Insiang habite un bidonville de Manille miné par le chômage et alcoolisme avec sa mère, la tyrannique Tonya, vendeuse de poissons sur les marchés. Tonya héberge la nombreuse famille de son mari, parti avec une femme plus jeune, en leur reprochant continument de ne pas travailler et de couter cher. Un jour qu'un des neveux, Edong, déclenche un scandale en touchant la poitrine de Ludy, une vendeuse amie d'Insiang ; Tonya chasse toute la belle-famille de la maison. Le soir, Tonya demande de préparer l'eau du bain mais ne sen sert pas. Le lendemain, Insiang va faire les courses chez Ludy et son frère, Raynaldo "Nanding", amoureux d'elle. Ils savent que Tonya voit toujours en sa fille l'image de son père et ainsi elle se monter cruelle avec elle et tout le monde. En rentrant Insiang constate que Dado, le caïd du quartier a passé la nuit avec sa mère alors qu'il a l'âge d’être son fils et que l'eau du bain était pour couvrir leurs ébats et, au matin, pour lui. Tonya avoue sans vergogne que Dado habitera désormais avec elles quoi qu'en disent les commérages. Insiang, blanchisse va livrer son linge chez une cliente et croise son amoureux, Bebot qui souhaite l'épouser dès qu’il aura trouvé un travail leur permettant de fonder une famille. En rentrant elle surprend Dado et sa mère s'enlaçant puis Dado soutirant 50 pesos à sa mère. Celle-ci déverse sa rancune sur sa fille, jugeant ayant trop souffert pour elle. Le soir Insiang rejoint Bebot au cinéma mais celui-ci est trop entreprenant pour elle. Le soir suivant elle ne peut sortir et Bebot auquel elle avait donné rendez vous se faufile dans sa maison et lui demande d'avoir des relations sexuelles pour compenser leur rendez-vous manqué. Elle repousse ses avances, lui disant de partir avant que Dado ne se réveille. Tonya apprend la liaison par Dado qui avait vu le couple. Elle gifle Insiang à plusieurs reprises la laissant en larmes sous le regard ironique de Dado. Celui-ci rencontre Bebot et l'avertit de ne plus s'approcher d'Insiang, expliquant qu'il a une emprise sur la jeune fille et sa mère. Alors qu'elle est prête à fuir avec Bebot, celui-ci lui explique qu'il a peur de la menace de Dado. Insiang reproche à Dado de s'être immiscé dans sa relation amoureuse. Lorsqu'il prétend que Bebot batifole avec d'autres femmes et que sa menace était destinée à sa sécurité, Insiang n'est pas d'accord. Il l'étrangle jusqu'à ce qu'elle perde connaissance plus tard dans la nuit et l'emporte.
Tonya la retrouve en train de pleurer de douleur le lendemain matin et apprend qu'elle a été violée par Dado. Lorsqu'il rentre chez lui, Tonya lui jette des objets et lui dit de partir. Il admet avoir eu des relations sexuelles avec Insiang, mais convainc Tonya que sa fille a essayé de le séduire en se baignant nue en sa présence. Tonya accuse alors Insiang de l'agression, comparant sa fille au père coureur de jupons de la jeune fille. Elle vient supplier Bebot de s'enfuir avec elle. Celui-ci est au courant du viol qu'elle a subi et l'emmène dans un hôtel bon marché à Binondo, où promettant de prendre soin d'elle, se déshabille et la couche alors qu'elle est désemparée. Insiang se réveille seule le lendemain matin, sans aucune idée de l'endroit où se trouve Bebot.
