Editeur : Arte Editions. Avril 2009. 20€.

Supplément:

  • Making off de Gideon Bachmann

Journaliste allemand, Georg Laschen sent s'effilocher ses liens avec sa femme Greta, qui le trompe. Il repart pour un reportage au Liban. À Beyrouth, il loge dans un palace occupé par ses seuls confrères de la presse internationale. Dehors, la nuit, les mitrailleuses crépitent, les bombes explosent... Le jour, la vie continue... On se baigne, on mange, on fait son métier. Certains trafiquent, avec l'un et l'autre camp, comme Rudnik, un Français sans scrupules. Au milieu des carcasses calcinées, des ruines, des cadavres, les enfants se sont accoutumés au jeu de la guerre...

 

En 1980 , Volker Schlöndorff est le premier cinéaste à réaliser un film sur les conflits israélo-palestiniens qui suivent les quatre grandes guerres historiques et débutent par la guerre civile libanaise de 1975.

Schlöndorff ne semble toutefois pas pressentir que ces drames vont continuer au Liban. Au lieu de situer l'action dans le Beyrouth dévasté de 1980, il reconstitue ce qui lui semble être l'atmosphère de 1976 telle que la décrit Nicolas Born, auteur, décédé en 1979, du roman dont il s'inspire.

Ce faisant, il dresse dans cette ville martyre, un petit théâtre de la guerre particulièrement artificiel, et lourdement symbolique. Alors que le roman partait du principe qu'observer, décrire et faire la une tels que le pratiquent les journalistes est une falsification de la vie, c'est bien au contraire l'introduction d'un romanesque surjoué qui nous parait aujourd'hui une falsification de la réalité. Que dire par exemple de ces plans de garçons s'amusant à la guerre suivis d'une alternance de gros plans sur Laschen et une petite fille consternée de ne pouvoir jouer à la poupée ?

Si Schlöndorff avait l'intention de faire une sorte d'Allemagne année zéro oriental comme il le prétend, il aurait certainement gagné à ne pas falsifier la réalité du tournage.

 

Mauvaise conscience allemande

La psychologie, sans doute reprise du roman, triture la mauvaise conscience allemande. "Pourquoi ne supportons-nous pas la paix chez nous alors que nous vivons dans des conditions idéales pour tout nous dire ?" s'interroge Laschen lorsque sa femme soudainement lui manque au Liban.

A cette interrogation bourgeoise répond le drame plus collectif de la culture complice des crimes. En photographiant les phalangistes, Hoffmann, le collègue de Laschen, les incite involontairement à abattre un musulman pour faire une belle photo. Le chef des phalangistes a fait des études de musique en Allemagne ce qui sert de prétexte à installer un piano dans le QG des phalangistes. Hoffman ne manque alors pas de photographier une arme posée sur un piano comme un symbole d'une culture impuissante à empêcher la sauvagerie. Et Laschen ne contredit pas le chef des phalangistes lorsqu'il dit qu'il y a une sorte d'équivalence entre la défense des valeurs de la civilisation occidentale telle que l'entendait Hitler et sa propre pratique d'éradication des musulmans.

Au sein de cette confusion, Laschen est tenté par deux positions radicales : la tentation de devenir amoureux d'Ariane et la tentation de devenir arabe comme sa maitresse s'y est essayé en épousant un musulman. Cette double tentation est fort bien exprimée par Schlöndorff dans le choix de la maison d'Ariane, seule à se distinguer par son architecture et sa lumière de la rue noire striée des tirs de snipers.

Le film se résout hélas par deux attitudes fort conventionnelles. Ariane, dont la symbolique du nom se montre finalement décevante, décide d'adopter un enfant comme si la maternité sauvait de tout. Et Laschen rentre piteusement chez lui sans avoir éclairci quoique ce soit de sa vie.

 

Making off de Gideon Bachmann

Tournage en janvier 81 dans Beyrouth détruit par la guerre civile. le film s'inspire du roman de Nicolas Born, décèdé en 1979 pour lequel "observer, décrire et faire la une est une falsification de la vie". D'où l'introduction d'éléments personnels, la vie de couple, la tentation de l'amour, de devenir arabe ou adopter un enfant pour rester près de la vraie vie.

Pour Schlöndorff mettre en scène la guerre sur le théâtre de la guerre civile de 76 évoque le Berlin de 45 dans lequel Rossellini tourne Allemagne année zéro.

Syriens, palestiniens et phalangistes ont fini par accepter le tournage. Hanna Schygulla trouve inutile de situer l'action cinq ans en arrière et de recréer "cette merde de guerre". Il aurait mieux fait, dit-elle, d'utiliser ce qu'il y a. Car la guerre est présente de toute façon.

 


 
présente
 
Le faussaire de Volker de Volker Schlöndorff