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Profession : reporter

1975

(Professione : reporter). Avec : Jack Nicholson (David Locke), Maria Schneider (la jeune fille), Jenny Runacre (Rachel, l'épouse de Locke), Ian Hendry (Martin Knight), Steven Berkoff (Stephen), Ambroise Bia (Achebe), Charles Mulvehill (Robertson). 2h06.

David Locke, un reporter britannique, cherche à interviewer un groupe révolutionnaire tchadien qui doit se trouver quelque part dans le désert. Dans un village en bordure de celui-ci, il est ainsi balloté de guide en guide. Ils ne lui réclament qu'une cigarette mais ne daignent pas lui répondre ni en français, ni en anglais. Abandonné en plein désert du Sahara par le jeune garçon qui l'y a conduit, il croit voir dans un chamelier son nouveau guide. Il trouve enfin, en haut d'une colline, le guide qui doit le conduire au camp des rebelles à cinq heures de marche. Bientôt arrivés, ils doivent rebrousser chemin car des militaires français à dos de chameau sont aussi à la poursuite des rebelles. Furieux, Locke rejoint le village dans sa Landrover, mais s'enlise. C'est donc à pied, qu'épuisé, Locke rejoint son hôtel.

En manque de savon, David Locke frappe à la porte de son voisin de chambre mais découvre Robertson mort d'une crise cardiaque sur son lit. Décontenancé, il remarque à quel point il lui ressemble. Il décide alors d'échanger sa photo de passeport avec celle de Robertson, pour prendre l'identité du mort tout en faisant croire que c'est lui qui est décédé. Aidé des confidences des Robertson enregistrées sur son magnétophone, il se souvient d'une longue conversation qu'il eut avec lui évoquant leurs voyages et leurs vies.

"-Je préfère les gens aux paysages". "-Ils sont tous pareil". "-Je ne suis pas d'accord, c'est nous qui les rendons pareils. Nous déchiffrons chaque situation chaque expérience à l'aide des mêmes vieux codes. Nous ne faisons que nous conditionner". "-Nous sommes esclaves de l'habitude". "-C'est ça ou c'est à peu près ça. Je veux dire qu'on a beau essayer de faire ce qu'on peut, il n'en reste pas moins qu'on a des des difficultés à se débarrasser de ses habitudes. Même notre façon de parler à ces gens, notre manière de traiter ces gens c'est une erreur. Par exemple, j'ai essayé d'approcher deux types ça aurait pu leur  faire du bien de me parler mais non, ils ne me croient pas". "-Mais c'est comme ça monsieur Locke : vous travaillez avec des mots avec des images. Ce sont des choses fragiles. Moi je viens avec des marchandises, des choses concrètes et ils me comprennent tout de suite."

Robertson semble être une personne libre, qui change de direction et de pays selon son envie. Il n'échange pas des idées mais du matériel ce qui rend la communication avec les autres immédiates. Locke déplace le corps de Robertson dans sa chambre et prévient le gérant de l'hôtel de la mort de celui qu'il appelle Locke. Il ne garde de ses affaires que "The Soul Of The Ape" d'Eugène Marais. Le gérant, après un instant d'hésitation, ne soupçonne pas la supercherie et appelle les autorités pour informer de la mort de son client. Aucun avion n'étant disponible avant trois jours, le corps est enterré sur place.

À Londres, le producteur Martin Knight est interviewé à la télévision et salue la carrière de David Locke qui tournait pour lui un film en Afrique avec l'acuité et le détachement qui faisait sa réputation de grand reporter. Sa femme, Rachel Locke, est apparemment peu affligée par la mort de son mari.

Profitant du premier billet d'avion de Robertson, David se rend d'abord à Londres. Il arbore une fausse moustache pour pénétrer chez lui et y prendre de l'argent dans son coffre personnel fermé à clé. Il ne prête pas plus d'attention que cela au mot de l'amant de sa femme, enjoignant celle-ci à venir le retrouver chez lui. Il regarde comment elle a entouré de rouge son article nécrologique.

