A l'aube de ses 18 ans, Bennie, profite d'une escale du bateau où il est serveur pour rendre visite à son frère aîné à Buenos Aires. Il est accueilli par Miranda, la femme avec laquelle vie son frère. Celui-ci se manifeste derrière la vitre de la chambre mais refuse de le voir. Attitude cruelle pour Bennie qui porte avec lui la lettre dans laquelle Angelo promettait de revenir le chercher.
Au petit matin, Angelo fait une entrée tonitruante dans le salon où s'est endormi son frère. Blessé à la jambe, il porte un plâtre qu'il doit tout prochainement enlever. Il accompagne Bennie dans la Boca, quartier populaire du port de Buenos Aires. Il y a neuf ans, il a rompu tout lien avec sa famille pour s'exiler en Argentine. Il a fui son père despotique, illustre chef d'orchestre, et refuse que son frère le nomme Angelo. Il se nomme désormais Tetro Tetrocicini et refuse que Bennie l'interroge sur leur passé. Mais Bennie refuse. Il explique à Miranda que sa mère est dans le coma depuis neuf ans et qu'il ignore tout d'elle. Miranda lui explique avoir rencontré Tetro dans un asile pour déséquilibrés où elle était médecin. Tetro se disait le fils d'un pauvre agent immobilier et serrait contre lui un précieux manuscrit.
Bennie fait la connaissance des amis de Tetro, José propriétaire de bar et entrepreneur de spectacle fauché qui tente de monter Faussa, drame de Abelardo dont Tetro assurera les éclairages. Il rencontre aussi Josephina, l'actrice principale, et Maria Luisa, sa nièce, qui a le même âge que lui.
Bennie fouille dans les valises de Tetro et découvre des feuilles éparses, codées, lisible dans le reflet d'une glace. Il s'agit du manuscrit dans lequel son frère raconte son histoire. Leur père, Carlo, est un despote qui tenta de faire renoncer à leur nom son frère aîné pour qu'il n'entache pas sa réputation en montant des productions financièrement fragiles... et qu'il refusa toujours d'aider.
Miranda découvre les recherches de Bennie. Elle lui fait comprendre que c'est Tetro qui conduisait lorsqu'il eut l'accident qui coûta la vie à sa mère. Le soir de la première de Fauta, l'ambiance est électrique et Tetro s'emporte contre Abelardo dont il trouve la pièce exécrable. Il se calme toutefois lorsque la célèbre critique Alone vient assister au spectacle.
Bennie ramène un disque de son père à la maison et Miranda comprend alors que Tetro est le fils du célèbre chef d'orchestre Tetroccini. Tetro s'emporte et chasse Bennie qui s'en va promener le chien. Distrait, il le laisse s'enfuir, le rattrape à grand peine et se fait renverser violemment par un scooter.
A l'hôpital, Tetro se montre enfin compatissant pour son frère et l'invite à rester à la maison à son retour. Il change toutefois radicalement d'attitude lorsqu'il découvre que Bennie reconstitue son manuscrit.
A sa sortie de l'hôpital c'est donc chez Abelardo que Bennie continue le roman de son frère. Il apprend que celui-ci aimait Noémie, une jeune fille de son âge qui se laissa séduire par la gloire de son père. Celui-ci méprisait les velléités littéraires de Tetro estimant qu'il ne pouvait y avoir qu'un génie dans la famille et accepta de financer un an de congé sabbatique à son fils. Ce roman, Bennie décide d'en faire une pièce et de l'inscrire au Festival de Patagonie.
Lorsque Tetro apprend que son frère a signé la pièce tirée de son roman, il se met en colère. Apres une discussion avec Miranda, il accepte finalement de cosigner la pièce et de partir en Patagonie avec Bennie, Miranda, Maria-Luisa et Joséphina. La mer de glace lui rappelle la mort de sa mère et, troublé, il s'enfuit de l'hôtel où ils ont fait halte. Miranda craint même qu'il se soit suicidé mais l'accident près de l'hôtel n'est dû qu'à un guanaco. Pendant ce temps là, Bennie a pris beaucoup de plaisir à la soirée pyjama sans pyjama avec Maria Luisa et Joséphina.
Au festival de Patagonie, Alone est prête à remettre le prix des deux glaciers à Tetro et Bennie, les sacrant vainqueurs de la compétition des "Parricides".
Mais Tetro n'est revenu vers son frère que pour lui annoncer qu'il est son père. Noémie épousa Carlo en étant enceinte de Tetro et ne leur révéla la vérité que neuf ans après la naissance de Bennie après avoir pris les médicaments qui la conduisirent au comma dans lequel elle est aujourd'hui. Tetro propose à Bennie de le tuer car il a logiquement conclu l'histoire de haine entre le père et le fil écrite par Tetro par le parricide de Carlo. Epouvanté par cette nouvelle qu'il apprend en même temps que se clôt sa pièce qui triomphe, Bennie s'enfuit. Alone s'apprête à remettre le prix à Tetro. Celui lui refuse la reconnaissance de son jugement et par là même le prix. Miranda réconforte Tetro et lui apprend la mort de son père. Celui-ci désire se faire enterrer à Buenos Aires où il est né.
