Eros + Massacre

1969

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(Erosu purasu Gyakusatsu) Avec : Mariko Okada (Noe Ito), Toshiyuki Hosokawa (Sakae Osugi), Yûko Kusunoki (Itsuko Masaoka), Etsushi Takahashi (Jun Tsuji), Daijiro Harada (Wada). 3h46

DVD Carlotta Films

Mako, la fille de Noe Itô dernière maîtresse de l'anarchiste Sakae Osugi, est interrogée par Eiko Sokutai, 20 ans, étudiante à la faculté de design de Tokyo. Eiko est la maîtresse de Unema, réalisateur de pubs qui paye ses services érotiques. Eiko est ainsi inquiétée pour prostitution par un inspecteur de police. Mais elle est surtout amoureuse de Wada un étudiant anarchiste ami de Unema qui ne répond pas à ses avances.

Déçue de ces expériences et bien décidée à comprendre qui elle est, elle étudie Sakae Osugi, le célèbre anarchiste de l’ère Taisho, qui fut le premier chantre et théoricien de l’amour libre. Il fut massacré en compagnie de de Noe Itôi dans la confusion qui a suivi le grand tremblement de terre de 1923.

Eiko se joue ainsi la première rencontre en 1916 entre Sakae Osugi et Noe Itô, alors âgée de 21 ans et sur le point d'abandonner son troisième mari, le poète Jun Tsuji avec lequel elle avait eu deux enfants. Eiko imagine aussi la rupture entre Noe Itô et Jun Tsuji grâce auquel elle était devenu redactrice en chef d'une revue féministe militante.

Ainsi parallèlement au fil de la vie Eiko se nourrit de ce qu'elle sait de Sakae Osugi de ses amours avec Noe Ito, avec son épouse Yasuko Hori et sa maîtresse Itsuko Masaoka. Elel se souvient ainsi de l'affaire Hikage-no-chaya où Utsuko Masaoka poignarda Osugi en 1916.

Les époques se téléscopent et Eiko rencontre Noe Ito. elle doit surtout comprendre comment la socité patriarcale d'avant guerre a pu conduire au massacre de Osugi

Chef-d'oeuvre de Yoshida, cinéaste majeur, qui fait de le rencontre entre le présent et le passé la matière de son cinéma. Cette invention toujours renouvelée autour d'une pensée en mouvement le fait échapper au soupçon de formalisme pour en faire un cinéaste à la rage contenue mais violente pour abattre les structures usuelles du pouvoir.

Comme à son habitude, il fait preuve ici d'un grand sens du cadre en variant les effets. Il peut ainsi n'utiliser que le dixième inférieur pour montrer juste la tête du personnage et les neuf-dixièmes du dessus pour le paysage. Les cadres sont géométrisés comme chez Antonioni où le personnage ne surgit que tardivement dans un monde-cadre qui n'a pas besoin de lui. L'excès lyrique de l'esprit souffrant génére des images mentales comme chez Bergman avec un esthétisme plus net encore.

Le téléscopage des époques est favorisé par l'athmospère de rêve éveillé dans lequel baigne le film. La beauté des dialogues est souligné par un son très net alors que ceux de la nature ou des trains qui passent disparait. Puis, lorsque l'intensité de la scène diminue sur la fin, le son off revient.

La dimension politique n'est pas un simple arrière-plan mais constitue un atout du film qui cite Max Stirner : "Ne chercher pas la liberté dans l'abnégation mais cherchez-vous en vous vous-même : soyez un moi tout puissant !" ou des réflexions sur l'intellectuel qui cherche la perfection en lui-même dans l'écrit et non dans l'action : "L'éternel insoumission de l'éternel vaincu."

Jean-Luc Lacuve, le 28/03/2008

critique du DVD
Editeur : Carlotta, avril 2008. Nouveaux masters restaurés. Langue : japonais. Sous-titres : français. Prix public conseillé : 25 €
Eros +massacre

Suppléments sur DVD 2 : Eros + Massacre version courte (2h38), tel qu’il fut exploité lors de sa sortie au Japon le 14 mars 1970Yoshida ou l'éclatement du récit (29 mn) Le cinéaste Kijû Yoshida et les historiens du cinéma Jean Douchet et Mathieu Capel reviennent sur la figure du personnage historique Sakae Ôsugi ainsi que sur les thèmes d’Eros + Massacre et sa radicalité.