David Locke se rend ensuite à Munich, seconde destination pour laquelle Robertson avait un billet d'avion avec l'indication de se rendre à la consigne n°58 de l'aéroport. David y retire une pochette qui contient des papiers qui lui prouvent que le véritable Robertson était un marchand d'armes. David loue ensuite une voiture chez Avis projetant de se rendre en Yougoslavie. Pour l'heure, il suit un corbillard blanc qui le conduit dans une église. Il assiste là à un mariage.

Rachel, au même moment, pense au feu de joie un peu dangereux que David avait allumé dans leur jardin pour bruler les banches à l'automne. Aujourd'hui le jardin est désert et les branches mortes s'amoncellent.

David foule aussi au pied les fleurs du mariage dans l'église. Il est rejoint par deux hommes. Il apprend qu'il doit livrer une importante quantité d'armes à un groupe révolutionnaire en Afrique. L'un des deux hommes lui donne une enveloppe remplie de billets, et lui donne rendez-vous à Barcelone. Achebe lui demande de "transmettre ses hommages à Daisy".

Rachel soutient mollement son ami, le producteur de télévision Martin Knight, qui veut consacrer un film en hommage à David Locke. Elle voit un extrait en noir et blanc de l'interview du président du pays puis affirme que David n'était pas si différent. Elle était là lors de l'interview et se rappelle qu'elle l'avait trouvé trop complaisant. Ils s'aimaient sans doute mais ne se rendaient plus heureux. "Il s'engage dans des situations réelles mais n'a pas de vrais dialogues" déplore-t-elle.

Les deux hommes qui avaient accosté Locke sont enlevés dans un patio public par une bande de jeunes africains. Dans un local désaffecté, Achebe est questionné pour savoir s'il se nomme Robertson ou Daisy et tabassé violemment.

Dans un café, Locke consulte son carnet où sont notés les rendez-vous du 10 septembre 1973 à 15 heures à la plazza de la Igleza de San Ferdinando avec Melina; du 11 septembre à 17 heures à l'hôtel de la gloria à Osuna avec Daisy et du dimanche 16 septembre à Madrid de nouveau avec Daisy. Les pages précédentes indiquent le rendez-vous du lundi 3 septembre à l'aéroport de Munich et du mercredi 5 septembre à midi au parc communal Umbraculo de Barcelone puis pour le 7 septembre "prendre le pick-up de Lucy". Le rendez-vous du 5 attire l'œil de Locke qui téléphone à Avis et annonce renoncer à Dubrovnik pour se rendre à Barcelone.

Locke est à Barcelone où il prend le téléphérique. Mais il ne trouve personne à son rendez-vous au parc communal Umbraculo car Achebe, enlevé et torturé, a peut-être été assassiné. Il discute avec un vieil homme qui voit dans chaque enfant une tragédie qui recommence car dit-il, ils ne peuvent pas se délivrer de nous. Il lui propose de lui raconter sa vie.

Un prisonnier politique africain est exécuté par un peloton de militaire sur une plage sous les yeux de la foule; il faut plusieurs salves avant qu'il ne meure. C'est un reportage que visionnent Rachel et Martin. Celui-ci s'enquiert du retour des affaires de Locke qui n'interviendra que dans une semaine. Rachel a été informée que la dernière personne à avoir vu Locke vivant est Robertson. Elle souhaiterait le rencontrer. Elle demande à Martin Knight de partir à sa recherche.

Rachel va chez son amant, Stephen, auquel  elle dit ne pouvoir oublier Locke si facilement. Elle reçoit un appel du bureau de Martin qui a retrouvé la trace du faux Robertson grâce aux renseignements fournis par Avis. Il loge à l'hôtel Oriente de Barcelone.

En quittant l'hôtel Oriente, Locke voit Martin Knight, attablé à une terrasse. Craigant d'être suivi, il se refugie chez un cireur de chaussures puis prend un billet dans la maison de Gaudi sans savoir où il se trouve. C'est une jeune fille qui lui explique qu'elle a été construite pour un fabricant de velours où il donnait des concerts. Elle était avec un groupe pour visiter les autres Gaudi : ils sont tous bon pour se cacher. Locke parle avec une jeune fille, lui explique succinctement sa situation, sans donner de détail. Chez Avis, il veut échanger sa voiture. Il est surpris d'apprendre que Knight a laissé un message pour Robertson qu'il souhaite rencontrer même s'il ne le conait aps et est descendu à l'hotel Oriente comme lui.

