Chris Marker, voyages en [immémoire]

La revue Eclipses consacre un volume intégral à Chris Marker, cinéaste voyageur et essayiste inclassable, auteur d’un court-métrage de science-fiction désormais mythique, La Jetée, film visionnaire et unique en son genre, notamment parce qu’il s’agit de la seule oeuvre de fiction de cet artiste accompli, dont la longue et passionnante carrière se promène en solitaire sur l’hémisphère documentaire de la planète cinéma.

Volume dirigé par YOURI DESCHAMPS et THIERRY CORMIER

• ÉDITORIAL : Chat-manisme YOURI DESCHAMPS
  Pour Youri Deschamps, la mémoire, la forme de l'essai et une expérimentation où le montage des images des mots et des sons joue le premier rôle dans el cinéma de Chris Marker. Mais aussi une mémoire qui joue avec l'oubli pour des voyages en immémoire où les trajets se font par contamination, contagion et combinaisons d'éléments inattendus.

• Les contes du chat et de la chouette ou les cinq décennies du voyageur buissonnier . Réné Prédal y regroupe les réalisations de Chris Marker selon cinq entrées :

  1/ Les essais d'un grand voyageur : Lettre de Sibérie avec son : "je vous écris d'un pays lointain" mais aussi Dimanche à Pékin (1956), Description d'un combat (1960, vision optimiste de la politique israélienne), Cuba si (1961), Si j'avais quatre dromadaires (1966), Sans soleil (1982), Berliner ballade (1990). Approche délibérément subjective, progresse par jeu d'images de sons ou de mots avec un mélange d'archive et de tournage personnel

  2/ Le cinéma vérité
  Le cinéma direct. En mai 1962, il enregistre dans les rues de Paris les réactions à la fin de la guerre d'Algérie avec une caméra Coutant et un magnétophone Nagra. Plus ouvert au réel ne propose pas une vision subjective. Le joli mai donc mais aussi Casque bleu (1995) ou La solitude du chanteur de fond (1974) consacré à Yves Montand.

  3/ Le cinéma militant
  Un cinéma qui dirait nous et non plus je. Regard politique à l'épreuve du terrain. A bientôt j'espère (grève de la Rhodiaceta à Besançon menée pour obtenir des conditions de travail vivables. Déclenchée en mai 1967, la grève dure toujours un an après sans revendications salariales ou de masse horaire ce qui en fera un véritable culte de la part des gauchistes du mouvement ouvrier. C'est un Mai 68 avec un an d'avance. Loin du Viêt-nam et Le fond de l'air est rouge (1977) et La spirale (signé Armand Marttelard ainsi que J. Meppiel et V. Maynoux) consacré à l'échec de l'expérience chilienne. Plus producteur que réalisateur.

  Le groupe Medvekine naît d'une projection d'A bientôt j'espère. Une partie des ouvriers ne se reconnaît pas dans certains aspects du film. Marker décide donc que les professionnels du cinéma vont les former à se filmer eux-mêmes. Ensuite, dès l'automne 1968, il fonde SLON de droit belge pour la liberté et, en 1974, ISKRA de droit français pour les subventions.

  4/ Un cinéma politique et réflexif. A partir de Le fond de l'air est rouge Marker parle de nouveau à la première personne, semble-t-il plus soucieux de communication que d'expression.

  5/ la manipulation des images : le théâtre médiatique et virtuel
  L'évolution des techniques a modifié la nature du cinéma de Marker. Si le voyage a travers les médias avait commencé dès 1958, il devient prédominant avec Level five (1996) et le CD-rom Immemory (1998) ou les installations du début des années 90 (Zapping zone).

 

• Liste des choses qui ne s’accordent pas
  Pour Vincent Amiel, "Art des liens incongrus, le cinéma de Marker est une recomposition perpétuelle des hiérarchies, des logiques, des perspectives admises. Alors que nous sommes submergés par la captation, persuadés que la neutralité de la vision est garante de vérité, alors que nous faisons absolument et exhaustivement confiance à l'événement pour nourrir l'intérêt de l'image, notre voyageur propose un cinéma du quelconque et de la banalité, où le regard compose le sens plutôt que de le recevoir…Si " un objet est mort dès que le regard vivant qui se posait sur lui a disparu " comme disait le commentaire des Statues meurent aussi (1950), c'est une mission de résurrection que les images de Marker accomplissent inlassablement, offrant au monde un regard vivant, c'est à dire qui recompose, qui transforme, qui interprète. C'est parce qu'elles ne "s'accordent pas "que les choses filmées par Chris Marker garantissent l'intérêt du discours qui les assemble. Elles en légitiment même la valeur morale. L'évidence, l'adéquation immédiate des perceptions, sont toujours suspectes : elles ne fonctionnent que sous la férule d'un conditionnement insensible et tyrannique. Forcer les plans à composer du sens, aussi extravagant celui-ci peut-il sembler, ce n'est ni le manipuler, ni le détourner : il faudrait pour cela qu'il y ait illusion. Forcer les plans c'est au contraire se défaire de toute illusion, à commencer par celle de l'objectivité, qui n'est jamais qu'une soumission à l'air du temps, à l'opinion commune.
  

