Hall Baltimore, écrivain sur le déclin arrive dans une petite bourgade des États-Unis pour y promouvoir son dernier roman de sorcellerie. La ville n'aurait rien de notable si le beffroi de son église n'était pas flanqué de cinq horloges affichant des heures différentes, si une bande de jeunes satanistes ne s'était pas installée de l'autre côté du lac, et si Edgar Allan Poe n'avait pas séjourné là de son vivant. Pour le reste, rien à signaler, pas même une librairie.
C'est ainsi dans le rayon livres de la quincaillerie que Hall s'installe pour dédicacer son roman. Seul le shérif Bobby LaGrange vient lui acheter un livre mais c'est pour lui proposer aussi de lire sa propre littérature. Hall décline sèchement. Le shérif lui indique avoir sous la main, dans sa morgue, un cadavre de jeune fille mystérieusement assassinée. Hall, intrigué, s'y rend avec lui. Rapidement écuré, il refuse d'examiner la victime, s'en tenant à la vision rapide du pieu qu'elle a planté dans le cur. Il visite aussi l'hôtel ou séjourna Edgar Allan Poe. Puis il s'en va dormir dans le motel du coin.
Hall croupit dans l'alcoolisme depuis la mort de sa fille, Vick. Ecuré par lui-même, il veut mettre un terme à cette carrière d'écrivain de gare. Mais sa femme lui réclame, par webcam interposée, un nouveau roman. Pour payer les factures, dit-elle, menaçant, s'il n'obtempère pas, de vendre son bien le plus précieux : une édition originale de poèmes de Walt Whitman.
Ecrasé par l'alcool, Hall ne parvient pas à écrire. La nuit, il rencontre, en rêve, l'énigmatique fantôme d'une adolescente prénommée V. Il soupçonne un rapport entre V. et le meurtre commis en ville, mais il décèle également dans cette histoire un suet de roman qui s'offre à lui.
Il s'en va le lendemain trouver le shérif qui lui fournit plus d'information sur V., Virginia qui serait la dernière victime d'un groupe d'enfants assassinés par un prêtre. Le shérif réclame, en échange des éléments de son enquête, d'être reconnu coauteur du livre.
Le soir, Hall contacte son éditeur et lui promet un sujet en béton
contre une avance de 25 000 dollars à verser immédiatement à
sa femme. Hall se met de nouveau à écrire mais ne dépasse
pas la description de la brume au-dessus du lac. Ecrasé par l'alcool
il rencontre V . et demande à Edgar Allan Poe de lui servir de guide
pour raconter son histoire.
Le jour suivant, il reçoit la visite du shérif qui a lu dans le journal que l'éditeur de Hall lui avait versé une avance de 10 000 dollars pour un sujet de roman très prometteur. Le sheriff réclame la moitié de cette avance. Comme Hall refuse, il l'assomme de son horloge en bois. Hall se voit grimper une montagne en compagnie de Poe. Lorsque celui-ci lui demande s'il veut bien l'accompagner plus haut, Hall révèle le traumatisme qui l'a conduit à abandonner ses ambitions. Il avait laissé partir seule sa fille faire du bateau à moteur, s'imaginant qu'il s'agissait d'engins sans danger alors que lui même passait une soirée bien arrosée avec sa maitresse. Une amie de sa fille conduisait un hors bord et n'avait su éviter la corde de traction entre deux bateaux qui décapita Vicky.
Extenué par cette révélation, Hall se réveille
ensanglanté du coup d'horloge reçu. Il file chez le shérif
pour le découvrir pendu alors que le cadavre au pieu se révèle
être Angela. Il retire le pieu, Angela s'avance vers lui pour le mordre.
Ce n'était qu'une vision d'écrivain. Lagrange était l'assassin
des jeunes filles que dans sa phobie de la jeunasse, il prenait pour des démons.
Son éditeur est très satisfait de lui : son livre va être
un succès.
Twixt est une abréviation familière du vieil anglais, "betwixt "qui deviendra between et qui signifie "entre". Il s'agit pour Coppola d'évoquer les différents états intermédiaires : entre la vie et la mort, le jour et la nuit, le drame et la comédie, le succès et l'échec, le rêve et la réalité, l'art et les faits. Twixt n'est par ailleurs pas le seul film de Coppola à la tonalité gothique : il avait en effet signé Dementia 13 en 1963 et Dracula en 1992 alors que le jeune motard hard rock semble surgi de Rusty James. Coppola ne reste hélas jamais "entre" mais bascule toujours dans le rêve ou dans la réalité. Pareillement, le film censé être très personnel, puisque évoquant la mort de son fils, avait-il besoin de cette métaphore transparente et donc inutile et du vieil artiste perclus de mauvaise conscience ?
Une mauvaise conscience transparente sous un fatras de références hétéroclites.
Twixt entrecroise de multiples figures de la littérature et du cinéma gothiques : un écrivain solitaire, deux méchants aux allures d'hurluberlu ou de dément, une jeune fille pâle comme la mort et un Edgar Allan Poe sorti du musée Grévin. Le tout est prétexte à une flânerie poétique autour de la création artistique, ainsi qu'une méditation sur la perte d'un enfant. Hall Baltimore, rongé par la culpabilité, se sent responsable de la mort accidentelle de sa fille, tout comme Francis Ford Coppola de celle de son fils Gian-Carlo dans un accident de hors-bord.
Certains trouveront certainement émouvant ce patchwork mal cousu de mauvaise conscience et d'auto flagellation, certainement génial ces bricolages hétéroclites (split screen, jeu avec le noir et blanc, éventuellement 3D). Le récit recourt pourtant aux procédés les plus éculés pour les entrées et sorties de rêveries : personnage endormi par l'alcool, tombant d'un escalier, recevant une horloge en bois sur la tête. Le "bricolage de génie", se résume souvent à ramener la couleur rouge sang dans le récit. Le maquillage de Vick, le tapis de l'hôtel, le sang sur le crâne préparent au flash-back du sang sur la corde décapitatrice.
Le "entre" n'existe pour ainsi dire jamais alors que se succèdent des basculements artificiels entre les deux modes du récit. Dans le domaine du rêve, les personnages sont trop incertains pour que l'on y croie. Ainsi d'Edgar Poe en coach littéraire ou les meurtres du pasteur, certes attestés le jour de la mort du fils de Coppola, fonctionnent comme des ajouts périphériques à la trame principale. Dans le monde réel, les personnages sont trop grossièrement dessinés pour que l'on s'intéresse à leur sort. La figure du vieil écrivain fatigué et désillusionné, la relation avec sa femme, le beffroi et ses cinq horloges manquent du mystère dont seuls font preuve les jeunes gens de l'autre côté du lac.