Pour Daniel Arasse, si Fra Angélico a choisi ce cadrage particulier, c'est pour figurer le mystère de l'Incarnation. L'incarnation est ce moment où, tout à coup, se met en visibilité le trois en un. Or le centre géométrique du tableau est occupé par la porte donnant sur la chambre de la Vierge et par le rideau rouge au centre géométrique de l'image, sur lequel vient s'inscrire l'auréole de l'Ange Gabriel. Le rouge c'est la couleur du sang, et qu'apporte la Vierge à l'Incarnation ? Son sang. La femme donnait son sang et l'homme la forme. Le rideau rouge au coeur géométrique du tableau est le sang de la Vierge qui va donner matière au corps du Christ, à l'incommensurable figuré par l'auréole d'or.
Le dialogue entre l'Ange et la Vierge Marie est inscrit en lettres d'or. Celui de l'Ange va de gauche à droite. Celui de la Vierge, en revanche, est inscrit de doite à gauche et à l'envers, ce qui le rend absolument illisible. Non seulement ce n'est pas visible de loin mais, en plus, il faudrait retourner le tableau pour pouvoir le lire. Elle répond : "Ecce ancilla domini, fiat mihi secundum verbum tuum".("Je suis la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon son verbe") et, dans l'instant même, dès lors qu'elle accepte, l'Incarnation est faite.
Daniel Arasse a remarqué que dans cette formule archicanonique, que tous les prêtres connaissent, on peut lire uniquement "Ecce ancilla domini" et "verbum tuum". "Fiat mihi secundum" a disparu !
Ce fiat qui fait l'Incarnation a disparu. Peut-être passe-t-il derrière la colonne, symétrique là aussi avec la disposition des paroles de l'Ange qui passent devant la colonne. Mais on retiendra aussi l'hypothèse de Daniel Arasse selon laquelle le texte manquant passe à l'intérieur de la colonne ; la colonne est le "Fiat mihi secundum". La colonne est le symbole traditionnel du Christ.