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La grande combine

1966

(The fortune cookie). Avec : Jack Lemmon (Harry Hinkle), Walter Matthau (Willie Gingrich), Ron Rich (Luther 'Boom Boom' Jackson), Judi West (Sandy Hinkle), Cliff Osmond (Purkey), Lurene Tuttle (La mère de Hinkle), Harry Holcombe (O'Brien), Les Tremayne (Thompson), Lauren Gilbert (Kincaid), Marge Redmond (Charlotte Gingrich), Noam Pitlik (Max), Harry Davis (Dr. Krugman), Ned Glass (Dr. Schindler). 2h05.

Harry Hinkle est caméraman de télévision pour CBS. Ce dimanche, comme beaucoup d'autres, il couvre un match de football américain à domicile au stade municipalentre les Cleveland Browns et les Minnesota Vikings à l'aide de sa caméra portative qu'il manie avec un grand professionnalisme. Pourtant un événement va troubler la routine car " Boom Boom " Jackson, un demi-arrière noir de 120 kilos, des Cleveland Brown fonce droit sur Harry, qui se retrouve à l'hôpital.

Les blessures de Harry sont mineures. Dans la salle d'attente, William H. "Whiplash Willie" Gingrich, son beau-frère avocat, particulièrement avide de s'élever de sa médiocrité financière, et totalement dénué de scrupules, apprend de la bouche de sa belle-mère que Hinkle a été victime d'un accident étant enfant, ayant eu une vertèbre sérieusement abimée. Prévoyant que celle-ci doit toujours avoir le même aspect, il décide de monter une arnaque avec Hinkle. Il le convainc de prétendre que sa jambe et sa main ont été partiellement paralysées par le choc afin de recevoir une énorme indemnité de la part de la société d'assurance... et de relancer sa propre carrière.

Gingrich traîne ainsi en justice les Cleveland Browns, le Stade Municipal, la télévision et demande des dommages et intérêts s'élevant à un million de dollars pour Harry. Celui-ci accepte à contrecœur le stratagème car il est toujours amoureux de son ex-femme, Sandy, une blonde superbe qui l'a " plaqué " pour un musicien. Il espère que la médiatisation de sa blessure pourrait la lui ramener.

Les avocats des compagnies d’assurances, O'Brien, Thompson et Kincaid soupçonnent la paralysie d’être simulée. Mais tous les experts médicaux, sauf un, le professeur suisse Winterhalter, disent qu'elle est réelle, convaincus par les séquelles de la vertèbre comprimée dont Hinkle a souffert dans son enfance, et les réponses de Hinkle, sous anesthésiants de novocaïne que Gingrich s'est procuré d'un dentiste en libération conditionnelle, le Dr. Schindler.

En l'absence de preuves médicales sur lesquelles s'appuyer, O'Brien, Thompson et Kincaid engagent le meilleur détective privé de Cleveland, Chester Purkey, afin de surveiller Hinkle en permanence. Cependant, Gingrich voit Purkey entrer dans l'immeuble de l'autre côté de la rue et informe Hinkle qu'ils sont surveillés et enregistrés et, après le retour de Sandy, l'avertit de ne pas s'adonner à aucun ébat avec elle. Il transmet des informations erronées à Purkey; la création de la "Fondation Harry Hinkle", un organisme de bienfaisance à but non lucratif auquel tout le produit de l'assurance doit aller, au-delà des frais médicaux. Lorsque Sandy interroge Gingrich à ce sujet en privé, il lui dit qu'il ne s'agit que d'une escroquerie qui consiste à faire pression sur la compagnie d'assurance pour qu'elle paie, et qu'il y aura suffisamment d'argent dans le règlement pour tout le monde.

Hinkle commence à apprécier le retour de Sandy, mais il se sent mal quand il voit que Boom-Boom est tellement culpabilisé que sa performance sur le terrain en souffre. Il est hué par les fans puis puni par l'équipe pour s'être enivré et impliqué dans une bagarre dans un bar. Hinkle veut que Gingrich représente Boom-Boom, mais à son grand mécontentement, Gingrich dit qu'il est trop occupé à négocier avec O'Brien, Thompson & Kincaid. Hinkle découvre également que Sandy lui est revenu uniquement par cupidité. De son côté Boom-Boom refuse de retourner sur un stade et consacre désormais son temps à assurer la meilleure convalescence possible à sa "pauvre victime".

