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Editeur : Arte Editions. Mai 2009. 20 €. Suppléments :
Au fond d'une zone industrielle à l'agonie, Mao, un patron musulman, possède une entreprise de réparation de palettes et un garage de poids-lourds. Il décide d'ouvrir une mosquée et désigne sans aucune concertation l'imam... |
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Au départ, le rouge des palettes n'est qu'une couleur et les palettes que des objets à déplacer. A la fin du film, le rouge des palettes est celui de la révolte et les palettes sont placées pour interdire l'entrée de l'entreprise au patron. Rien de démonstratif pourtant dans le cinéma de Rabah Ameur-Zaïmeche ( R.A.Z.) mais une remarquable utilisation d'un lieu unique pour une dramaturgie qui dévoile peu à peu l'épaisseur des personnages : roublardise consommée de Mao et de l'imam, gentillesse touchante de Titi, efforts de concertation du chef du village et révolte des mécaniciens.. R.A.Z. donne une densité humaine à ses personnages en leur laissant toujours de l'avance par rapport à ce que sait le spectateur et qu'il doit apprendre petit à petit. L'action ne sert pas tant une démonstration politique avec des personnages marionnettes aux mains du metteur en scène qu'elle ne nous en apprend sur eux. Chaque séquence cache un mystère qui se révèle plus tard. Une entreprise sous contrôle Qui est ainsi ce personnage qui se promène au sein des caristes et aide l'un d'eux à remettre des palettes tombées à terre ? Que fait-il à titiller les employés sur leurs heures d'arrivée et de départ semblant ignorer le fonctionnement de la pointeuse ? Ce n'est que petit à petit qu'il se révèle être Mao le patron de l'entreprise, gentil en apparence mais forcement roublard. Ainsi n'est-on pas étonné d'apprendre qu'il ne paye pas les heures supplémentaires et qu'il tente de convertir à l'islam ses ouvriers pour mieux les maintenir dans un état de soumission. Qui est donc cet ouvrier censé connaître le Coran auquel s'adresse Titi et qui lui répond que la joie et la foi suffisent à faire un bon musulman ? Ce discours chaleureux et ouvert n'est-il pas la garantie d'un imam de qualité, inspiré et tolérant, que Mao a raison de placer à la tête de la mosquée qu'il a construit ? Titi et les ouvriers ne se montrent-ils pas présomptueux et ingrats à le refuser comme imam ? Pourtant l'imam s'avérera bien être un serviteur zélé de son patron qu'il leurrera d'ailleurs en lui faisant croire qu'il a les ouvriers sous son contrôle. Qui est donc ce Titi qui veut être nommé Imam alors qu'il vient tout juste de se convertir et qu'il ne connaît rien à la religion ? De quoi parle-t-il lorsqu'il rabroue ses camarades qui s'enquièrent de savoir s'il l'a fait ? On comprend bien vite qu'il veut se circoncire lui-même et qu'il s'en évanouira de douleur le lendemain. Il apprendra par la suite l'inanité de son geste. Mao refusera à juste raison de faire passer son acte pour un accident de travail. Ces tentatives dérisoires ne l'empêchent pas de vouloir construire une nouvelle mosquée, dernier maquis caché dans les palettes. Il suffira à R.A.Z. de quelques plans pour la construire : un râteau qui enlève des détritus du sol, des tapis posés sur ce sol nettoyé et un panoramique ascendant qui vient cueillir au sommet des palettes, le chanteur appelant à la prière. Coup de chance, prémédité ou non, un avion s'élève dans le ciel à cet instant. Le dernier maquis est social et non religieux C'est donc bien plus la profondeur de ses personnages que la démonstration politique que travaille R.A.Z. en premier lieu avant de faire intervenir les incidents qui vont conduire à la révolte. C'est d'abord l'épisode du ragondin dans le garage, sorte d'intrusion amusante grotesque, révélatrice du mauvais état de l'entreprise mais qui, couplé au retour de l'animal dans la nature vient se placer comme un épisode qui excède le conflit de classe qui va se nouer. Celui-ci se révèle dans la décision brutale de Mao de fermer le garage. Les ouvriers prennent alors la mesure de la réalité du rapport de classe que Mao avait cherché à minimiser. Le mouvement descendant du panoramique dans la nuit, est inverse du panoramique ascendant de la première prière dans la mosquée de palettes. Le mouvement ascendant débouchant sur un ciel lumineux était fallacieux puisque, tout de suite après, Mao entraînait le chef des manuvres pour négocier une misérable augmentation. Celui qui, de nuit, descend du haut des palettes vers les chariots élévateurs ajustant les blocs de palettes qui fermeront l'usine dit que le vrai combat est social et non pas religieux.