Aux funérailles de Carlo, Tetro habillé de cuir noir vient remettre la baguette du chef à son oncle Alfi. Lors de la réception à l'hôtel, c'est Bennie qui vient apprendre à tout le monde que Carlo est son grand-père et non son père. Tetro court chercher Bennie qui pourrait se suicider parmi le flot des voitures. Tetro parvient à l'en détourner et avoue son amour à son fils. Miranda, Tetro et Bennie forment désormais une famille unie.
Le noir et blanc, le format scope, la diffraction de la lumière de l'ampoule près du visage de Bennie, le tag "Ne coupe pas la corde qui me relie à ton âme", le grand angle aux perspectives déformantes, le fondu au blanc dans les phares du car, les contre-plongées puis les plongés dans l'appartement de Tetro et Miranda viennent, dès l'abord, signaler que quelque chose de plus grand et mystérieux que les retrouvailles entre deux frères va avoir lieu.
Le film sera ensuite ponctué de séquences en couleurs et au format 1.37 qui plongeront dans le passé de Tetro. D'abord assez classiques, ces séquences de flash-back emprunteront de plus en plus à la grande forme du théâtre, de l'opéra ou de la danse. Se développe ainsi un double chemin allant du baroque à la simplicité pour le présent et du classicisme au baroque pour le passé. Le baroque, évocateur d'un monde qui a perdu son centre et où toute la vie s'est réfugiée à la périphérie, vient ainsi hanter et menacer mais aussi recoudre les fils du présent.
Le baroque transféré du présent au passé.
Le plâtre de Tetro, symbole de son impuissance créatrice, sa jalousie possible envers son frère, sa difficulté à assumer son statut peu enviable d'éclairagiste de pièce peu inspirée, sa volonté de se refermer sur lui-même qu'évoque son nouveau patronyme, Tetro Tetroccini, font de ce personnage taillé à coup de serpes une caricature de ce dont a rêvé son frère. Les épisodes découverts dans son passé semblent condamner ce personnage à la fuite et l'autodestruction. L'humiliation de l'oncle, l'accident de voiture vu au travers d'un flash-back dans le flash-back de la clinique raconté par Miranda, l'humiliation de Angelo voulant devenir écrivain, Noémie séduite par Carlo ; toutes ces séquences pourraient avoir pour conclusion la remarque de Tetro : "L'amour dans la famille, c'est un couteau dans le cur".
Pourtant Tetro s'adoucit après l'accident dont est victime Bennie. Il l'accepte finalement à la maison comme si la réminiscence de l'accident lui offrait cette fois l'occasion de recoudre son passé. L'extrait des Contes d'Hoffman dans lequel le corps d'Olympia est démembré par le scientifique Spalanzani et l'inventeur Coppelius qui se disputent violemment la paternité de l'automate permet également à Tetro d'accepter la copaternité de la pièce écrite par Bennie à partir de son roman. Le voyage en voiture au sein de la mer de glace évoque une dernière fois l'accident de la mère. Son élévation dans le ciel et le geste du fils, bras levé, renvoie sans doute au tag initial : "Ne coupe pas la corde qui me relie à ton âme". Sommet des flash-back, la partie dansée à trois entre Noémie, Carlo et Tetro qui s'inspire du ballet des Chaussons rouges avec l'océan qui envahit la scène met à distance la tragédie de Tetro.
Pour une recomposition de la famille au présent
Perpétuellement menacée d'éclatement, jusqu'à la séquence de la hache au festival de Patagonie, la famille finira pourtant par se recomposer mais selon une structure inattendue. De deux époux et un frère, on passe à un couple et un fils. Ne pas se laisser fasciner par la lumière qui tue les papillons fragiles est la métaphore constante du film. La lumière aveuglante étant aussi bien celle de la gloire que celle des fausses évidences. Coppola propose à l'artiste la fonction d'éclairer le monde en le magnifiant dans une optique où la rivalité n'a pas sa place et où la troupe de spectacle revendique l'amour et le partage.
Jean-Luc Lacuve le 02/10/2010
Note : ouvertement autobiographique, Tetro est l'un des seuls films
de Francis Ford Coppola dont il ait écrit le scénario lui-même
(avec Conversation secrète, 1974).
Il ne se cache pas d'y évoquer les rapports qu'il eut avec son frère
aîné, son modèle, disparu soudainement lorsqu'il était
âgé de 14 ans. L'épisode avait déjà été
suggéré dans Rusty James (1983)
alors que Le Parrain II (1975) était l'histoire
de deux frères dont l'un tue l'autre, tels Caïn et Abel. Le film
fait aussi état de la rivalité entre ces deux musiciens que
furent le père et l'oncle de Coppola, le second ayant un jour suggéré
au premier de changer de nom afin de ne pas lui faire de l'ombre.