En 1955, François Truffaut rencontre Alfred Hitchcock pour Les Cahiers du cinéma. En 1962, Jules et Jim vient consacrer son talent de cinéaste et il prépare La peau douce (1964), de son aveu même le plus hitchcockien de ses films. Aux Etats-Unis, Hitchcock, avec Frenzy (1962), est au faîte de sa créativité et de son succès. Mais les critiques restent réticents.
Naît alors l'idée du "hitchbook" : un livre dont Truffaut serait l'initiateur, le "provocateur" même, et qui révèlerait la vraie nature de l'homme, vulnérable, sensible, et aussi les secrets perdus que détiennent les grands cinéastes qui ont commencé à l'époque du muet.
Hitchcock accepte le principe de répondre à 500 questions portant exclusivement sur sa carrière. Pendant cet entretien qui va durer 4 ans, Truffaut va l'interroger à la façon dont dipe allait consulter l'Oracle. Il tentera d'élucider à travers toute l'uvre de Hitchcock les mécanismes de ce langage d'émotion" qui est le ressort de son style inimitable et le classe dans la catégorie des " artistes inquiets comme Kafka, Dostoïevski ou Poe".
Le "Hitchbook" paraît en 1966 aux éditions Robert Laffont. Il est réédité sous le titre Le cinéma selon Hitchcock en 1975 avec un avant-propos de Truffaut qui précède son introdution de 1966.
Après la disparition de Hitchcock, le 2 mai 1980, François Truffaut complète les premières éditions par un chapitre sur ses derniers films et une courte préface en guise de long adieu : "L'homme était mort mais non le cinéaste, car ses films, réalisés avec un soin extraordinaire, une passion exclusive, une émotivité extrême masquée par une maîtrise technique rare, n'en finiraient pas de circuler, diffusés à travers le monde, rivalisant avec les productions nouvelles, défiant l'usure du temps, vérifiant l'image de Jean Cocteau parlant de Proust : "Son oeuvre continuait à vivre comme les montres au poignet des soldats morts".
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Sur Vertigo : " Et la scène que je ressentais le plus, c'est lorsque la fille est revenue après s'être fait teindre en blond. James Stewart n'est pas complètement satisfait parce qu'elle n'a pas relevé ses cheveux en chignon. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire qu'elle est presque nue devant lui mais se refuse encore à enlever sa petite culotte. Alors James Stewart se montre suppliant et elle dit : " d'accord, ça va ", et elle retourne dans la salle de bains. James Stewart attend. Il attend qu'elle revienne nue cette fois, prête à l'amour
Lorsque James Stewart suivait Madeleine dans le cimetière, les plans sur elle la rendaient assez mystérieuse car nous les filmions à travers des filtres de brouillard ; nous obtenions ainsi un effet coloré vert par dessus la brillance du soleil. Plus tard, lorsque Stewart rencontre Judy, j'ai choisi de la faire habiter l'Empire Hotel à Post Street parce qu'il ya sur la façade de cet hôtel une enseigne au néon vert qui clignote constamment. Cela m'a permis de créer sans artifice le même effet de mystère sur la fille lorsqu'elle sort de la salle de bain ; elle est éclairée par le néon vert, elle revient vraiment d'entre les morts"
1966 aux Editions Robert Laffont. 1975 aux Editions Seghers (Le cinéma selon Hitchcock- collection cinéma 2000). 2003 aux éditions Gallimard.