Editeur : Carlotta-Films. Mars 2008. Nouveau master restauré. Version Originale. Sous-Titres Français. Format 1.37 Durée du Film : 1h07.
Suppléments:
Kyoto, quartier populaire de Gion. Deux surs, geishas l'une et l'autre, ont des conceptions opposées de leurs rapports avec les hommes. L'aînée, traditionnelle, est amoureuse de l'un de ses clients, Furusawa. Celui-ci a fait faillite. Abandonnant sa famille, il vit aux crochets de sa maîtresse. La cadette, Omocha, convaincue de n'être qu'un jouet entre les mains des hommes, entend leur rendre la pareille....
Les Surs de Gion est le cinquième et dernier film réalisé par Mizoguchi pour la Daiichi-Eiga, compagnie de production à la création de laquelle il a été étroitement associé en 1934. Après le film précédant, L'élégie de Naniwa, Les surs de Gion devait constituer le deuxième volet d'une trilogie sociale.
La violence du propos déplait à La Shochiku à laquelle la Daiichi-Eiga, qui n'a ni distributeur ni exploitants confie le film. Elle sacrifie sa sortie en ne le présentant que dans deux salles sans la moindre publicité. La Daiichi-Eiga fait faillite avant que le succès critique puis populaire ne couronne le film, élu film de l'année par "Hinema juko (?)" la grande revue de cinéma de l'époque.
Mizoguchi refusera ensuite la proposition de la Toho et tournera trois films pour des compagnies indépendantes sans trouver à vraiment exprimer son talent. Ce n'est qu'en rejoignant la Shochiku en 1939 qu'il réalisera son chef d'uvre suivant : Contes des Chrysanthèmes tardifs.
Les surs de Gion marque une étape importante dans la carrière de Mizoguchi. Comme dans L'Elégie de Naniwa, nous ne sommes pas dans la tendance lyrique, mélodramatique, romantique, sentimentale et tragique mais dans la veine naturaliste de Mizoguchi. Celle où la description d'un individu est déterminée par un milieu. Ici pas de sentimentalisme mais la dureté du commerce comme plus tard dans La rue de la honte.
Si l'argent dirige le système, Omocha veut le prendre là où il est. Elle retourne le système pour le faire marcher pour son compte. Omocha veut dire "jouet" mais c'est un personnage de guerrière qui refuse d'être une victime comme le sera l'héroïne de L'intendant Sansho. Omocha ne critique pas le monde mais vit dans un monde sans sentiment et elle ne pourra finalement rien contre les hommes, faibles, lâches et sans scrupules qui ont le pouvoir et auront toujours le dessus.
Isuzu Yamada, égérie des années trente de Mizoguchi, irradie le film de sa présence y jouant, un de ses rôles les plus marquants, cynique et tête haute face à l'adversité. Les gros plans se font cependant plus rares que dans L'élégie de Naniwa. Mizoguchi y trouve là le style qu'il ne cessera ensuite de travailler et de varier. C'est par exemple le plan-séquence d'ouverture qui place dès l'abord les personnages sous le signe des rapports d'argent.
Jean-Luc Lacuve Le 20/03/2008
Un film d'apprentissage par Charles Tesson (15 mn)
Mizoguchi commence sa carrière à la Nikkatsu en 1922, jeune, à 24 ans. Il y reste jusqu'au début des années 30 puis se retrouve à la Daiichi-eiga de Masaichi Nagata entre 34 et 37 qu'il connaissait à la Nikkatsu. Yoda raconte que c'est parce qu'il y a eu de nouveaux dirigeants à la Nikkatsu et que les artistes se sont sentis sous contrôle de l'administration.
Le Daiichi-eiga n'a pas de salle pour exploiter ses films contrairement à la Nikkatsu et à la Shochiku. Cette dernière ne sort le film que dans deux salles, sans publicité, le privant du succès public.
Des deux surs, la jeune, est la plus mature et renie la tradition d'obéissance féodale des femmes. Deux chocs vont les ébranler et constituer un retour du réel face à leur rêve. La plus jeune a escroqué un employé qui perd son emploi pour lui avoir donné un kimono qu'il a volé. Il se venge. La plus âgée se voit quittée par son amant qui retourne vers sa femme. Il s'agit néanmoins d'un récit d'apprentissage d'une insurrection.
Omocha veut dire "jouet". C'est un personnage de guerrière qui refuse d'être une victime comme le sera l'heroïne de L'intendant Sansho. Nous ne sommes pas dans la tendance lyrique, mélodramatique, romantique, sentimentale et tragique mais dans la veine naturaliste de Mizoguchi. Celle où la description d'un individu est déterminé par un milieu. Ici pas de sentimentalisme mais la dureté du commerce. Si l'argent dirige le système, Omocha veut le prendre là où il est. Elle retourne le système pour le faire marcher pour son compte. Elle ne le critique pas le monde mais vit dans un monde sans sentiment
Dès le plan séquence de la faillite et de la vente aux
enchères, le couple est séparé : le mari a perdu
l'argent investi par la femme. Caméra toujours éloignée.
Refus de raccord dans l'axe, refus d'être près pour raccoler
l'émotion.