Hinkle obtient un chèque de 200 000 $. Cependant, Purkey a un plan pour faire éclater l’escroquerie au garnd jour. Il se présente à l'appartement pour récupérer ses microphones cachés. Il commence à faire des remarques racistes à propos de Boom-Boom et de "nos frères noirs" qui échappent à tout contrôle. Hinkle, furieux, saute par-dessus son fauteuil roulant. Mais son assistant, Max, n'est pas sûr de l'avoir enregistré sur le film, car "il fait un peu sombre". Hinkle demande à Purkey s'il souhaite une deuxième prise, allume une lumière et conseille au caméraman comment régler son exposition. Il frappe ensuite à nouveau Purkey, puis poursuit en balançant des tringles à rideaux et en rebondissant sur le lit.

Sandy rampe par terre à la recherche de ses lentilles de contact perdues et juste avant de quitter l'appartement, Hinkle la pousse brutalement vers le sol avec son pied. Gingrich affirme n'avoir aucune idée que son client le trompait et annonce son intention de poursuivre les avocats de la compagnie d'assurance pour atteinte à la vie privée et de faire état des remarques racistes de Purkey à diverses organisations.

Hinkle se rend au stade où il trouve Boom-Boom prêt à quitter l'équipe pour devenir peut-être un lutteur nommé "The Dark Angel". Hinkle réussit à sortir Boom-Boom de sa tristesse, et les deux courent dans les champs en se passant et repassant se repassant un ballon de football entre eux.

Structuré en 16 chapitres consciencieusement numérotés, le film est une charge violente contre l'omniprésence des médias et en particulier de la télévision, de la famille américaine, du carriérisme, et de la ségrégation de fait alors que le droits civiques ont été récemment conquis par les noirs

Le titre original, fortune cookies, ce sont les gateaux chinois qui contiennent un conseil, un dicton, ou une vision d'avenir. Ici, le cookie dit en substance : 'Tu ne peux pas tromper tout le monde une fois, ou une personne tout le temps.'

Jeu de massacre sur la famille à l'hôpital, où la mère d'Harry, sa soeur et son beau-frère accompagnés de leurs deux enfants ne manifestent aucun rapport d'affection ni de tendresse. La mère ne se fait entendre que pour pleurer, et se faire rembarder d'un sonore "Shut up" par son gendre. Gingrich, n'a de famille que parce qu'un jour il a couché avec sa secrétaire, et a sans doute couché avec sa belle soeur ; il lui met en effet la main aux fesses tout enlui signalant qu'elle a pris un peu de rondeurs. La femme d'Harry, Sandy aspirante chanteuse, et surtout à la recherche d'un bon parti, elle est partie avec un chef d'orchestre, alors que les perspectives de carrière de Harry ne semblaient pas aller très loin. Elle n'a pas percé pour autant.

Comme toujours, Wilder a aussi su inventer des noms évocateurs. Le nom Gingrich rappelle le "Grinch", personnage odieux et sans scrupules, un sale bonhomme, qui trompe tout le monde tout le temps. Boom boom Jackson, le personnage est doté d'un patronyme intéressant : Jackson, c'est la capitale du Mississippi, l'état dans lequel les plus importantes avancées de la lutte des noirs pour les droits civiques se sont tenues...Or Jackson, vedette du football, avoue lui-même n'avoir aucun avenir en dehors du sport, et tient un bowling fréquenté uniquement par des noirs. Ses rapports avec les blancs sont symbolisés par ces scènes durant lesquelles il sert son ami Hinkle, dévoué entièrement corps et âmes. Il s'installe avec lui, lui fait la cuisine, lui sert le café, et va même jusqu'à récupérer sa femme à l'aéroport.Sa seule récompense sera de culpabiliser tant et si bien qu'il va mettre sa carrière en l'air.

Au-delà des inégalités raciales, c'est d'inégalité sociale qu'il est largement question dans ce film; on a bien un portrait au vitriol de la nécessité de s'élever, qui frappe d'autant plus qu'elle va de pair avec un manque total de décence: les deux personnes qui souhaitent s'améliorer, Gingrich et Sandi, sont absolument lamentables.

Si Hinkle est plutôt un médiocre, il est aussi plutôt sympathique, d'autant qu'il a su dire non à la voie tracée par son beau-frère, et ce au bon moment. Le révélateur, c'est soit l'évidente duplicité de sa femme, soit le traitement infligé dans les médias à Boom boom Jackson. Quoi qu'il en soit, il décide de redevenir un homme honnête, et s'en sort plutôt bien, le film se terminant sur Jackson et Hinkle, dans un stade vide, fraternellement unis en jouant avec un ballon. Comme souvent chez Wilder, c'est en étant honnête avec soi même et les autres que l'on s'en tire le mieux.

Webographie : John Allen

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