Floride, 1840. Les États-Unis luttent vainement depuis des années contre les Indiens Séminoles. Le lieutenant de marine Richard Tufts est chargé de mettre une embarcation au service de Quincy Wyatt, un officier hors du commun qui vit dans une ile, face aux terrains des combats, ayant rompu avec les usages et la discipline de l'armée régulière. Il porte ainsi une tenue plus proche du trappeur que d'un soldat. Très respecté de tous, Wyatt a un fils de six ans, dont la mère, une princesse indigène, est aujourd'hui décédée. Wyatt est néanmoins à la tête d'une petite troupe de 40 hommes que lui a confiée le général Zachary Taylor.
Le plan de Wyatt est d'attaquer et de détruire le fort voisin où les Séminoles se ravitaillent en armes grâce à des contrebandiers qui en ont pris le contrôle. Il pense pouvoir réussir sans autre appui que les quelques dizaines d'homme de son régiment. Wyatt a obtenu pour cette entreprise téméraire l'accord du général Zachary Taylor.
La petite groupe traverse le grand lac dans l'embarcation de Tufts et s'enfonce en territoire ennemi sur une trentaine de kilomètres, sans rencontrer d'opposition. Après avoir investi le fort et une brève échauffourée avec els contrebandiers, le capitaine ordonne sa destruction. Leur mission accomplie, les Américains rebroussent chemin après avoir libéré quelques prisonniers, dont une jeune femme, Judy Beckett.
Talonné par les Séminoles et dans l'impossibilité à s'embarquer sur le navire de Tufts sous le feu des Indiens, Wyatt s'enfonce dans les Everglades, infestés de serpents et de caïmans, sous la menace constante des Indiens.
Il y a 240 kilomètres à parcourir dans cet enfer. Les prisonniers libérés étant trop faibles pour suivre les soldats. Wyatt sépare sa troupe en deux groupes. Le premier, commandé par le sergent Shane, continue à pied en droite ligne. Le second, sous ses ordres, accepte de prendre le temps, et donc, le risque d'être rattrapé par les indiens, pour construire des canoës. Au fil de l'eau, le trajet sera ainsi moins éprouvant même s'il dure plusieurs jours. Durant le voyage, Wyatt fait plus ample connaissance avec Judy Beckett. Elle cherche à se faire passer pour une jeun fille de la haute société de Savannah. Wyatt devine médiatement qu'elle vient, comme lui, d'une des régions les plus pauvres de Géorgie. Elle est hanté par le désir de se venger d'un aristocrate de la ville qui, abusant de sa pauvreté et de sa jeunesse l'entretint quelques années avant de tuer son père qui avait enfin compris son ignominie.
Au lieu de rendez-vous, le capitaine ne trouve que Monk, unique rescapé des soldats du groupe de Shane qui ont été massacrés ou capturés. Wyatt s'empare d'un Séminole et pointe vers lui la gueule ouverte d'un serpent. L'indien indique l'endroit où sont cachés les prisonniers. Mais quand les soldats y parviennent, après avoir longuement marchés dans les marais, il est trop tard. Les prisonniers ont été donnés en pâture aux crocodiles.
Reprenant leur marche épuisante, les survivants arrivent au domaine du capitaine, qui n'est plus qu'un amas de ruines. Ils sont bientôt encerclés par les Séminoles. Wyatt ordonne à chaque soldat de se creuser un trou individuel pour se défendre contre l'ennemi. Il confie à Judy que sa femme a été tuée, non par les Indiens, mais par de jeunes soldats ivres. Il a depuis longtemps renoncé à la vengeance. Deux indiens, en nageant sous l'eau tentent de s'infiltrer de nuit pour tuer les soldats mais c'est Wyatt qui les poignarde tour à tour.
