que les vacances sont finies que c'est maintenant la rentrée des classes et que la lutte commence vraiment
C'est un film d'auto-éducation. Ils cherchent à s'éduquer eux-mêmes par rapport aux problèmes dont ils entendent parler. C'est comme dans masculin-Feminin, c'est une aventure de fiction avec des structures réelles "Marqué par Persona mais c'est Huit et demi qui est cité
répliques célèbres et droles :
plus contestable :
Le dialogue de Véronique et de Francis Jeanson
Véronique a croisé à Nanterre des Algériens et
des ouvriers. Son but : dynamiter la Sorbonne, le Louvre, la Comédie
française. Jeanson est pour l'action culturelle, pour que la culture
donne une prise sur le monde et ne soit pas coupée de l'action. Il
prévoit ce travail autour du théâtre de Chalons en Bourgogne
: "Mettre en mesure les femmes et les hommes d'aujourd'hui de recevoir
le monde tel qu'il est et pas seulement de recevoir mais d'agir sur lui"
- Formidable ces universités fermées.
- Oui mais il faudra les rouvrir.
- Mais pour l'instant les étudiants sont aux champs et je trouve ça
formidable (...)
C'est le fait d'avoir fait ce travail manuel, physique, avant qui m'a permis
de réussir le bachot, qui m'a aidé en tous cas à réviser
avec toi.
- A bon c'est ce qui t'a permis de mieux comprendre ce que je te disais quand
je te parlais de philosophie !
- C'est un très grand problème l'éducation. Tu trouves
pas qu'il faut tout reprendre à zéro ?
- Oui mais comment ?
- Et bien d'abord fermer les universités comme en Chine
- Ce qui me gêne c'est que la culture c'est toujours une affaire de
classe. Les ouvriers, ils viennent voir l'exposition Toutenkhamon parce que
c'est de l'or. Si c'était du papier, ils ne se dérangeraient
pas, ils s'en foutent.
- Fermer l'université avec des bombes. Pareil qu'en Algérie
- non répond Jeanson. Il y avait un peuple derrière Djamilla,
des hommes et des femmes qui étaient déjà entrés
dans la lutte
-C'était pour l'indépendance et moi aussi je veux mon indépendance
- Toi tu veux ton indépendance mais vous êtes combien à
la vouloir ? Je t'ai posé la question. Tu m'as dis deux ou trois.
-Mais justement il y en a beaucoup qui n'y pensent pas encore et nous on pense
pour eux
- Tu penses qu'on peut faire une révolution pour les autres ? Tu peux
participer à une révolution, tu ne peux pas l'inventer.
- Si je veux acquérir des connaissances, il faut que je passe par la
pratique
- La pratique révolutionnaire suppose une connaissance de la situation.
Quel contenu vous donnerez ensuite à votre action ?
- Le terrorisme c'est un début d'action
-A quoi ça sert de tuer des gens si tu ne sais pas ce que tu feras
après. Vous savez seulement que le système actuel vous est odieux
et que vous êtes terriblement impatient d'en finir avec lui.
- Après, j'étudierai la situation. Je n'arrêterais pas.
- La situation où l'étudieras-tu après ? Vous vous ferez
arrêter au bout de huit jour.
- Francis toi aussi tu as été poursuivi.
- Oui mais il y avait beaucoup de complices parmi la population française.
Parce que parmi ceux qui n'étaient pas tout à fait favorables
à l'Algérie indépendante, ils n'étaient pas prêts
à nous dénoncer. Vous n'aurez pas de complices qui iront jusqu'à
se rendre complices de meurtres en séries. Vos actes ne mèneront
à rien s'ils ne peuvent être pris en charge par une communauté,
une classe par un grand nombre d'hommes et de femmes qui s'y associeront.
Tu imagines qu'on peut comparer la Russie tsariste à la situation française
actuelle ? Oui je pense que c'est une erreur, oui je pense que tu t'engages
dans une voie sans issue.
Henri et la métaphore des enfants égyptiens. Les Egyptiens pensaient que leur langue était celle des dieux. Pour le vérifier, ils enferment des enfants nouveau-nés dans une maison. Ils reviennent quinze ans plus tard et là ils s'aperçoivent que les enfants bêlent comme des moutons. Ils ne s'étaient pas aperçus qu'à côté de la maison, il y avait un troupeau de moutons. Et bien nous, le marxisme léninisme, c'est un peu comme les moutons.