Fleur du marécage | Odilon Redon | 1885 | ||
La Fleur du marécage |
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Dans les années 1880, limage des végétaux aux traits humains revient fréquemment dans lunivers pictural de Redon. L"humanité de la nature", se référait à la philosophie spinozienne de la nature (Dieu se trouve partout dans la nature, écrivait Redon) et faisait partie intégrante de son apprentissage chez le botaniste Armand Clavaud. Lincarnation de la flore et de la faune est un sujet qui a alimenté la littérature du XIXe siècle ; on la rencontre également chez lillustrateur Grandville dont les dessins pour Un autre monde, publié en 1844, et Les Fleurs animées de 1847 ont sans doute apporté à Redon une source dinspiration. Dans ces ouvrages, on retrouve de nombreuses illustrations de personnification de plantes ou danimaux, adoptant les modes de vie et les activités humaines. Ces images auraient pu agir sur limaginaire iconographique de Redon. Stéphane Mallarmé, à qui Redon
avait adressé son album, écrivit, entre autres, sur cette
planche : « La tête de Rêve, cette fleur de
marécage, illumine dune clarté quelle
connaît seule et qui ne sera pas dite, tout le tragique falot
de lexistence ordinaire ». Cest pourtant Joris-Karl
Huysmans qui célébra les plus lHommage à
Goya en publiant dans La Revue Indépendante le poème en
prose intitulé Le nouvel album dOdilon Redon.
La fleur à la tête humaine de Redon, lui dictât,
entre autres, ces phrases : lun de ces bourgeons, lumineux
et comme enduit dune huile phosphorée, creva, sarrondissant
en une pâle tête qui se balança silencieuse sur la
nuit des eaux. Une douleur immense et toute personnelle émana
de cette livide fleur. Il y avait dans lexpression de ses traits,
tout à la fois du navrement dun pierrot usé, dun
vieux clown qui pleure sur ses reins fléchis, de la détresse
dun antique lord rongé par le spleen, dun avoué
condamné pour de savantes banqueroutes, dun vieux juge
tombé, à la suite dattentats compliqués,
dans le préau dune maison de force !
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