Dans la grande bibliothèque centrale, située à l'angle de la 5e Avenue et de la 42e Rue, le darwiniste Richard Dawkins explique la dangerosité de la religion et du créationnisme en particulier, fondés sur le manque de connaissances. Celle qui l'interroge remarque que son discours ne se cantonne pas à la biologie, mais parle du cosmos et de la poésie. Les visages des auditeurs, debout, de tous âges et de couleurs de peau différentes sont attentifs au discours du conférencier.
Dans la bibliothèque de nombreux employés répondent au téléphone aux questions des usagers
Anthony Marx, le directeur général explique à son auditoire que la bibliothèque fonctionne sur un partenariat public privé, puisque près de la moitié du budget provient de fondations privées.
Nouvelle conférence sur l'existence de tendance refusant l'esclavage au sein de l'Islam au XVIIIe. Ce mouvement prôné par les clercs est étouffé par la royauté, notamment au Sénégal, qui se débarrasse de ses prêtres encombrants en les envoyant comme esclaves aux USA. Ces mouvements d'émancipation sont encore trop peu étudiés mais prouvent que la pensée des lumières, la pensée émancipatrice, ne vient pas seulement des pays colonisateurs.
Succession des activités au sein de la NYPL : des aides à la création d’entreprise, des aides aux devoirs, lecture en signes pour les sourds, cours de danse pour personnes âgées…des aveugles apprenant à lire le braille, des enfants fabriquant des robots dans un atelier
Visite des collections de photographies et d'estampes ou gravures
Réunion de travail où il est rappelé qu'Andrew Carnegie a été le fondateur des bibliothèques en Amérique, à la fin du XIXe siècle.
Réception en l'honneur de l'action du président du Schomburg Center for Research in Black Culture.
Conférences avec Elvis Costello ou Patti Smith parle de Jean Genêt qui transforme la vérité en art, en poésie. L’écrivain Ta-Nehisi Coates explique que la servitude est l’un des aspects de la condition humaine en comparant celle d’aujourd’hui avec celle exercée par les serfs du XIVe siècle
Dans la bibliothèque de Harlem où est venu le président du Schomburg Center for Research in Black Culture est pointé du doigt comment certains manuels scolaires réécrivent l’histoire sans souffler mot des souffrances du peuples noir alors qu'ils le font pour la classe ouvrière laborieuse.
Le CA est réunit. A cette occasion l'accord se fait pour acheter les manuscrits de Phillis Wheatley, esclave et première poétesse noire américaine reconnue, notamment par les premiers présidents des Etats-Unis
Le CA se réunit pour fixer ce que pourront être les grands axes de l'an prochain (ouverture 7 jours sur 7 ?) donner un message clair pour que la ville le répercute sur ses administrés.
Après La danse - Le ballet de l'Opéra de Paris (2009), deux films sur des sujets sur lesquels on ne l'attendait pas, le club de boxe Lord's Gym (2010) et le Crazy Horse (2011), Wiseman était revenu à deux grandes institutions, l'université de Berkeley (2013) et La National Gallery (2014) pour déambuler ensuite In Jackson Heights (2015). Comme l'indique son titre complet, dans Ex Libris: The New York Public Library Wiseman tente de donner sa version personnelle d'une quatrième grande institution la New York Public Library (NYPL).
Cependant son choix d'articuler son film sur les réunions des équipes dirigeantes, brillantes mais sans opposition, conduit Wiseman à faire dorénavant bien davantage l'éloge des institutions qu'il filme plus qu'un travail critique sur ces institutions. On ressort néanmoins conquis par le travail de toutes ces équipes qui ont su produire un cercle vertueux pour faire de la NYPL une institution où argent public et argent privé se disputent ses faveurs pour des buts d'égalité et de fraternité qui forcent le respect.
Ex Libris ?
