A Bagnolet, en Seine-Saint-Denis. Tony, un jeune noir visite les locaux techniques au sous-sol des tours jumelles des mercuriales, celle du levant et celle du ponant en compagnie du chef de la sécurité pour un emploi de gardien de nuit.
Au dernier étage des mercuriales un groupe de jeunes femmes attend pour un entretien d'embauche comme hôtesse d'accueil. Elles tirent les cartes de tarots s'entretiennent de leurs amours ou comparent leurs seins. Sur la terrasse, Lisa venue de Moldavie échange quelques mots sur son pays avec Joane.
Tony commente le nom des étages des tours qui portent tous le nom d'un dieu ou d'une déesse grecque de l'antiquité. Une jeune femme qui occupe le même poste que lui mais plus expérimentée le trouve un peu naïf et lui fait une démonstration de self-defense.
4 Aout 2013. Lisa aime se dessiner aime raconter sa vie comme un roman. Elle allume des bougies et, dos au mur face caméra, en appelle aux quatre points cardinaux et aux dieux maitres des éléments. Elle raconte qu'en arrivant à Bagnolet, elle s'est perdue en suivant une femme qui marchait vite en portant une rose à la main. Elle avait fini par découvrir que la rose était destinée à finir sur la tombe d'un cimetière pour animaux.
Lisa n'est pas restée aux mercuriales mais, n'ayant pas oublié les quelques mots échangés avec Joane cherche à la revoir. Joane vit en collocation dans des immeubles menacées de destruction prochaine. Elle fait office de baby-sitter pour Zouzou, sa collocatrice qui élève seule sa fille Nadia. Zouzou va sortir ce soir pour une deuxième rencontre avec un homme posé ayant un bon travail et qui pourrait être un bon père pour sa fille.
Nadia discute avec Lisa et Joane avoue son amour pour un garçon de son âge qui ne la remarque même pas. Elle est transformée en fillette sexy. Les deux filles discutent de leurs espoirs puis s'endorment.
Nadia joue avec ses amis. Ils se moquent d'un jeune musulman qui veut leur inculquer quelques phrases d'arabe religieux avec une poupée qui parle.
Quelques jours ont passé. C'est maintenant Joane qui souhaite revoir Lisa. Les deux filles se baladent. De retour Lisa repend le fil de son roman graphique : "Cette histoire se passe en des temps reculés, des temps de violence. Partout à travers l’Europe une sorte de guerre se propageait. Dans une ville il y avait deux sœurs qui vivaient…"
Lisa a des difficultés pour dormir se remémore les rites de début de printemps de son pays, déchire le papier peint de son appartement y découvre un trou dans le plâtre puis, armée d'une barre de fer, s'en va détruire une cabine téléphonique. Joane invite Lisa dans uen boite: c'est là qu'elel danse comme gogo girl.
C'est l'anniversaire de Joane. Triste soirée où l'ami musulman refuse de boire te lui dit ses quatre vérités. Zouzou se marie avec son fiancée dans une église moderne de forme conique. L'amour ne passera pas dit le prêtre croyant en l'amour éternel. C'est aussi la banderole affichée dans al salle des fêtes.
23 aout. Lisa est invitée par Joane à partir en vacances dans l'Est dans la maison de son grand-père. Elles font un feu; pissent dans la baignoire. Joane un soir sort avec un garçon. C'est le retour à Bagnolet. Elles croisent Tony qui fut un temps garde de sécurité dans un supermarché et qui est devenu soldat.
A court d'argent, Lisa rentre en car vers Chisinau. Joane la quitte en larme à la gare routière. Les pelleteuses détruisent les vieux bâtiments résidentiels où habitaient Joane et Zouzou.
Mercuriales confronte, le temps du mois d'aout 2013, l'aventure des deux tours jumelles des Mercuriales à celles de deux jeunes filles qui s'y sont rencontrées par hasard et deviennent, brièvement, comme deux sœurs. Les deux tours finiront seules représentantes des dieux contemporains en dépit des efforts des deux jeunes filles d'y construire un espace légendaire à leur mesure.
Les Mercuriales, déesses contemporaines
Lisa et Joane confrontent leur culture populaire, les rites moldaves du printemps pour l'une, la danse pour l'autre, à l'environnement en mutation des alentours des Mercuriales. Ces deux tours, construites au temps du capitalisme triomphant pour rééquilibrer à l'est les quartiers d'affaires alors concentrés à la Défense, se retrouveront seules après le choc pétrolier des années 70. Ces deux tours, décrites depuis leur sous-sol dans un préambule sonore impressionnant portent pour chacun de leurs étages le nom d'un dieu. Vues d'en haut, elles donnent le vertige et découvrent un paysage qui peut être vues comme une série de prisons ou de châteaux moyenâgeux.
ces deux tours ne peuvent constituer pour Lisa et Joane un espace épanouissant, les laissant ne jamais ouvrir les portes des bureaux pour rester dans les couloirs comme hôtesses d'accueil et c'est ce même sort périphérique qui es réservé à Tony comme gardien de nuit, protégé dans les couloirs pare-feu mais interdit de séjour dans ces mêmes bureaux.
Un no man's land précaire
Lisa et Joane ne peuvent trouver un équilibre économique précaire qu'en habitant dans le no man's land, entre ces tours et le périphérique. Lisa avait espéré mieux une femme s'y promenait rose à la main mais c'était pour son chien enterré non loin. Lisa quia vite quitté les tours investit donc de ses tentatives magiques l'espace de son petit appartement : elle écrit son roman graphique sous quasi hypnose invoquant les dieux des quatre éléments, bougies à l'appuie. C'est par elle que survit la magie et l'archaïsme de lieux. Zouzou le déserte en se mariant et après son départ à Chisinau, Joane se retrouvera même privée de son habitat, détruit par les pelleteuses.
L'espace de Joane est plus incertain encore, entre son désir urbain de devenir danseuse mais seulement comme gogo girl dans une boite aux statues de dieux et déesses érotiques dérisoires. Elle ne peut accorder cet espace et celui plus protégé de son enfance en Alsace que par des tentatives de séduction sans lendemain. Son ami musulman contre lequel elle s'emporte ne lui révèle que la vérité. Zouzou a mis ses espoirs dans un mariage religieux dans une église au chœur conique et protecteur mais la banderole "L'amour ne passera pas" qu'elle transpose de l'église à la salle des fêtes est bien ambigü, surtout si on se souvient de la mise en garde de son amis coiffeur sur la necessité d'être différents dans un couple. Seule la pétillante Nadia, toujours riante et ironique synthétisera peut-être toutes ses rencontres dans un ailleurs en devenir.
Jean-Luc Lacuve le 06/12/2014.