Au matin, redoutant une attaque massive, Wyatt provoque le chef Ocala en duel au couteau et le tue. Il provoque ainsi la fuite des Indiens. C'est alors que surviennent les troupes du général Taylor. Le jeune fils de Wyatt, que celui-ci n'espérait plus revoir, est avec eux. Les soldats l'ont trouvé caché dans la jungle. Ils partent sur la trace des Séminoles définitivement affaiblis par la disparition de leur arsenal et de leur chef. Judy, modifiant ses plans, reste aux côtés de Wyatt et de son fils qui peuvent désormais se consacrer à la reconstruction de leur domaine paradisiaque.
Malgré leur intensité, les péripéties du film importent finalement peu. C'est en effet la grandeur du héros walshien qui se révèle au cours de ces aventures.
Un grand film d'aventures
Les péripéties sont nombreuses : prise du fort ; incendie allumé dans les hautes herbes entre les soldats et les Indiens qui les avaient presque rattrapés ; traversée de la rivière aux alligators ; fuite dans la rivière après avoir du abandonner les canoës ; défense de l'ile du capitaine ; duel aquatique avec Ocala.
Le montage use volontiers du volet latéral, où l'image est chassée par une autre de gauche à droite ou de droite à gauche, selon la marche des fuyards, par le plan qui suit. Ce procédé dynamise le suspens d'autant que les Indiens sont perpétuellement en train de courir à la poursuite des soldats alors que ceux-ci sont retardés par les prisonniers qu'ils ont libérés.
C'est, avec Forêt interdite (Nicolas Ray, 1958), le grand film des Everglades. Le parc naturel y est en effet magnifiquement filmé : grands arbres ; forêt vert pomme ; rivières infestées de dangers; arbre abattu pour la construction des pirogues ; envols de flamands roses.
Ainsi, péripéties et grandeur de la nature suffiraient à rendre remarquable ce film si Walsh ne lui insufflait la quintessence de ce qu'est pour lui le héros, antithèse absolu des névrosés qu'il aussi si bien filmés.
Le héros walshien
Le narrateur qui commente le récit, Tufts commente aussi la grandeur de Wyatt. Il lui sert de faire valoir. A peine dit-il qu'il a calculé que Wyatt s'est trompé de 10 kilomètre dans la longue marche vers le fort qu'il voit celui-ci surgir. Il est de même sauvé d'un serpent par le tir de Wyatt alors qu'il s'apprêtait à contester son choix de direction.
Pourtant, le héros walshien n'a rien du surhomme. Certes grand, actif et courageux, il est surtout autonome, serein et attentif aux plus faibles. Wyatt est aussi éloigné de l'armée à laquelle il appartient encore bien qu'elle ait tué sa femme que des Indiens qu'il combat sans relâche. Wyatt est néanmoins, même sans mélancolie ni amertume, un homme seul. Ventant son mode de vie dans la nature auprès de Judy, elle ne manque néanmoins pas de lui faire remarquer qu'il se retrouve seul toutes les nuits.
C'est ainsi par le pendant de l'autonomie, le renoncement à la vengeance et au ressentiment, que le couple s'entend et s'unie dans un chemin vers la sérénité.
Autonomie et sérénité avaient auparavant fait l'objet de la séquence la plus humoristique du film, celle du rasage de barbe. Tufts et Judy tentent une conversation mondaine telle que celle-ci prétend en avoir toujours à Savannah. Déjà fatigués de leur propre snobisme, ils ne peuvent détacher les yeux de Wyatt se rasant la barbe, sans savon, avec la seule lame affutée de son poignard qui glisse sur sa peau sans y faire la moindre égratignure. L'humour de la scène est renforcé par le "Belle conversation que vous avez là ?" que Wyatt lâche en quittant ses deux observateurs médusés puis en se moquant ensuite de l'essai de Tufts qui justifie ses égratignures par une branche mal positionnée. Wyatt en confirme la fourberie "surtout sans savon".
Jean-Luc Lacuve, le 27 mars 2020.