Ex libris désigne l'inscription à l’intérieur d’un livre du nom du propriétaire ou d'une image qui lui est associée tel un blason. "Ce que je veux surtout indiquer, indique Wisemen est que mon film ne reflète pas tout ce qui se passe à la New York Public Library, de la même façon que j’ai intitulé mes films précédents At Berkeley ou In Jackson Heights, parce qu’il n’est pas possible de filmer tout ce qui se passe dans ces lieux. Mais ici, plutôt que d’avoir à titrer From The Library, il existait une expression latine permettant de suggérer cela".
Cependant Wiseman fait dorénavant bien davantage l'éloge des institutions qu'il f ne les critique. Certes les infirmiers et les médecins de l'hôpital Beth Israel de Boston dans Near Death faisait bien leur travail et dans Law and Order (1969), la police était critiquée pour sa violence mais elle aidait aussi les gens. Ici le discours de Wisemen se fait moins complexe : "Tous ceux qui œuvrent dans ce lieu font un travail magnifique. Ils sont dans le partage du savoir, ils s’occupent des autres, veulent protéger les archives, cherchent de l’argent pour continuer à remplir leur mission".
La NYPL prétend fixer elle-même ses objectifs, toutefois calés sur les priorités de la mairie et obtenir des fonds privés pour ces objectifs de politique publique. Assez curieusement quand même aucune réunion avec les responsables de la mairie ou avec les financiers privés n'est montrée. Dans les séances filmés, l'objectif affirmé de l'aide parascolaire fait l'objet de deux courtes séquences (aide aux devoirs et atelier de robotique), très peu par rapport au fil rouge que constituent les réunions de travail internes où le staff discute et argumente puis décide.
The New York Public Library
Fidèle à son immersion discrète dans une institution, Wiseman s’occupe du son et dirige son opérateur. Une troisième personne, qui s’occupe du matériel optique et de tout l’équipement, complète cette petite équipe. Wiseman a recueilli cent cinquante heures de rushes avant de consacrer un an au montage. Aucun commentaire n'accompagne les images. C'est tout juste si un plan de coupe sur un ballon de Noël vient marquer ironiquement le trop enthousiaste discours d'un recruteur pour un job.
A côté de la grande bibliothèque centrale, on trouve quatre-vingt-dix annexes. C’est tout un réseau qui couvre Manhattan, le Bronx et Staten Island. En revanche, le Queens et Brooklyn en sont dépourvus et fonctionnent différemment. Wiseman a filmé dans dix-sept annexes et en a gardé treize au montage. Ayant filmé les réserves, les espaces de stockage, il ne garde que le réseau mécanisé de circulation, le tapis roulant avec les livres dessus. Wiseman préfère se concentrer sur la NYPL comme un lieu d'apprentissage, d'accueil et d'échange qui propose des concerts, des conférences, des cours de danse pour seniors, des formations de toutes sortes… Ceux qui y viennnent le font pour rencontrer d’autres gens, pour échanger, pour se renseigner, pour s’informer, pour étudier et... éventuellement lire.
La distribution gratuite de matériel informatique avec abonnement limité à internet aide à poursuivre ces objectifs. L'aide périscolaire passe de plus en plus par les locations en e-Learning, type coffrets du maitre. La bibliothèque s'emploie ainsi à sortir les plus pauvres de "la nuit numérique" pour offrir à chacun un accès à la science et à une histoire du pays plus juste. Wiseman fait en effet du combat pour l'accession des Afro-Américains à une citoyenneté enfin égale à celle des blancs, un autre de ses fils rouges revenant au travers de maintes séquences (première conférence sur les rois du Sénégal qui envoient leurs clercs émancipateurs comme esclaves, séquences au Schomburg Center for Research in Black Culture, l'édition des manuel douteux au Texas sans reconnaissance des souffrances des Afro-américains, l’écrivain Ta-Nehisi Coates revenant sur la servitude au cours des siècles, poèmes de Phillis Wheatley, esclave et première poétesse noire américaine).
Jean-Luc Lacuve, le 12 novembre 2017
Source : dossier de presse