Les tapis vert couleur de l'islam ont moins leur place dans l'entreprise que le rouge des palettes, cette fois symbole de la révolte à mener. Jean-Luc Lacuve le 26/05/2009
Autour de R.A.Z de Gilles Guillaume (0h10)
Courte interview du réalisateur entremêlée de très courtes séquences de making-off qui expliquent à la fois le passage du scénario à la mise en scène (les post-it rangés dans l'ordre des séquences), le coup de foudre pour le décor de la zone industrielle, le travail d'approche des ouvriers continuant de travailler pendant le tournage, le bonheur de trouver des acteurs sur place. Pour R.A.Z., le rouge est bien ici la couleur de la révolution mais il ne veut pas faire un cinéma politique classique. Le cinéma est un outil politique de connaissance qui doit faire surgir de la réflexion au-dessus du bien et du mal qui est pensé sur les personnages.
Mamadou Koïta chef du village des manoeuvres (0h09)
Là aussi, documentaire aussi court que dense de Timothée Alazraki. Mamadou Koïta, chef du village des manoeuvres explique comment il a accepté de jouer dans le film de R.A.Z. et convaincu ses collèges congolais, maliens, sénégalais et mauritaniens de le faire. Il fallait tout autant vaincre la superstition liée à la peur de l'image filmique que la peur de transgresser les règles imposées par les patrons. C'est avec l'accord de ceux-ci et de leur hébergeur qu'ils ont pu jouer... pour leur plus grande joie car les jours de tournage étaient autant de jours sans travail. Celui-ci est extrêmement dur. C'est 600 palettes par jour ou travailler dans le bâtiment avec des chargements de gravas. Mamadou Koïta et ses collègues sont sans papiers et il leur est dès lors impossible de choisir leur travail. "Tout ce que tu trouves, tu fais". Il faut tout supporter pour envoyer de l'argent à la famille : le travail le jour et le bruit des avions la nuit. Pire encore, le travail peut s'arrêter du jour au lendemain. Ainsi les lieux de tournage que nous fait visiter Mamadou Koïta sont-ils aujourd'hui déserts. Dès la fin du tournage, le patron a déclaré avoir fait de grosses pertes et a mis la clé sous la porte... Sur ce coup là, on s'est fait avoir, déclare Mamadou Koïta.
Libé Labo - Analyse filmique d'Eric Loret et Richard
Poirot (0h06)
Dans un premier scénario, deux frères tenaient l'un l'entreprise de construction de palettes, l'autre celle de réparation de camions. Il est resté de ce scénario initial la dualité du personnage de Mao : inquiet et amusé, aimant et prédateur. Il y a aussi Mao, le patron, qui s'inquiète de ses employés et Rabah, le réalisateur, qui scrute ses personnages. Le film pourrait, pour paraphraser Max Weber, s'intituler L'éthique musulmane du capitalisme, ou comment gagner la paix sociale et améliorer la productivité avec une mosquée. Souvent le vide du plan prend la place de l'action avec une irrésolution des questions. Oscillation entre le rouge des palettes et le vert de la rivière. Mao aurait pu aussi être le ragondin comme le suggère la reprise du plan de face puis de dos pour la séquence de la découverte de l'animal après l'entrée dans la mosquée (!). Pour le ragondin, pour Mao comme pour Rabah, il s'agit de choisir un territoire.
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présente
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Dernier
maquis de Rabah Ameur-Zaïmeche
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