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The social network

2010

Voir : photogrammes

Avec : Jesse Eisenberg (Mark Zuckerberg), Andrew Garfield (Eduardo Saverin), Rooney Mara (Erica Albright), Justin Timberlake (Sean Parker), Armie Hammer (Cameron et Tyler Winklevoss), John Getz (Sy), Rashida Jones (Marylin Delpy), Joseph Mazzello (Dustin Moskovitz), Patrick Mapel (Chris Hughes). 2h00.

Un soir d'octobre 2003, Mark Zuckerberg, étudiant en informatique, se fait plaquer par sa petite amie, Erica Albright, qui n'entend rien à son obsession des final clubs.

Entre 20h30 et 2h40 du matin, Mark écluse bière sur bière, insulte Erica dans son blog et pirate le système informatique de l'université de Harvard pour créer une base de données des filles de sept résidences du campus. Sur un site, qu'il baptise Facemash, il affiche côte à côte deux photos et demande à l'utilisateur de voter pour la plus canon. Le succès est instantané : l'information se diffuse à une vitesse fulgurante : 22 000 ouvertures de pages en deux heures, faisant sauter le réseau de Harvard. Mark est accusé de misogynie et aussi d'avoir violé intentionnellement la sécurité, les droits de reproduction et le respect de la vie privée. C'est un premier procès qui préfigure les deux autres qui surviendront quatre ans plus tard lorsque Facebook devient le premier réseau du monde. Mark Zuckerberg est alors attaqué en justice par Eduardo Saverin, ami de la première heure et cofondateur du site, et par les frères Winklevoss qui lui proposèrent fin 2003 de créer le site HarvardConnection.

Mark Zuckerberg se souvient. Les frères Winklevoss lui avaient proposé de créer le site HarvardConnection basé sur l'idée d'un dépôt volontaire de photos et de CV échangeables avec d'autres membres d'étudiants de Harvard pour former un club de rencontres sous la prestigieuse bannière d'une adresse "harvard.edu".

Mark avait alors contacté Eduardo Saverin pour créer un site de dépôt de CV partageables par tous, où tous pourraient savoir où rencontrer qui. Eduardo, qui rêvait alors d'être admis au Phoenix club, avait accepté de financer les 1000 premiers dollars nécessaires à l'achat des serveurs. Alors qu'Eduardo passe d'humiliantes épreuves d'admission au Phoenix club, Mark "bouffe du code" pour créer son site et, le 20 janvier 2004, le nom Thefacebook est déposé. Le site est lancé le 4 février avec, rajoutée à l'ultime minute, une question sur la situation amoureuse de chaque profil.

Les Winklevoss ne veulent pas déchoir en portant plainte en justice. Par relations, ils obtiennent un rendez-vous auprès du doyen d'Harvard qui leur fait observer vertement leur statut de privilégiés et leur conseille de trouver une autre idée pour les occuper.

Les débuts de Thefacebook sont modestes, mais Edouardo et Mark trouvent leurs premières fans, Christy et Alice. Mark essaie vainement de renouer avec Erica. Il décide de se déployer à Yale, Columbia et Stanford en Californie. Dustin Moskovitz est nommé chef programmateur avec 5 % des parts, Eduardo DAF avec 30 %. Chris Hugh est chef de la communication. Mark est intransigeant : tant que Thefacebook ne s'est pas totalement développé, il restera sans publicité.

Sur le campus de Stanford en Californie Sean Parker, qui a fondé Napster mais n'est plus rien, découvre Thefacebook. Edouardo ne parvient pas à trouver des sponsors ce qui réjouit Mark qui sabote ses efforts. Il préfère s'entretenir avec Parker qui le conforte dans sa position lui faisant miroiter que TheFacebook, qu'il préfère voir s'appeler simplement Facebook, pourrait rapporter un milliard de dollars. Edouardo doit se dépêtrer d'une rumeur de cruauté sur animaux après une épreuve d'entrée au Phoenix club. Mark s'amuse à recruter des informaticiens sachant résister à l'alcool.

Mark s'installe en Californie et laisse Sean Parker prendre le contrôle de la stratégie commerciale. Ils cherchent des investisseurs et Mark se permet d'en snober en arrivant en pyjama. En Hollande, les Winklevoss perdent de justesse une course prestigieuse d'aviron et découvrent l'implantation de Facebook en Europe. Ils décident de porter l'affaire devant les tribunaux. Lorsque Edouardo débarque en Californie, il tente vainement de bloquer le compte de l'entreprise puis doit accepter, sans comprendre, les conditions de Sean. Il comprend trop tard que ses 30 % d'actions ont été diluées par l'arrivée de nouveaux investisseurs et qu'elles ne représentent plus que 0,03 % de l'entreprise qui compte désormais un millions de membres.