• Three Times PIERRE-ALAIN MOËLLIC
  

• Chris Marker avec les cinéastes (Kurosawa, Tarkovski, Medvekine) JEAN-MARIE SAMOCKI
  

• Loin du Japon FRANCK BOULÈGUE
  

• À rebours (La Jetée) FLORENCE BERNARD DE COURVILLE
  

• À contretemps (La Jetée) NICOLAS SCHMIDT
  Photo-roman comme l'appelle lui-même Chris Marker, le film est composé d'une suite de photographies en noir et blanc à l'exception d'un plan d'images animées lorsque la jeune femme se réveille et qu'elle bat des paupières. Aucun dialogue, une voix off rappelle le parcours des personnages, de la musique, des sons (décollage des avions battement de cœurs ; des bruits des voix ; une atmosphère crépusculaire ; les restes de Paris dévasté et d'autres images lumineuses, empreintes de sérénité " du temps de paix et des visages : les savants qui expérimentent.
  

  De la femme on se souvient en particulier de son éveil en images filmées ainsi que de son visage marqué par la stupeur au début du film ; ce regard que l'enfant n'oublie pas et qui enclenche toute l'histoire

  Les héros apparaissent comme des types, voire des archétypes. Le plan des deux mains tendues où les personnages regardent dans un parc la coupe d'un séquoia laquelle époque le temps est une référence à vertigo. La fausse Carlotta Valdes évoquait son éloignement du présent dans un passé lointain ici le héros se situe dans l'avenir
  savants

  Comme La jetée dont il s'inspire, L'armée des douze singes imagine un monde presque totalement anéanti, non plus à cause d'un conflit mais d'expériences qui, détournées, ont rendu la terre invivable. Les savants cherchent la survie en envoyant un prisonnier découvrir l'origine du virus qui a détruit la planète quelque trente ans plus tôt ; même liaison impossible du prisonnier avec une femme lors de ses voyages dans le temps ; évocation de l'apocalypse lors d'une conférence, utopie écologiste et libération des animaux (les girafes de la galerie de l'évolution courent dans New York) des références à Hitchcock avec extrait de vertigo, montré alors que les amants se cachent

  
  

• Les masques et la plume (Le Souvenir d’un avenir) DAMIEN DETCHEBERRY

• «Cinépistolier», voyageur de la mémoire (Lettre de Sibérie) ROSELYNE QUÉMÉNER
  

• Correspondance d’outre-tombe (Le Tombeau d’Alexandre) CHRISTOPHE PIQUE
  

• L’oubli et le retour des images (Sans Soleil) BAMCHADE POURVALI
  

• Zapping Zone, pas cherchés…
  Analyse de Chats perchés par Jérôme Lauté. Au début des années 2000, Chris Marker remarque sur les murs de Paris des graffitis de chats qui retiennent son attention. Intrigué, il part en chasse, armée de sa petite caméra, immortalisant les chats qu'il trouve et enquête sur leur origine. Du happening de la ronde des gens portant un parapluie à Beaubourg aux résultats des élections 2002 : "Ce 22 avril la blessure du chat Boléro accompagné de son humaine et … comme un malheur n'arrive jamais seul...la présence de Jean-Marie le Pen au deuxième tour". Les chats partout comme timbres de lettres ou sur les œuvres d'art et des manifestants partout dans les rues : anti Le Pen, anti grève du service public, anti foulard islamiques.
  

• Chronique d’un printemps (Le Joli mai) HÉLÈNE RAYMOND
  

• Légender l’Histoire (Level 5) LAURE BERNARD
  

• L’utopie d’une mémoire audiovisuelle collective (Le Fond de l’air est rouge) AURÉLIEN PY
  

• Le montage est toujours révolutionnaire (Série « On vous parle… ») MYRIAM VILLAIN
  

• Trous noirs ARNAUD LAMBERT
  

• ÉPILOGUE THIERRY CORMIER