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Le concert champêtre

1509

Le concert champêtre
Titien , 1509
Huile sur la toile, 105 x 137
Paris, Musée du Louvre.


Traditionnellement attribué à Giorgione, Le Concert champêtre est considéré à présent comme une oeuvre de jeunesse de Titien. Ce tableau serait une allégorie de la Poésie, dont les symboles - la flûte et l'eau versée - sont partagés entre deux femmes nues à la beauté idéale. Ces figures irréelles n'existent que dans l'imagination des deux hommes qu'elles inspirent, selon un goût répandu à Venise au début du XVIe siècle pour la représentation simultanée du visible et de l'invisible.

Un monde poétique

Deux jeunes hommes, l'un vêtu d'un costume rouge à manches bouffantes, jouant du luth, l'autre, cheveux blonds, les pieds nus, habillé simplement, sont assis au centre d'un paysage vallonné, baigné par le soleil couchant. Ils sont entourés de deux femmes nues. L'une se tient debout à l'écart et verse de l'eau dans une fontaine. L'autre, assise de dos, joue de la flûte. À l'arrière-plan, sous le bosquet d'arbres, un berger garde ses moutons. La rencontre de ces deux personnages masculins habillés aux côtés de figures féminines nues laisse supposer une signification complexe. Titien semble vouloir confronter deux mondes : l'aristocratie vénitienne d'une part et des nymphes et des bergers d'autre part. Ils ne se parlent pas. Leurs échanges passent par la musique.

Un paysage pastoral

Ce thème de la musique au milieu d'un paysage serein peut évoquer une allégorie de la Poésie, un poème ou une légende. Titien accorde beaucoup d'importance au paysage. Il ne l'utilise pas comme un simple décor, au contraire il est le reflet d'un certain état d'âme. La recherche d'un équilibre se traduit par une intégration des figures dans le paysage où l'homme et la nature doivent être en parfaite harmonie. Cette pensée évoque le mythe de l'Arcadie, formulé par Virgile dans les Bucoliques et repris par le poète napolitain Jacopo Sannazzaro, en 1504 à Venise, qui raconte la vie heureuse des bergers en Arcadie, occupés essentiellement par le chant et la musique.

La peinture a été interprétée comme allégorie de nature, semblable à L'orage de Giorgione, premier exemple du thème du berger. Pendant le dix-huitième siècle la peinture a été connue sous le simple nom de "pastorale" et c'est seulement plus tard qu'on lui a donné le titre de "Fête champêtre" ou de " concert champêtre", dû à son atmosphère festive.

Le message est pourtant plus complexe. Il est probable que Giorgione ait unifié plusieurs thèmes et le déchiffrement des symboles a exigé un degré d'érudition extrême, même à son époque. La recherche moderne a précisé que la composition est en fait une allégorie de la poésie basée sur la Poétique d'Aristote.

Les figures féminines au premier plan sont les muses de la poésie, leur nudité indique leur nature divine. La figure debout versant l'eau d'un vase de verre représente la poésie tragique supérieure, alors que celle assise, tenant une flûte, est la muse de la comédie ou de la poésie pastorale, moins prestigieux. Le jeune homme bien habillé qui joue du luth est le poète du lyrisme exalté, alors que celui qui est nu-tête est un auteur lyrique plus ordinaire.

Le paysage semble également répondre à une opposition lyrisme/pastorale. Du côté gauche, entre les arbres élégants et minces, nous voyons une villa sur plusieurs niveaux, alors que du côté droit, dans une nature plus touffue, nous voyons un berger jouer de la cornemuse. Pourtant l'effet est complètement unifié. La présence des muses fournit l'inspiration ; l'harmonie du paysage et des figures, des couleurs et des formes proclame la corrélation étroite entre l'homme et la nature, la poésie et la musique.

Giorgione et Titien : le maître et l'élève

Chef-d'oeuvre exceptionnel de la Renaissance vénitienne il peut aussi bien être le sommet de la carrière créatrice de Giorgione où être de la main du jeune Titien, guidé par son maître L'exécution et la conception de ce tableau illustrent le style de jeunesse de Titien. Pourtant, le tableau a longtemps été attribué à Giorgione. C'est vers 1509 que la collaboration entre les deux artistes est la plus étroite, d'où cette difficulté à distinguer les deux mains. Lorsque Giorgione meurt en 1510 de la peste, Titien apparaît le seul successeur possible à Venise. Face à la demande de la clientèle privée du maître, le jeune peintre devient l'héritier tout désigné. L'attribution de ce tableau a été discutée à différentes époques. D'abord considérée comme un Giorgione dans la collection de Louis XIV, l'oeuvre est attribuée tour à tour à Bellini, Palma Vecchio ou Sebastiano del Piombo, puis devient le fruit d'une collaboration des deux artistes pour être désormais, malgré quelques controverses, rendue à Titien. On ne connaît pas la provenance du tableau avant son entrée dans les collections françaises.

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Source : notice d'Aline François, Le Louvre.

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