Elle rentre chez elle et Tonya lui pardonne à condition qu'elle travaille avec elle au marché pour l'empêcher de séduire à nouveau Dado. Dado se faufile dans la chambre d'Insiang cette nuit-là et s'excuse de l'avoir violée, affirmant qu'il était incapable de contrôler son amour pour elle, expliquant qu'il n'avait séduit Tonya que pour se rapprocher d'Insiang et lui disant qu'il avait abandonné toutes ses autres petites amies depuis qu'il était tombé amoureux d'Insiang. Elle l'invite lui faire l'amour. Elle trouve Bebot froid et distant le lendemain. Lydia désapprouve sa conduite et Nanding lui avoue enfin qu’il l'aime et voudrait partir à Manille avec elle. Cette nuit-là, Insiang demande à Dado de la venger quand il vient lui faire l'amour. Dado et sa bande battent Bebot à la décharge le lendemain. Tonya remarque qu'Insiang et Dado se rapprochent et confronte sa fille avec suspicion, qui lui répète les mots de Dado, lui disant que Dado ne l'a séduite que pour se rendre auprès d'elle, et qu'ils ont l'intention de se marier. Furieuse, Tonya poignarde Dado à mort pendant qu'Insiang les regarde tranquillement sans marquer aucune pitié.
Quelque temps plus tard, Insiang rend visite à Tonya en prison. Peu intéressée à la voir au début, Tonya dit à sa fille qu'elle n'a aucun scrupule d'avoir assassiné Dado ; elle l'a fait pour qu'Insiang et lui ne puissent pas être ensemble. Insiang répond qu'elle était dégoûtée de lui pour l'avoir violée et qu'elle voulait que Tonya tue Dado par colère et jalousie. Tonya dit qu'Insiang doit être ravie maintenant qu'elle a sa revanche. Insiang serre Tonya dans ses bras en larmes, désirant son affection. Lorsque Tonya répond froidement, Insiang la quitte. Rongée par le remord de ne pouvoir exprimer son amour maternelle, Tonya en larmes, derrière les barreaux de la prison, regarde sa fille s’éloigner, plus solitaire que jamais.
Insiang est l'histoire d'une aliénation. Insiang, la jeune fille la plus belle du quartier, croit pouvoir mener son chemin en acceptant d'abord les diktats de sa mère puis en espérant que Bebot, son petit ami, la prendra en charge une fois qu'elle n'a pu convaincre sa mère de son innocence face au viol imposé par Dado. Par la suite, elle manipule sa mère pour se venger de lui comme elle avait utilisé Dado pour la venger de son inconstant petit ami. Mais rien n'est réglé du problème central : le manque d'amour qu'elle subit de sa mère. Elle n'aurait pu échapper à ce traumatisme qu'en suivant Nanding, le seul qui envisage de faire des études et de partir des bas-fonds de Manille. Piégée, Insiang se transforme, faute d'une autre porte de sortie, en héroïne perverse. Sa dernière tentative de se faire pardonner par sa mère échoue et elle repart seule. La tragédie amorcée par le massacre des cochons du générique se termine par une image toute aussi terrible d'Insiang partant seule.
Il suffit de quelques plans de rue à Lino Brocka pour installer son héroïne dans un milieu dont elle n'a rien attendre, monde misérable tout autant que carcéral que viennent renforcer les nombreux plans cernés de barreaux. Lorsque la manipulation se met en place, ce sont les plans de reflets dans des glaces ou d'une observation des autres dans la profondeur de champ, qui préviennent du piège. Ces quelques rares effets de mise en scène viennent ponctuer un mélodrame servi par une bande sonore inexorable. Elle mêle aux bruits des pleurs, des radios et des cris, la mélodie triste de la flûte.
Insiang est financé par une riche investisseuse Ruby Tiong Tan que Lino Brocka réussit à convaincre de produire son film. Deux jours après qu’elle a accepté le tournage commence. Le tournage dure onze jours. Dix-sept jours après la fin du tournage le film est dans les salles ! Le ratio entre la longueur du film terminé et le matériel tourné est de 1,17 ! Le film est un échec total aux Philippines et coule définitivement la société de production de Lino Brocka, Cinemanila, déjà au bord du gouffre.
Insiang (1976) est le premier film philippin montré à Cannes, à la Quinzaine des Réalisateurs en 1978 de même que Bona (1980) le sera en 1981. Jaguar (1979) et Bayan Ko (1984) seront sélectionnés en compétition et Les insoumis (1989) hors compétition.
Source : Propos de Pierre Rissient recueillis à Cannes le 13 mai 2015 par Olivier Père.