24 juin 2023 au KindArena de Rouen, Anthony Boscher monte sur le ring pour un combat d’exhibition en trois rounds de deux minutes chacun.
Ce n'est pas un combat comme les autres. Chez lui à Beuzeville, près de Pont-Audemer, Anthony explique qu'il lui faudra six mois d'entraînement pour parvenir à relever le défi qu'il s'est fixé. A 37 ans, marié, papa de deux enfants et grand amateur de boxe, il est atteint d'une spondylarthrite ankylosante (SPA). La SPA est une maladie anti-inflammatoire qui touche principalement les tendons et les articulations et qui peut s'étendre au-delà. Diagnostiqué il y a 12 ans, tous les médecins lui prédisaient une vie en fauteuil roulant. Un traitement révolutionnaire pour l’époque (anti-tnf alpha) lui a permis de tenir pendant 10 ans. Alors que tous les traitements disponibles aujourd’hui ne font plus aucun effet, que la maladie gagne du terrain de jour en jour, il s'est lancé un défi : s’entraîner et remonter sur un ring une dernière fois pour un dernier combat lors d’un gala de boxe professionnel.
Premier round : malgré les encouragements, Anthony est dominé par son adversaire. L'arbitre rappelle celui-ci au sens de ce combat où le plaisir de se battre est plus important que les coups qui, trop violents, mettraient un terme au combat.
La femme d'Anthony rappelle le courage qu'il faut à son mari pour oublier la douleur et maintenir son objectif. Depuis le Covid, sa santé s’est mise à décliner, les traitements ne fonctionnent plus. Le jour où il a dû s’aider d’une canne pour se lever, il s'est dit qu’il fallait faire quelque chose avant qu’il ne soit trop tard avec la volonté de toujours rester un exemple pour sa famille. En refusant d'abdiquer, il les protège.
Le spécialiste en rhumatologie de l'hôpital saint Antoine à Paris explique que si les anti-tnf alpha ne font plus d'effet, d'autres traitements sont à essayer. Entre-temps, il est important de faire de l'exercice, y compris de se préparer à remonter sur le ring.
Deuxième round : le combat est plus équilibré. Les encouragements dont bénéficie Anthony le renforcent dans l'idée de ne pas subir durant ce match pour lequel il s'est durement préparé.
Le boxeur professionnel, Lancelot de la Chapelle, entraîne Anthony, régulièrement, attentif à ses douleurs tout en élevant son niveau technique. Anthony s'entraîne aussi avec un ami, parcourant des kilomètres, s'oxygénant en grimpant des collines parfois rudes et terminant cet entrainement par des séries de coups et esquives .Les enfants d'Anthony s'inquiètent que leur père ne revienne pas en sang de ce combat. Leur père les rassure, ce ne sera pas le cas; d'ailleurs, il portera un casque.
Anthony rencontre son adversaire Thibaut Porte, chez lui à L’Aigle, plus jeune que lui, souffrant de la même pathologie, un multi actif également, mais qui avait sombré dans la dépression, disant que l’avenir le faisait « flipper ».
Troisième round : les deux adversaires frappent et esquivent. Le combat se termine avec un match nul sous les acclamations de la foule.
Anthony court dans la campagne environnante avec l'espoir qu'un nouveau traitement lui permettra de vaincre la maladie.
Le film s'est fait à l'initiative d'Anthony Boscher qui a contacté son ami depuis la faculté de cinéma à l'université de Caen, Florent Zelmire, dont c'est le premier long-métrage. Autoproduit et autodistribué avec une autorisation du CNC pour 100 projections, Spondyfight permet de faire la lumière sur la spondylarthrite ankylosante (SPA) à travers un défi sportif pour sensibiliser et donner la parole à tous ceux qui sont concernés, les aidants, les malades eux-mêmes, les spécialistes.
Documentaire social sur le vaste domaine de la santé en France, il dépasse le simple reportage sur un sujet pour faire un documentaire vibrant : le portrait d'un homme que le courage et l'énergie ne suffiraient pas à maintenir debout s'il n'était pas entouré du réseau amical, familial et médical qu'il s'est forgé. Refusant une voix off trop autocentrée et explicative, le film laisse son protagoniste interviewer lui-même tous ceux qui l'aident au jour le jour, faisant apparaître en creux sa difficulté de vivre avec des douleurs chroniques, souvent insupportables.
La structure de l’histoire est pensée comme un film de boxe à savoir l’apprentissage de la discipline malgré la maladie, les doutes qui arrivent au fil du temps et les douleurs qui sont de plus en plus violentes et nombreuses avec la crainte d’une blessure et enfin la performance pour aller au-delà de soi-même.
Jean-Luc Lacuve, le 12 septembre 2024