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La rue de la honte

1956

Genre : Drame social
Thème : Prostitution

(Akasen chitai). Avec : Machiko Kyô (Mickey), Aiko Mimasu (Yumeko), Ayako Wakao (Yasumi), Michiyo Kogure (Hanae), Kumeko Urabe (Otane), Yasuko Kawakami (Shizuko), Hiroko Machida (Yorie). 1h27.

Tandis que l'on débat au Parlement de l'interdiction ou non de la prostitution au Japon, plusieurs prostituées mènent une vie agitée dans une "maison" de Yoshiwara, le quartier des plaisirs traditionnels de Tokyo. La plus spectaculaire est sans doute "Mickey", une fille ostensiblement américanisée qui est là pour fuir ses parents et oublier sa liaison avec un G.I. américain. Mais ses compagnes ont souvent une raison plus précise pour vendre leur corps aux clients réguliers ou de passage : la jeune et belle Yasumi cherche à rassembler de l'argent le plus rapidement possible pour sortir son père de prison ; Hanae doit payer les médicaments de son mari malade et nourrir son bébé ; Yumeko veut que son fils soit éduqué dans une école privée onéreuse, et Yori veut économiser pour se marier.

La vie quotidienne se déroule au rythme des clients et sous la houlette du patron, Taya, qui explique aux filles qu'il est en somme leur père, et qu'elles n'auront rien à gagner de l'abolition de la prostitution, bien au contraire. Mais, bien qu'elles gagnent de l'argent, tout n'est pas idyllique, et, pour plusieurs des pensionnaires, les événements tournent mal : Mickey est surprise par son père, venu lui faire la morale, et se dispute avec lui ; Yasumi joue la comédie de l'amour à un client pour l'escroquer ; le fils de Yumeko finit par apprendre la véritable profession de sa mère et bien qu'elle se soit sacrifiée pour lui, la méprise et la rejette, l'acculant à la folie ; et Yori voit son mari lui échapper.

Tout cela n'empêche pas la "maison" de continuer à tourner, le commerce primant tout, et le cycle de se perpétuer avec les recrues nouvelles, venues de la province pour chercher du travail à Tokyo : la fin nous montre une très jeune fille, Shizuko, faisant avec timidité et répulsion son apprentissage dans le tourbillon de la rue aux néons.

Mikki concentre toute la problématique du héros mizoguchien. De toutes les pensionnaires du « Rêve », elle est la plus franche et la plus lucide. Tandis que ses collègues se réfugient dans le mensonge, la dénégation ou les songes, elle semble n'avoir en vue que la vérité. Elle exprime, dans le cynisme de son discours, et par son comportement, les lois constitutives de la société où elle vit. Chaque individualité ne peut être qu'un instrument de jouissance ou de profit pour l'autre. Aussi réfléchit-elle le monde avec la froideur apparemment indifférente d'un médium résolument objectif. Mais cette neutralité n'en est pas moins un masque, à la fonction spécifiquement idéologique. Elle muselle, avec peine, le désastre de sa vie personnelle. En elle, la pulsion d'amour a définitivement rejeté tout espoir de satisfaction. Toutes choses que la musique et la splendeur glacée des images synthétisent parfaitement.

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