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Editeur : Carlotta-Films. Décembre 2012. Edition double DVD, 17 €. Blu-ray, 20 €. Suppléments :
Une famille vient d’emménager dans une grande maison. Le père enseigne la musique aux ouvrières d'une usine textile. Afin de soulager son épouse qui souffre de fatigue, il accepte d’accueillir une servante recommandée par une jeune ouvrière. La nouvelle venue s’amuse à espionner les conversations ou à effrayer les enfants. Lorsqu’elle entame une liaison avec le père, le foyer tombe lentement sous l’emprise de la servante… La
servante est un drame social terrible et cruel qui met en scène
la chute d'une famille, exterminée dans son désir d'ascension,
par une jeune femme qui ne supporte pas de se voir exclue des douceurs
de la vie bourgeoise. Bien plus que le désir d'adultère,
auquel l'épilogue renvoie comme à une explication convenue
et rassurante, ce sont les pulsions naturalistes qui ne demandent qu'à
se déchainer dans un jeune corps que le film met en scène.
Presque entièrement tourné en huis-clos dans le décor
d'une maison, la servante est l'un des plus grands films naturalistes
dont les rapport avec Susana
la perverse (Luis Bunuel, 1950) et The
servant (Joseph Losey, 1963) suffisent à montrer la grandeur
et l'universalité du cinéma dans la compréhension
et la mise en scène de nos pulsions les plus noires. Le monde dérivé de la bourgeoise coréenne Mari aimant et attentionné, père droit et exigeant, rien ne destinait M. Kim à devenir l'instrument et la victime de la plus affreuse destruction qui soit, aussi bien physique que morale. Ce n'est pas la passion pour sa jeune servante qui va le détruire. Il va plier sous le poids d'une double contrainte : celle de l'avidité économique de la cellule familiale et celle du désir de possession de la servante. M. Kim est fragilisé par l'achat dune grande maison dont il achève d'aménager l'étage et qui sera l'instrument de sa chute, par l'achat d'un piano qui servira de prétexte à Mlle Cho pour venir chez lui et lui présenter la servante. Il ne peut empêcher sa femme de coudre sans arrêt, s'illusionnant dans son désir de repos ("grâce à ce rat, je vais pouvoir me reposer") alors qu'elle se remet à travailler pour acheter une télévision et craint plus que tout le renvoi de son mari de son emploi à l'usine. La servante s'insinue, dès son arrivée, dans la cuisine dont elle prend possession. Elle fume comme un homme ou comme les ouvrières de l'usine lui ont appris. Mais ce vice ne la destinait en rien à la cruauté acharnée dont elle va faire preuve. Elle s'amuse à tuer le rat d'un coup de planche mais c'est M. Kim qui lui apprend à se servir de la mort aux rats tout comme elle saura rappeler à la fille qui l'accuse d'avoir provoqué l'affolement de son frère en lui disant avoir mis de la mort aux rat dans son verre: "Ce sont tes parents qui m'ont appris à mentir." Pour emprisonner M. Kim dans ses filets, elle va attendre qu'il soit fragilisé par l'enterrement de Mlle Kwak et le harcèlement amoureux de Mlle Cho. Son effeuillage sensuel n'est que l'ultime, mais irrésistible arme qu'elle utilise pour entrainer M. Kim au lit. Le monde originel des pulsions La mise en scène, extrêmement précise, n'a de cesse de travailler le décor comme la métaphore d'une prison avec le motif obsessionnel des barreaux de la cage, de l'escalier mettant la cellule familiale, au rez-de-chaussée, sous la domination de la servante à l'étage et du balcon du premier étage rendant très proches la chambre de l'exclue et le salon de musique bourgeois. La maison ressemble à la cage d'un écureuil dans laquelle s'agite vainement la famille. L'escalier est gravi comme un chemin de croix par Mme Kim lorsqu'elle va tenter de convaincre la servante de ne pas faire de scandale. Il est l'instrument causant la mort du bébé de la servante et de la chute. Le balcon à l'étage reliant la chambre de la servante au salon de musique est le lieu privilégié d'observation de la servante, celui qui ne peut que causer le drame en rapprochant deux mondes dont l'un tente trop facilement l'autre. Lorsque la servante revient du balcon, les vêtements mouillés de pluie, elle n'a plus qu'à se déshabiller pour piéger M. Kim. La récurrence de l'orage dans les moments les plus paroxystiques (L'aveu de Mlle Cho et la chute dans les bras de la servante, le double suicide) et le fait qu'il soit enserré dans un prologue et un épilogue donnent au film la dimension d'un conte cruel.
Kim Ki-young a fait l'objet d'une rétrospective à la cinémathèque française du 29 novembre au 24 décembre 2006. Grâce au soutien de la World Cinema Foundation fondée par Martin Scorsese en 2007, le Korean Film Archive a réussi à restaurer la copie du film en 2008 et à rétablir toutes les parties abimées. Le film restauré (présenté dans son format d'origine, 1.55, un peu moins allongé donc que le 1.85, standard américano japonais de l'époque) est présenté en France lors du festival de la Rochelle 2012 puis en salles à partir d'août 2012. Kim Ki-Young tournera deux remakes de La servante : La femme de feu (1970) et La Femme de feu-82 (1982). En 2010, le film a également inspiré le réalisateur sud-coréen Im Sang-soo qui en a fait un troisième remake, intitulé The Housemaid comme l'original. La servante est interprétée par Eun-shim Lee qui signe ici son seul et unique rôle. La restauration
Il s'agit d'enlever les sous-titres incrustés, poussières, rayures horizontales et verticales, collures sales...
Deux ou trois choses que je sais de Kim Ki-Young"
(2006 48 mn)
Vingt-deux cinéastes coréens, dont Park Chan-wook (Old Boy), Bong Joon-ho (The Host) et Im Sang-soo (The Housemaid), évoquent leur rencontre avec Kim Ki-young et l’influence de son cinéma sur leur génération. C'est surtout à partir de 1997, alors qu'il est sélectionné au festival du film de Pusan et président du festival de courts-métrages de Séoul que les jeunes cinéastes rencontrent Kim Ki-young, une force de la nature avec de grosses mains et un caractère très fier : il ne donne des autographes que s'il est sûr que celui qui le demande à vu ses films...
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présente
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La
servante de Kim Ki-young
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