David retrouve la jeune fille dans une maison de Gaudi, et lui dit fuir un homme qu'il ne veut pas voir et s'enfuir de Barcelone avec une vieille voiture d'occasion qu'il vient d'acheter. Il lui demande d'aller chercher ses affaires et de les lui rapporter. La jeune fille prend également sa valise, et part avec David Locke. En passant, elle rencontre Martin Knight, qui lui demande s'il peut rencontrer Robertson. Elle lui dit de la suivre en taxi, mais profite de la première occasion pour distancer sa voiture.

David et la jeune fille, fuient donc Barcelonne dans la grosse décapotable que David a acheté. Dans un bar, il lui déclare, je me suis évadé de tout : ma femme, ma maison, un enfant adopté, mon métier dans lequel j'avais réussi. De tout sauf de quelques mauvaises habitudes dont je n'ai pu me débarrasser

Ils arrivent dans une luxueuse auberge près de Madrid. Ils font l'amour et elle lui conseille d'aller à San Ferdinando, lieu suivant de l'itinéraire de Robertson puis le jour suivant à Osuna. Il y rencontrera Melinda, Daisy. Il pense que ce sont des hommes et n'est pas décidé à y aller.

Rachel et Martin visionnent l'interview de médecin-sorcier qui retourna la caméra de Locke vers lui. Rachel va à l'ambassade du Tchad qui a reçu les affaires de son mari qui ont été renvoyés d'Afrique. Elle demande des renseignements sur Robertson qui appartenait au "Front Uni de libération", une organisation révolutionnaire.

Après avoir entendu Martin parler de sa poursuite infructueuse de l'insaisissable "Robertson", Rachel est sous le choc en ouvrant le passeport de Locke pour voir la photo de Robertson collée à l'intérieur. Rachel ayant ainsi découvert la substitution d'identité prévient la police. 

Après avoir compris pourquoi "Robertson" était si insaisissable, Rachel se rend en Espagne pour retrouver Locke, aidée par la police espagnole mais aussi suivie par les services de renseignements tchadiens. Des policiers viennent retrouver La jeune fille et David dans un luexueux hôtel. Ils leur affirme qu'ils cherchent une décapotable blanche. C'est la jeune fille qui amène celle-ci au centre de police.

À son retour, ils décident d'aller dans un hôtel d'Amarilla. À l'arrivée, David voit sa femme au téléphone. Il s'enfuit avec la jeune fille, mais il semble que Rachel l'ait reconnu. Ils roulent aussi vite qu'ils peuvent. Des policiers les rattrapent mais Locke réussit à leur échapper et les sème dans la plaine. Le carter de la voiture percé, ils doivent s'arrêter dans un petit village. David Locke enjoint à la jeune fille de partir à Tanger en bus, tandis que lui la rejoindra dans 3 jours, après être allé au dernier rendez-vous de Robertson.

En arrivant à l'hôtel de la Gloria d'Osuna, dans la province de Séville, Locke découvre que la jeune fille leur a déjà réservé une chambre : elle n'a pu partir sans lui. Locke lui enjoint une nouvelle fois de partir. Elle sort dans la cour, tandis que Locke se couche sur son lit. Prenant son temps, la jeune fille erre aux abords de l'arène poussiéreuse, pendant que les agents rebelles à la poursuite de Robertson arrivent à l'hôtel et assassinent ainsi Locke. Les rebelles quittent les lieux quelques instant avant l'arrivée de la police avec Rachel pour trouver Locke immobile dans son lit. Sa femme s'approche de son corps et dit : "Je ne l'ai jamais connu". La jeune fille affirme qu'il s'agit bien de Robertson.

L'art de transformer une intrigue policière en une déchirante méditation existentielle sur la douleur de vivre, sur l'impossibilité de connaître la réalité et de changer de personne, et de destin, en changeant d'identité.