Sean triomphe mais dans une fête qu'il a organisée avec de jeunes stagiaires, il est arrêté pour usage de drogue et détournement de mineurs.

Aujourd'hui, Mark doit transiger et signer un chèque aux Winklevoss et à Eduardo. Marylin Delpy, l'avocate assistante de Sy, lui explique qu'il n'a pas le bon profil pour amadouer un jury. Ce n'est pas un sale con, mais il fait tout pour l'être. Se souvenant sans doute que Sean n'avait jamais cherché à revoir celle pour qui il avait créé Napster, Mark demande à Erika d'être son amie sur Facebook. La réponse tarde à venir...

The social Network est l'histoire d'un capitaine d'industrie, fou de travail et obsédé par la réussite de son projet au point de sacrifier ceux qui le gênent dans sa course. Orgueilleux et présomptueux, comme tous les personnages de Fincher, il suit implacablement la ligne qu'il s'est fixée. Il sait écouter les conseils visionnaires de Sean Parker et refuser les options publicitaires d'Eduardo qui amoindrirait l'ampleur de son travail.

Cette obsession du travail, de se démarquer, possède un versant diabolique que Fincher ne se fait pas faute d'épingler. Mais il considère aussi cette obsession du travail comme la nécessaire contrepartie pour renverser l'ordre vieilli des dominants.

La force diabolique de l'entreprise pour renverser l'Eden des puissants

Cette puissance de renversement est figurée par la succession des deux scènes où Parker propose à Mark de s'étendre sur les cinq continents alors que les frères Winklevoss, décidemment bons qu'à faire de l'aviron, sont en Europe à disputer la régate de Henley.

La force diabolique de l'entreprise contre l'Eden des privilégiés

Parker avec Napster ou Mark avec Facebook ont mis à bas l'opulence de l'industrie du disque, la suffisance des banques comme celle des héritiers de la finance dont les Winklevoss sont les représentants à la fois naïfs et honnis. Mark n'a que faire du profit. Alors que Microsoft voulait acheter son programme de mise à disposition de musique il l'a proposé pour rien sur internet. Parker comme Zuckerberg veulent pouvoir dire qu'ils sont les décideurs.

Cette force indomptable, Fincher en rend compte par la structure du film construit dans les rets d'un double procès où Mark défend pied à pied ce qui a permis à Facebook d'être ce qu'il est.

Mais le pré-générique contient aussi en entier les obsessions et motivations de Mark. A commencer par celui des final clubs, le Phoenix club ou le Le Porcelian qu'il sait être les lieux actuels du pouvoir. Eduardo le sait aussi qui fait tout pour entrer au Phoenix club alors que Mark est persuadé que Roosevelt n'a été président que parce qu'il est passé par le Porcelian, club des frères Winklevoss. Mark est lucide. Comment se démarquer des génies chinois et des brillants américains ? Il sait qu'il ne parviendra pas à intégrer ces clubs pas plus qu'Erika condamnée par le peu de prestige de la Boston université. "C'est fun et ça change la vie" dit-il en proposant à Erica de l'aider à les intégrer ces clubs selects. Elle le quitte en lui ayant fait part de son admiration pour ceux qui pratiquent l'aviron et en le traitant de sale con. Il n'oubliera pas la leçon écoutant distraitement les Winklevoss, sans doute parce qu'ils pratiquent l'aviron, mais s'empressant de transformer leur désir élitiste en club où tous peuvent être admis.

Ce bouleversement social commence sur le campus d'Harvard. Le montage parallèle sur les filles débarquées du bus pour être acceptées au Phoenix club et la création de Facemash dit le remplacement de la sélection et des pratiques élitistes fort peu ragoutantes par la démocratie du vote (sur un sujet tout aussi contestable) de la plus jolie fille. Plus tard Fincher mettra également en parallèle la création de The Facebook avec les épreuves humiliantes d'entrée au Phoenix club subies par Eduardo.

La fin fait état de la réussite de Facebook. En 2010, Facebook a 500 millions de membres dans 207 pays et sa valeur est estimée à 25 milliards de dollars. Mark Zuckerberg est le plus jeune milliardaire du monde. Fincher montre comment son héros est aussi devenu "un sale con". Il ne l'était pas mais, comme tout orgueilleux engagé dans la seule voie d'une idée obsessionnelle, il ne peut en sortir. S'il pense encore à Erica ce n'est que comme amie sur Facebook... une réponse, même positive, ne le sortira pas de son unique obsession.

Jean-Luc Lacuve le 26/01/2013.

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