"C'est l'histoire d'un homme qui va en Afrique pour tourner un documentaire. Il se trouve un jour devant l'opportunité de prendre la personnalité d'un autre et, pour des raisons personnelles qui lui ont provoqué une profonde frustration, il se jette dans cette aventure avec enthousiasme de celui qui croit aller à la rencontre d'une liberté inespérée..." Antonioni.

Locke est un professionnel du regard. Le film présente les échecs de Locke, les limitations de son regard. Celles ci sont autant de pistes d'interprétations du film.

Les facteurs socio politiques sont évoqués lors de l'interview du président africain à laquelle assiste Rachel. Locke oppose aux critiques de son épouse les règles du jeu médiatiques qui sont aussi les règles du jeu diplomatique, donc politique : le président ment, Locke et ses producteurs le savent, mais aucun commentaire ne viendra contredire le chef d'Etat.

Son regard est aussi déterminé par des facteurs culturels. Il évoque avec Robertson les habitudes, le "vieux code" selon lequel il traduit chaque situation et dont il a conscience, qu'en Afrique, il est inopérant. Mais la scène clé, à ce propos est celle de l'interview du sorcier. Mis en situation de devoir répondre aux questions de Locke le sorcier rétorque que les questions en apprennent plus sur Locke que ses réponses en apprendraient sur lui. La sincérité de Locke ne lui semble pas suffisante, il faut aussi que la conversation soit honnête. Il se saisit alors de la caméra et demande à Locke de lui reposer les questions. L'origine, la formation culturelle de Locke l'empêche de voir l'Afrique et les Africains autrement qu'au travers du viseur de sa caméra. Privé de cet instrument médiateur il ne sait pas voir la beauté du désert, la présence des hommes. Muni de son adjuvant, il projette sur le comportement du sorcier une grille d'interprétation inadéquate, ignorante en particulier des problèmes inter culturels.

Mais la perte ou l'abandon de son outil médiateur est fatal à Locke. La réalité de la réalité va produire sur lui l'effet que la vision retrouvée produit sur l'aveugle de l'histoire racontée à la jeune fille. Jusqu'alors a demi-conscient de sa cécité, l'effet miroir produit par l'épisode du sorcier conduit Locke à mettre en place une machinerie pour échapper à son regard. Il tente d'emprunter d'autres yeux, ceux de Robertson puis ceux de la jeune fille. Le regard de Locke est en effet confronté à d'autres regards, ceux de Robertson, de Rachel, de la jeune fille de la caméra aussi. Certains points de vues confortent d'ailleurs le sien comme celui du vieillard du parc de Barcelone qui voit toujours et partout "la même tragédie". Mais beaucoup diffèrent. Rachel fait l'expérience d"'une réalité tantôt brutale (les mensonges politico médiatiques) tantôt fuyante (la personnalité de son mari) ; mais son regard demeure actif, obstiné (scènes où elle scrute les moniteurs TV, où elle découvre le passeport maquillé) ; elle tente d'agir sur les choses (en critiquant Locke, en se lançant à sa poursuite) et elle assume en fin de compte son impuissance et son échec : ("je ne l'ai jamais connu").

La jeune fille entretient avec Robertson de nombreuses ressemblances. Son regard sur le monde est tout à la fois pragmatique et sensible. Le film invite sans cesse le spectateur à confronter son propre point de vue avec ceux des personnages. Le point de vu du spectateur s'élabore sur la base des données narratives et de l'itinéraire de la caméra. Or le mode de présence de la caméra ne tend pas à programmer le regard du spectateur à son insu. Il instaure plutôt un régime de monstration avoué, délibéré, presque ostentatoire. Le film offre au spectateur l'occasion d'éprouver son regard par la mise en jeu du regard lui-même. L'alternance, la conjonction provisoire, la disjonction fondamentale des points de vue conduisent à faire l'expérience de la perception en train de se faire. Expérience d'ordre phénoménologique permettant au spectateur de se regarder regardant.

Bibliographie :

Francis Vanoye : Profession reporter ; collection Synopsis, 1993 ( voir aussi l'analyse de la scène de conversation avec Robertson et celle de l'avant dernière séquence composée de 10 plans, disjonction définitive des points de vue de Locke de la jeune fille et de la caméra).

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